Le dossier de la violente mise en échec qu'a appliquée Zdeno Chara à l'endroit de Max Pacioretty en mars dernier a franchi une autre étape maintenant que l'enquête du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) est terminée.

Il se trouve entre les mains d'un procureur de la Couronne, qui dispose des éléments qu'il avait demandés, et qui devra décider si des accusations seront déposées à l'endroit du défenseur des Bruins de Boston.

Chara a été rencontré au début du mois de juillet, à Boston, par les enquêteurs du SPVM. Il a été coopératif et a répondu aux questions des enquêteurs. Le défenseur a été la dernière personne rencontrée dans le cadre de l'enquête, qui s'est étirée en raison du long parcours des Bruins en séries éliminatoires.

«Les Bruins avaient retenu les services d'un avocat de la région de Montréal, ce qui a facilité la rencontre avec le suspect», a indiqué un porte-parole du SPVM, Ian Lafrenière. «Ce dernier a été interrogé en dernier pour que les enquêteurs puissent corroborer des informations ou confronter sa version des faits», a-t-il ajouté.

Aucune décision ne sera cependant prise avant l'automne puisque le procureur responsable du dossier est actuellement en vacances, a précisé Martine Bérubé, porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales.

Le 8 mars, au Centre Bell, Chara avait appliqué une violente mise en échec à l'endroit de l'attaquant du Canadien de Montréal, lui fracturant une vertèbre cervicale en plus de lui infliger une commotion cérébrale.

Le défenseur format géant n'avait pas été suspendu par la Ligue nationale de hockey (LNH), plaidant qu'il n'avait pas eu l'intention de blesser Pacioretty. Après sa mise en échec, Chara avait écopé une pénalité de partie pour mauvaise conduite.

L'attaquant du Tricolore, lui, avait raté le reste de la saison.

Après avoir déploré la décision de la LNH de ne pas suspendre le défenseur slovaque, Pacioretty avait voulu tourner la page sur l'événement en indiquant ne pas vouloir le poursuivre au civil.

Selon l'avocat criminaliste Jean-Pierre Rancourt, en analysant le dossier et visualisant les images, il serait possible pour le procureur de la Couronne de déposer une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles.

«Il y a un concept de l'acceptation du risque qui existe dans le sport», croit M. Rancourt. «Les joueurs prennent le risque de se faire plaquer ou de recevoir une rondelle dans le visage.»

«Toutefois, (à titre d'exemple), personne n'est d'accord qu'un joueur casse son bâton sur la tête d'un rival», rappelle l'avocat. «Ça, c'est au-delà de l'acceptation, surtout quand le fautif sait que ses actions représentent un risque évident de blessure.»

À la suite de la décision de la LNH concernant la mise en échec de Chara, la police de Montréal avait été inondée d'appels téléphoniques de citoyens qui voulaient signaler une agression.

Le directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec avait ensuite recommandé la tenue d'une enquête sur l'incident. Plusieurs observateurs croient qu'il est peu probable que des accusations soient portées contre Zdeno Chara.

C'est le cas de Me Rancourt, qui agirait autrement s'il était procureur de la Couronne.

«Moi, je porterais une accusation, dans le contexte où Chara devait savoir que son geste pouvait provoquer une blessure importante et qu'il a quand même décidé de terminer sa mise en échec.»

Il tient cependant à rappeler que même si des accusations sont déposées, le défenseur des Bruins aura des arguments pour se défendre.

«La Couronne se doit de prouver hors de tout doute raisonnable que Chara savait ce qu'il faisait, alors ce dernier pourra plaider que dans le feu de l'action, les événements se sont déroulés rapidement et qu'il ne s'attendait à blesser son rival de la sorte.»

Comme une grande majorité d'observateurs, Me Rancourt déplore le fait que des gestes comme celui posé par Zdeno Chara ne se transportent pas devant les tribunaux.

«Même si Chara était acquitté, on montrerait aux joueurs qu'ils ont la responsabilité de savoir ce qu'ils font sur la glace et qu'ils ne peuvent pas agir n'importe comment, estime-t-il. «C'est dommage, parce que la LNH ne prend pas ses responsabilités et laisse passer des événements du genre alors que des joueurs se blessent très gravement.»