Le retour récent de Serge Savard dans le giron du Canadien semble en rassurer plus d'un.

On ne pourra jamais reprocher au propriétaire Geoff Molson de ne pas s'entourer de gens expérimentés.

Des rumeurs ont même circulé selon lesquelles on songeait à offrir à Savard un poste permanent. C'est du moins ce qu'a soutenu Radio-Canada, dimanche.

La nouvelle a été niée depuis, mais on devine que Savard ne jouera pas un rôle de figurant dans la relance du Canadien. Et il puisera assurément dans son expérience passée quand il conseillera Geoff Molson quant au choix du prochain directeur général de l'organisation.

Mais l'ancien DG du Canadien ne relancera pas le Tricolore d'un coup de baguette magique. Et on a tendance à oublier sa fin de règne, qui a assombri une première ère formidable.

Savard a échangé Chris Chelios pour Denis Savard. Celui-ci a joué trois ans à Montréal et n'a jamais amassé plus de 70 points par année. Chelios a joué neuf ans à Chicago et 10 autres à Detroit.

L'échange de John LeClair, Éric Desjardins et Gilbert Dionne a fait mal au Canadien, non pas en raison des succès de LeClair à Philadelphie, mais parce qu'on a mis longtemps à colmater la brèche laissée par le départ de Desjardins, défenseur numéro un du CH à l'époque.

On a aussi beaucoup reproché à Réjean Houle d'avoir échangé Patrick Roy au Colorado, mais Savard avait une entente en poche avec l'Avalanche. Il aurait reçu le gardien Stéphane Fiset et l'attaquant Owen Nolan plutôt que Jocelyn Thibault, Martin Rucinsky et Andrei Kovalenko. Nolan a connu seulement deux saisons de plus de 30 buts en 13 ans après son départ du Colorado.

Savard insiste, avec raison, sur l'importance de redonner une fierté à l'équipe et de consacrer plus d'efforts à repêcher des jeunes du Québec.

Pourtant, selon une analyse faite il y a quelques années, le Canadien a repêché des Québécois dans une proportion de 24% sous le règne de Savard et de 22% pour l'équipe de Trevor Timmins.

Il est par ailleurs normal pour l'administration Savard de s'être concentrée davantage sur le Québec puisqu'il a fallu la fin de la guerre froide en décembre 1989 pour que les équipes de la LNH commencent à repêcher en Europe de façon plus systématique.

La manne de joueurs québécois semblait aussi beaucoup plus riche à l'époque. Malgré tout, le Canadien s'est souvent tourné vers l'Ouest canadien lors des premières rondes du repêchage. Qu'on pense à Mark Pederson en 1986, Lindsay Vallis en 1989, Turner Stevenson en 1990, Brent Bilodeau en 1991 et David Wilkie en 1992.

José Charbonneau a bien été repêché au 12e rang en 1985, mais il n'a jamais réussi à s'établir dans la LNH.

Serge Savard a tiré le Canadien du marasme au début des années 80 grâce à un formidable plan de relance et de solides choix au repêchage, tels Patrick Roy, Stéphane Richer, Claude Lemieux et Shayne Corson.

Mais sans rien enlever à son mérite, il était devenu un DG usé lors de son congédiement en 1995. Et la LNH a beaucoup changé depuis.

Le CH comptait seulement quatre Européens à la fin de 1994. Aujourd'hui, ceux-ci occupent presque la moitié des formations de chaque club.

Il y a moins d'accrochage, plus de ligne rouge, une fusillade, et les conventions collectives sont tellement complexes que les fiscalistes sont devenus aussi importants que les directeurs généraux. Certains DG ont jusqu'à quatre adjoints!

Les données statistiques aussi ont changé. Le coaching a changé. Les systèmes de jeu ne sont plus les mêmes. Les critères d'évaluation lors du repêchage sont aussi bien différents. L'art de garder le but a changé.

Serge Savard s'est peut-être renouvelé. Il n'est pas impossible qu'il soit toujours à l'affût de ce qui se trame aux quatre coins de la Ligue.

Mais ça fait quand même beaucoup de changements en 17 ans.