Gerard Gallant n'est certainement pas le plus extraverti et flamboyant des hommes de hockey. Ses réponses sont généralement courtes, posées. Ce n'est pas le premier à se congratuler pour les succès improbables de ses Golden Knights.

Laissons donc les joueurs le faire à sa place.

David Perron résume le mieux l'opinion des joueurs : « Dans un vestiaire de hockey, il y a toujours du monde insatisfait. On n'a rien entendu de ça cette année. »

Gallant avait du pain sur la planche. Il voyait l'équipe se former devant ses yeux, avec des joueurs venus d'un peu partout, qui ne se connaissaient à peu près pas. Il a trouvé le moyen de prendre ce groupe disparate et d'en faire une force de la LNH. Avec 51 victoires, 109 points, mais surtout une finale de la Coupe Stanley.

L'exploit est digne de mention. Plusieurs joueurs arrivaient avec un lourd bagage, celui d'avoir été laissés de côté par leur ancienne équipe. Les conséquences auraient pu miner le moral des troupes. Ça aurait pu être le cas, par exemple, de Jonathan Marchessault. Le Québécois venait de conclure une saison de 30 buts quand les Panthers de la Floride ont pris la décision fascinante de ne pas le protéger.

À Vegas, il a été jumelé à Reilly Smith et William Karlsson. Le trio a été l'un des meilleurs de la LNH cette saison. Marchessault a obtenu 75 points en 77 matchs en saison, il a ajouté 18 points en 15 matchs en séries. Smith a 16 points en séries. Karlsson, lui, est devenu un prolifique marqueur avec 43 buts cette saison.

« Il nous a donné de la confiance », a mentionné Jonathan Marchessault.

« On était dans une situation où certains auraient pu perdre leurs repères, mais il nous a donné la confiance de jouer de notre manière, a dit Marchessault. Durant le camp, il nous a fait arrêter un meeting et il a dit : "Les gars, rappelez-vous que cette année, la première chose que je veux, c'est que vous ayez du plaisir." Personne n'avait entendu ça auparavant. Ç'a fait un grand impact sur tout le monde, ç'a enlevé 15 livres de sur nos épaules et on a juste commencé à jouer au hockey. »

Cette fameuse rencontre de début de saison où il a parlé d'avoir du plaisir semble avoir vraiment marqué les esprits. Spontanément, Perron revient aussi sur cette journée.

« On parle de Marc-André Fleury, mais Gallant, c'est incroyable, ce qu'il a fait. C'est lui qui a amené la chimie de l'équipe. Au niveau professionnel, tu n'entends pas souvent les entraîneurs parler de plaisir, mais lui, il en parle. Son premier meeting cette année, il a dit de travailler fort, mais d'avoir du plaisir. Ç'a l'air simple, car ça l'est, mais je n'ai jamais entendu un autre entraîneur me dire ça dans ma vie. Mentalement, on est frais, il n'en fait pas trop. On n'est pas toujours dans la salle de vidéo.

« À notre niveau, on est conscients quand on fait une erreur. Tu n'es pas toujours obligé de l'entendre de ton entraîneur. Tu sais qu'il va te donner une autre présence. Dans la dernière ronde, Tomas Nosek a eu une pénalité et on a accordé un but. Il l'a retourné tout de suite sur la patinoire et son trio a marqué. Ce sont des choses comme ça qui font notre succès. »

« C'est simple de jouer pour lui, renchérit William Carrier. Certains entraîneurs veulent révolutionner le hockey. Lui, il te demande de jouer le plus simplement possible. Ayez du plaisir, et c'est vrai. Ce n'est pas comme si les gars avaient le bâton serré et qu'ils avaient peur. »

Les marginaux

En conférence de presse, Gallant et son patron George McPhee ont parlé de la genèse de l'embauche de l'entraîneur. Son téléphone a sonné trois semaines après son incompréhensible congédiement par les Panthers.

À ce moment, Gallant avait commencé à tourner la page. Immédiatement, il a eu une bonne impression. McPhee n'a rien promis, le processus allait se poursuivre pendant un moment encore, mais il a assuré Gallant qu'il allait garder le contact. Chaque semaine, McPhee donnait des nouvelles à Gallant. Dès que la saison s'est terminée, le contrat était sur la table, prêt à être signé.

L'entraîneur cadrait à merveille avec l'idéologie que McPhee voulait inculquer à l'équipe d'expansion.

« Quand tu recevais l'appel disant qu'ils t'avaient choisi, on sentait qu'ils étaient contents de te choisir, a expliqué Pierre-Édouard Bellemare. Le travail pour trouver les bonnes personnes a été bien. On avait hâte d'avoir la chance de faire partie d'une équipe qui ferait partie de l'histoire. C'était un honneur de faire partie de cette franchise-là.

« Il n'y avait pas que 20 joueurs disponibles. On n'a jamais senti qu'ils nous avaient choisis par défaut, on a senti qu'ils nous voulaient vraiment. Ça nous a permis de rigoler de ça, on est devenus les Golden Misfits [marginaux]. »

Les Misfits, des marginaux dont l'ancienne équipe ne voulait plus, qui apprennent à tous pousser dans la même direction jusqu'à la finale de la Coupe Stanley. L'histoire s'écrit d'elle-même, et Gallant y est pour beaucoup.