La question eut été impensable en début de saison. Sean Couturier constituait le grand espoir de la Ligue de hockey junior majeur du Québec après avoir remporté le championnat des compteurs l'année dernière à seulement 17 ans grâce à 96 points en seulement 68 matchs. Plusieurs voyaient même en lui le premier choix dans la LNH en juin 2011. Jonathan Huberdeau? Saison plus modeste: 35 points, dont 15 buts, en 61 matchs avec les Sea Dogs de Saint John.

Mais les séries éliminatoires d'Huberdeau le printemps dernier - 18 points, dont 11 buts, en 21 matchs - laissaient entrevoir de belles choses.

Six mois plus tard, la donne a changé complètement. Huberdeau, originaire de Prévost, dans les Laurentides, a 87 points, dont 36 buts, en 56 matchs. Couturier, des Voltigeurs de Drummondville, a 85 points, dont 31 buts, mais en sept matchs de moins en raison de sa participation au Championnat mondial junior.

Le mois dernier, un recruteur de la LNH a osé déclarer qu'Huberdeau était probablement mieux coté que Couturier sur la liste de plusieurs de ses confrères. La LHJMQ risque donc de voir deux de ses joueurs repêchés parmi les 10 premiers en juin prochain.

Le dépisteur que j'ai interrogé hier n'a pas voulu se compromettre pour ne pas dévoiler les plans de son club. Il a évidemment, aussi, voulu garder l'anonymat. Mais il ne tarit pas d'éloges à l'égard d'Huberdeau.

«Tout ce qui lui manque en ce moment, c'est la maturité physique. Il n'est pas aussi «rempli» que Couturier. Mais il ne représente pas un grand risque au repêchage. Il est hargneux, intelligent, c'est un bon gars d'équipe. Il est plus complet que Couturier. Il peut jouer dans tous les trios. C'est difficile de lui trouver un équivalent dans la LNH. Peut-être Simon Gagné. Il a joué du gros hockey toute l'année. Il a été constant. Il a certainement fermé l'écart entre les deux.»

Succès sur la glace et à l'école

Le jeune Huberdeau, fort sympathique au bout du fil, tente de ne pas se laisser déconcentrer par les compliments qui fusent de toutes parts.

«Je n'avais aucune attente en début de saison, seulement de continuer à progresser. J'ai été très surpris de voir que j'étais quatrième sur la liste de la Centrale de recrutement de la Ligue nationale à la mi-saison. En fait, je ne savais même pas qu'il y avait une liste. Quelqu'un est venu me le dire après une séance d'entraînement. C'est valorisant, mais je ne m'arrête pas à ça. Je reste le même. Il y a beaucoup de travail à faire et je ne veux pas commencer à m'imposer de pression. On verra en juin. De toute façon, le rang où on est repêché n'importe pas.»

Huberdeau, comme Couturier, joue au sein d'une puissante équipe. Les Voltigeurs ont une fiche de 38-14-5-2 et les Sea Dogs sont encore meilleurs: 49-5-1-2!

«Le fait de jouer avec d'aussi bons coéquipiers et de faire partie d'un bon club m'aide, c'est certain, dit humblement Huberdeau. Je peux aussi recevoir de bons conseils des plus vieux. Je suis souvent avec Simon Després et il m'aide beaucoup parce qu'il est passé par là. Il a été repêché en première ronde par les Penguins. Il m'aide à rester concentré.»

L'entraîneur des Sea Dogs, Gerard Gallant, qui a été à la tête des Blue Jackets de Columbus il n'y a pas si longtemps, est étonné par les pas de géant de son protégé. «Il y a vraiment une énorme progression. Il est plus fort. Plus patient avec la rondelle. Et hargneux. Il ne lâche jamais. Il possède aussi une belle vision du jeu. Peu importe le trio dans lequel je l'utilisais en début de saison, il faisait fonctionner ses partenaires. Ça dit tout. Ses statistiques pourraient même être encore meilleures parce que je ne le surutilise pas. Nous avons un bon club et j'emploie mes quatre trios régulièrement. Il joue en moyenne 20 minutes par match, pas beaucoup plus.»

Malgré ses succès, Huberdeau est resté le même. Il ne fait pas la grosse tête et ne semble pas craindre la pression. «Il est terre-à-terre, dit Gallant. Ses parents l'ont élevé avec de belles valeurs. Ses parents m'ont d'ailleurs prévenu, s'il n'avait pas de succès académique, il allait devoir quitter notre équipe. Les études constituent la priorité pour eux.»