Rarement un athlète a fait l'unanimité autour de lui autant que Jean Béliveau. Athlète hors pair, dirigeant d'entreprise remarquable, père de famille respecté, Béliveau a aussi fait preuve d'une grande disponibilité pour les amateurs et pour plusieurs organismes caritatifs. Il n'y a guère qu'en politique qu'il a préféré s'abstenir. Voici un bref rappel de ses réalisations.

Pour le Canadien

Vainqueur de 17 Coupes Stanley (10 comme joueur et 7 comme dirigeant), Jean Béliveau a été associé au club de hockey Canadien pendant six décennies. Réjean Houle, qui a joué avec lui avant de le côtoyer à la direction de l'équipe, a souligné: «Il a été le plus grand ambassadeur du Canadien. Au début, sa stature m'intimidait et je l'ai longtemps appelé "M. Béliveau". Il était toutefois d'une grande simplicité, tout en faisant toujours preuve de beaucoup de classe. C'est ce qui lui a permis de représenter aussi bien l'équipe auprès de tous les amateurs.»

Pour la LNH

Le commissaire de la LNH, Gary Bettman, avait téléphoné à Béliveau il y a quelques semaines pour s'informer de sa santé et répéter à quel point le circuit lui était redevable. «C'était probablement le joueur de la LNH la plus unanimement reconnu et apprécié, partout où il allait, a souligné Bettman dans un communiqué. Tant sur la glace que dans la vie, il a personnifié l'élégance et la classe. Encore aujourd'hui, il représente l'exemple parfait de ce que doit être un grand joueur avec ses qualités de gentilhomme.»

Pour le hockey

Béliveau a toujours fait les choses «à sa façon». Il a imposé ses conditions à ses patrons dès ses premiers contrats, tout en excellant sur la patinoire grâce à son physique imposant et à ses dons exceptionnels. «J'ai gagné la Coupe Stanley 4 fois, alors que lui l'a fait 10 fois, a rappelé Wayne Gretzky en entrevue. On ne peut trouver meilleur exemple de "gagnant" dans toute l'histoire du hockey! Et il l'a toujours fait avec beaucoup de classe. Même s'il était grand et fort, il n'a jamais utilisé son physique pour intimider ses adversaires. Il a plutôt mis à profit ses qualités pour développer un style de jeu d'une grande élégance. Il m'a beaucoup inspiré et je sais qu'il a influencé plusieurs générations de joueurs. »

Pour le sport

Jean Béliveau a aussi joué au baseball dans sa jeunesse, et son père a rejeté une offre de contrat des ligues mineures quand il avait 15 ans. La réputation de Béliveau transcendait le monde du hockey. Il est considéré comme l'égal des plus grandes vedettes de l'histoire de la NFL, de la NBA ou du baseball majeur. Il n'a jamais participé aux compétitions internationales (il s'est retiré en 1971, un an avant la «Série du siècle»), mais il a été capitaine honoraire de l'équipe olympique canadienne aux Jeux de Vancouver, en 2010. En outre, Jacques Demers a rappelé hier que Béliveau et lui étaient de la délégation canadienne aux Jeux Maccabi, en Israël, en 1997. «Et il était plus entouré que les chefs d'État et les personnalités de l'endroit», a noté l'ancien entraîneur devenu sénateur. Béliveau était également très engagé dans des activités destinées aux jeunes athlètes handicapés.

Pour les affaires

Au début de sa carrière, quand les joueurs du Canadien «arrondissaient» leurs salaires en travaillant l'été dans les camions de Molson, Béliveau revêtait veston et cravate pour faire ses classes dans les bureaux de la brasserie. À sa retraite, en 1971, il a ainsi pu entreprendre une deuxième carrière au poste de vice-président et directeur des relations publiques du Canadien. Plus tard, il a siégé au conseil d'administration de nombreuses entreprises. «Il excellait autant dans ce domaine qu'il l'avait fait sur la glace, a souligné Réjean Houle, qui l'a beaucoup côtoyé à cette époque. Sa classe et sa grande culture lui permettaient d'être à l'aise dans toutes les situations. Il représente l'un des plus beaux exemples d'une transition réussie du sport au monde des affaires.»

Pour la politique

«Il aurait été un merveilleux sénateur, un grand gouverneur général aussi», a rappelé hier Brian Mulroney, l'ancien premier ministre du Canada, qui avait pressenti Béliveau en 1993, après sa deuxième retraite. «Il m'avait alors expliqué qu'il cessait ses activités avec le Canadien pour passer plus de temps avec sa famille, une décision que j'ai évidemment respectée. Nous sommes devenus amis et je lui ai souvent parlé par la suite, encore tout récemment, chez lui, à Longueuil. Il était parfaitement au courant des grands dossiers de la société, même s'il n'a jamais souhaité exprimer ses opinions ou prendre position. C'est ce qui lui valait le respect unanime des Canadiens.»

Pour la société québécoise

Comme l'a souligné hier l'Assemblée nationale, Jean Béliveau faisait aussi l'unanimité chez les Québécois, qui regrettent aujourd'hui sa disparition. Béliveau a réussi le rare exploit, de la part d'un athlète, d'être aussi aimé à Montréal qu'à Québec, même si les équipes des deux villes s'étaient disputé ses talents au début de sa carrière. Aussi honoré à Trois-Rivières (sa ville natale), à Victoriaville (où il a grandi) et à Longueuil (où il était établi depuis plusieurs années), celui qu'on surnommait le Gros Bill a été, selon le maire Denis Coderre, «une inspiration pour tous les Québécois». «Il incarnait le don de soi, la générosité et l'excellence dans le respect et la dignité.»

Pour les oeuvres caritatives

Homme de coeur, Béliveau s'est toujours engagé auprès d'organismes caritatifs et prenait un soin particulier de sa fondation, créée en 1971, au moment de sa retraite sportive, au profit d'organismes ou d'associations qui se consacrent au bien-être des jeunes déshérités. Versés en 1993 à la Société pour les enfants handicapés du Québec, les fonds continuent l'oeuvre de Béliveau. «Il était très engagé, a rappelé hier Ronald Davidson, le directeur général de la Société. Encore récemment, il m'avait appelé pour s'assurer que tout était bien en ordre. Je me souviens encore d'une visite qu'il avait faite il y a quelques années au Camp Papillon. Je craignais qu'il débarque là un peu incognito, mais les jeunes l'avaient vite entouré. Ils savaient très bien qui il était, connaissaient ses exploits et étaient vraiment fiers de pouvoir lui parler et repartir avec son autographe.»

Pour la culture populaire

On ne compte plus les arénas Jean-Béliveau ou les statues de lui. La renommée du Gros Bill a transcendé le hockey et il est devenu, comme Maurice Richard, une icône de la culture populaire québécoise. Doit-on rappeler que Robert Charlebois chante ses exploits dans Demain l'hiver («Le but du Canadien compté par Jean Béliveau sans aide...»)? Moins connue, une turlute de Denise Émond (alias Ti-Mousse) rappelle que Béliveau était aussi considéré comme l'un des «plus beaux hommes» du Québec.