Certains prennent parfois les athlètes pour des robots.

Ken Campbell, du Hockey News, a toujours des opinions bien tranchées. Je ne suis pas toujours d'accord avec lui, en fait très rarement d'accord avec lui, mais il a le mérite de lancer de bons débats.

Dans l'un des plus récents numéros du magazine, Campbell tient Scott Niedermayer responsable des déboires des Ducks d'Anaheim l'an dernier et en ce début de saison (ça va beaucoup mieux depuis quelques matchs!).

Le chroniqueur affirme que les Ducks n'ont jamais plus été les mêmes depuis la longue absence de Niedermayer en première moitié de saison l'an dernier. Il ajoute que la pause de celui-ci constitue carrément un acte de grève au même titre que ceux de Keith Tkachuk et Alexei Yashin ces dernières années parce qu'il était encore sous contrat lorsqu'il ne s'est pas présenté au camp des Ducks l'an dernier.

Campbell a raison d'affirmer que l'absence de Niedermayer a été source de distractions dans l'entourage de l'équipe. Il touche également un bon point en écrivant que l'indécision du capitaine a forcé le DG Brian Burke à embaucher Mathieu Schneider comme police d'assurance, et que le retour de Niedermayer a obligé Burke à se débarrasser du centre Andy McDonald et du gardien Ilya Bryzgalov pour se conformer au plafond salarial (puisqu'il a été incapable d'échanger Schneider).

Mais peut-on accuser un athlète d'agir de mauvaise foi quand il est vidé émotionnellement et physiquement? Ça semblait être le cas de Niedermayer et l'histoire se répète avec Mats Sundin cet automne. Ces grands hockeyeurs, qui ont tout donné pendant des dizaines d'années sur la glace, ont-ils le droit d'écouter leur tête et leur corps? Ont-ils le droit de ne pas se sentir prêts à affronter les rigueurs d'un long calendrier et les assauts de l'adversaire, qui sont de plus en plus violents et dangereux?

Je vais longtemps me rappeler de l'état d'esprit dans lequel se trouvait l'ancien capitaine des Flyers de Philadelphie, Éric Desjardins, au moment où il a pris sa retraite il y a deux ans.

Desjardins était brûlé. Incapable de trouver la force morale et physique de s'imposer les rigueurs d'un entraînement qui lui aurait permis de retrouver le niveau d'antan. Incapable aussi, surtout, d'accepter le fait qu'il n'aurait pas été en mesure de donner son plein rendement sur la glace. S'il y en a un capable de comprendre Niedermayer et Sundin, c'est bien lui.

«Parfois, certains gens ne respectent pas les décisions personnelles d'un joueur parce qu'ils croient que l'athlète leur appartient, dit Desjardins. On devrait tout faire ce qu'on nous demande sans rien dire. Les gars peuvent performer d'année en année mais on leur en demande toujours plus. Et après, quand ils n'y sont plus, on passe vite à autre chose. Mais si la tête n'y est pas, oublie ça, ton jeu s'en ressentira. Le calibre est rendu trop élevé.»

Éric Desjardins estime également qu'il faut éviter de tenir compte des salaires. «Il y en a qui n'arrivent pas à comprendre comment un athlète comme Niedermayer ou Sundin peuvent cracher sur sept millions ou huit millions. Mais ce n'est plus ça qui te motive à ce stade-ci de ta carrière. Tu veux plutôt pousser au maximum de tes limites et gagner. C'est ça qui t'incite à continuer ou non. Et Niedermayer avait gagné tout ce qui était possible de gagner. Il était probablement vidé.»

Les Ducks ont pris du mieux depuis la chronique de Ken Campbell. Après quatre matchs décevants en ouverture de saison, ils ont subi seulement deux défaites à leurs 10 dernières rencontres.

Les piliers se sont remis à produire. Niedermayer est du nombre, totalisant huit points en 13 matchs, dont six à ses cinq derniers, et une moyenne d'utilisation de 26 minutes par rencontre.

La situation de l'an dernier a évidemment nui aux Ducks. Reste que ces héros demeurent des êtres humains. Niedermayer a été honnête envers les fans des Ducks et de la LNH en sacrifiant une partie de son salaire plutôt que d'offrir des performances qu'il n'aurait pas jugées adéquates.