Las Vegas est une ville de démesure. On le voit tout de suite en marchant sur la Strip, tout est plus grand qu'ailleurs, les hôtels, les spectacles, la circulation, les foules.

Donc, si Las Vegas t'aime, elle t'aime beaucoup. Et elle aime vraiment ses Golden Knights, qui joueront ce soir le premier match de la finale de la Coupe Stanley face aux Capitals de Washington.

C'est le premier contact qu'on a eu avec la ville. Brian, chauffeur de taxi, n'avait jamais regardé un match de hockey avant cette saison. Aujourd'hui, il parle sans retenue d'une « ville de hockey ». Il mentionne la NFL qui arrive, la NBA qui y pense, mais selon lui, rien n'égalera les Knights pour une simple raison : l'équipe a été créée pour Vegas. Elle n'est pas une ancienne franchise revitalisée.

Puis on porte attention aux symboles d'appartenance qui lui donnent raison. Cette pancarte géante où il est écrit « Vegas Born [né à Vegas] » au-dessus d'un restaurant. Cet hôtel qui ne fait pas les choses à moitié avec une projection sur sa façade du fameux « Go Knights » qui a envahi la ville. On voit le compte Twitter de Las Vegas qui a popularisé le mot-clic #nocaps et qui, par le fait même, a banni les majuscules de ses communications officielles. Allant même jusqu'à trafiquer l'iconique « Welcome to fabulous Las Vegas » pour n'y mettre que des lettres minuscules.

Il y a ce bar aussi, le Beerhaus, qui offre son cocktail spécial en l'honneur d'Alexander Ovechkin : un White Russian, no cup. Et cette réplique de la statue de la Liberté devant un hôtel, désormais vêtue d'une version de 28 pieds et de 600 livres du chandail des Golden Knights.

Hier matin, simple entraînement de l'équipe à Summerlin, à une vingtaine de minutes de la frénésie de la Strip. Pourtant, c'était salle comble, presque 1000 personnes. Une pancarte indiquait à l'entrée aux partisans que le seul moyen de voir un joueur des Knights était de s'entasser dans l'atrium. La foule a scandé spontanément « bonne fête » à David Perron, qui fête ses 30 ans. Un autre signe que la ville a adopté sa nouvelle équipe et, surtout, ses joueurs.

Les joueurs

Et parlons-en de ces joueurs. Après chaque entraînement, ils sont plusieurs à signer des autographes et à saluer les jeunes qui font la file pour leur parler. Pierre-Édouard Bellemare et Marc-André Fleury, nous glisse à l'oreille un agent de sécurité, sont les plus assidus.

On croise dans la file un jeune joueur de hockey, 8 ou 9 ans tout au plus. Il fait partie avec fierté, tout comme plusieurs de ses amis autour de lui, des Golden Knights juniors. Il ajoute, avec tout le détachement possible d'un jeune de cet âge : « Des joueurs, j'en ai vu plusieurs. » Comme s'il tentait de nous prouver que ça avait perdu de sa magie. À voir ses yeux ronds comme des deux dollars, on en doute un peu.

« On est une nouvelle équipe, explique Bellemare, toujours aussi généreux avec les médias. Il y a des moments où tu peux toucher la communauté, tu as le rôle de donner du bonheur. Je n'ai jamais eu la chance de voir une équipe de la LNH, j'ai vu des équipes bien plus basses que ça en France. Je me disais quand même que ces joueurs que je voyais étaient incroyables.

« La raison pour laquelle c'est valorisant de jouer dans la LNH, c'est parce qu'il y a ces enfants. Grâce à eux, je vis mon rêve. Si nous, on ne prend pas le temps d'être avec ces enfants, peut-être que jamais ils ne vont croire qu'ils peuvent devenir des joueurs de hockey. Prendre quelques minutes avec eux, c'est la moindre des choses. »

Fleury aussi est devenu le visage de cette franchise. Quand même, c'est la consécration quand Céline Dion porte ton uniforme sur scène. Le gardien a été splendide cette saison, malgré une longue absence pour commotion. En séries, il est possédé : son efficacité de ,947 est la plus élevée de l'histoire pour un gardien ayant disputé au moins 15 matchs.

« C'est facile pour nous [d'accorder de l'attention aux fans]. C'est important de passer du temps avec eux, leur jaser, signer leurs casquettes, dans l'espoir qu'ils prennent goût au hockey. C'est un beau sport, une belle école de vie. Personne ne s'attendait à avoir ces succès-là. Les gens n'ont pas d'équipe professionnelle et ils ont amené du hockey. Les gens sont vraiment fiers de leur équipe. »

Michelle assiste à l'entraînement matinal avec sa fille. Elle suivait un peu le hockey par son mari, originaire de Buffalo, mais sans plus. Elle raconte avec fierté que son fils a visité la ville de Québec lors du récent tournoi pee-wee. Sa fille, d'abord désintéressée, est devenue une mordue du sport. Elle porte une casquette multicolore, et un chandail à l'effigie d'Alex Tuch.

« Après la tuerie du 1er octobre, on a vu le discours de Deryk Engelland, on a fait plein d'événements dans la communauté, dit William Carrier. On ne savait pas comment les gens allaient réagir. Le monde a vraiment embarqué. Plein de jeunes ont commencé à jouer au hockey. Les arénas sont tellement pleins qu'ils vont en construire d'autres. Je ne sais pas si la vague va continuer, mais en attendant, on se fait reconnaître assez souvent. »

Carrier raconte qu'il a déjà patiné un matin seul devant 800 personnes pendant qu'il se remettait d'une blessure à une épaule. « L'équipe avait congé, mais ils étaient venus quand même. Ç'a été comme ça tous les jours pendant la saison. »

Imaginez en finale de la Coupe Stanley.

Capitals c. Golden Knights, ce soir à 20 h

Photo James Carey Lauder, USA TODAY Sports

Marc-André Fleury