La vitesse des mains, mais plus précisément la vitesse à laquelle elles manient la rondelle sans en perdre le contrôle, la fluidité des poignets, la rapidité avec laquelle ils décochent leurs tirs.

Voilà ce qui démarque généralement les joueurs d'élite de la masse. Voilà ce qui démarquait Jesperi Kotkaniemi du lot, hier après-midi à Brossard, lors de la conclusion du camp des recrues du Canadien.

L'entraîneur-chef Joël Bouchard et ses adjoints avaient convié les recrues du CH à des exercices d'habileté en cette dernière journée avant le grand camp.

Le premier choix du Canadien semblait parfaitement à l'aise sur la glace, rigolait avec ses nouveaux camarades, maîtrisait enfin, du moins en apparence, son nouvel environnement.

Bouchard a pu apprécier la progression du jeune homme de 18 ans depuis vendredi. Non seulement Kotkaniemi possède de grandes habiletés individuelles, mais son intelligence sur la glace constitue l'un de ses plus beaux atouts.

Bouchard a tenté de refréner un peu l'enthousiasme à son endroit pour éviter de soumettre le garçon à une pression supplémentaire, mais il cède lui-même à la tentation.

«Je comprends l'excitation des fans et des médias, nous le sommes tous, a-t-il lancé aux journalistes après la séance. C'est cool d'être excité. Il a un beau potentiel. Mais il faut le laisser jouer et s'adapter. Il y a un processus. C'est un jeune joueur qui arrive de Finlande, n'oubliez jamais ça. Mais il progresse, il s'adapte.

«Vous le voyez sourire, il semble avoir du plaisir, il a une très belle personnalité. Il est engagé. Il veut comprendre, il pose des questions.»

Bouchard, qui en a vu d'autres lors de ses années comme joueur dans la LNH, comme entraîneur et DG avec l'Armada de Blainville-Boisbriand ou l'équipe canadienne junior au Championnat mondial, sait reconnaître un talent rare.

«Il a le package. Il y a beaucoup de pièces dans son puzzle. Il est grand, il peut être éblouissant. Il possède un tir. Vous en avez vu quelques-uns aujourd'hui. Tu n'es pas repêché troisième au total uniquement parce que tu es grand et que tu arrives de la Finlande...»

Adaptation

Kotkaniemi, fort sympathique, mais dont l'anglais est encore limité, a expliqué qu'il s'ajustait tranquillement aux dimensions nord-américaines de la patinoire, nettement plus petites qu'en Europe.

«Le tournoi des recrues m'a permis de le faire. J'arriverai au camp mieux préparé. Je sais davantage comment réagir à la pression sur la glace. Le jeu est plus rapide, mais je m'améliore chaque jour.»

Pour Bouchard, l'adaptation à une plus petite surface pour un joueur européen demeure une tâche titanesque. «Déjà, s'adapter à la vitesse du jeu au niveau professionnel est important. Les joueurs d'âge junior qu'on vient de retrancher n'en revenaient pas à quel point tout se passait plus vite. Sur une petite glace, tout est compressé. On "trappe" rapidement les joueurs en possession de la rondelle. La pression ne vient pas seulement de devant, mais de côté et de derrière. Il n'y a pas d'espace. Il faut trouver des solutions rapidement.»

Kotkaniemi était déjà plus à l'aise à son deuxième match des recrues contre les Maple Leafs de Toronto, dimanche, que deux jours plus tôt face aux Sénateurs d'Ottawa.

«Il faut aussi les laisser faire leurs propres erreurs, explique l'entraîneur du Rocket de Laval. Ils doivent eux-mêmes trouver leurs repères. Ce sont les compromis qu'un entraîneur doit faire même s'il est tenté de vouloir tout enseigner. Mais on a vu la progression en une fin de semaine, en un match. Mike Ribeiro n'était pas très rapide, mais il arrivait à mettre la rondelle à des endroits qui lui permettaient de gagner du temps et de l'espace. Je l'ai déjà vu [Kotkaniemi] faire de telles choses.»

Montréal, Laval ou un retour en Finlande? Bouchard fronce les sourcils. Il joue les protecteurs. «Laissons-le jouer. N'allons pas trop vite. Nous n'avons pas de réponses. Je le vois s'adapter chaque jour. Claude [Julien] et son groupe vont travailler avec lui. On verra en temps et lieu. Mais c'est toujours agréable de voir un jeune vivre de l'adversité et progresser.»

Bouchard connaît bien Suzuki...

Bouchard esquisse un sourire en coin quand on lui demande si Marc Bergevin l'a consulté avant d'acquérir Nick Suzuki des Golden Knights de Vegas. «Marc fait sa job. Il en a fait une bonne sur celle-là... C'est une bonne transaction.»

Bouchard connaît bien Suzuki. Celui-ci a été l'un des derniers joueurs qu'il a retranchés au camp d'entraînement de l'équipe canadienne junior à l'aube du Championnat mondial, en décembre dernier. Mais ce n'était pas par manque d'admiration pour le talent du jeune homme.

«Il est vraiment passé proche. Il s'est rendu à la dernière vague de coupures. Mais il venait d'avoir 18 ans et les plus jeunes, comme Sam Steel l'année précédente, doivent avoir un rôle précis dans l'équipe. On avait aussi retranché Sam Girard un an plus tôt et on l'adore, Sam. On a opté pour des gars plus expérimentés, plus vieux à sa position.»

Bouchard a accueilli l'échange avec bonheur. «J'ai souri en l'apprenant. On n'a pas de boule de cristal, mais c'est un jeune dynamique et très offensif. C'est excitant d'avoir de bons jeunes joueurs de hockey comme lui qui s'en viennent dans l'organisation. En tant que fan, je suis content de voir des jeunes avec du potentiel arriver. Dans son cas, il est respecté partout sur la planète hockey.»

Pour Bouchard, le potentiel offensif de Suzuki ne fait pas de doute. «Il y a des gars qui "ramassent" 60, 70 points dans les rangs juniors. C'est correct, mais ça ne veut pas dire que tu deviendras un joueur offensif dans la LNH. Quand tu "ramasses" près de 100 points deux ans de suite, il y a un potentiel offensif. La différence entre 75 et 100 points est énorme. Il a beaucoup d'expérience au niveau international, c'est un bon kid.»

L'entraîneur du Rocket apprécie l'efficacité de Suzuki, 13e choix au total en 2017, lors des supériorités numériques. « Certains joueurs obtiennent leurs points à force de travail ou parce qu'ils dominent physiquement par rapport aux autres dans les rangs juniors. Lui, c'est de l'offensive réelle. Il est capable de faire des jeux à haute intensité dans un contexte très compétitif. C'est pour ça qu'il a été repêché où il a été repêché. »

L'exploit de Teasdale

Très peu de joueurs d'âge junior ont survécu aux premières coupes, mardi. Pourtant, Joël Teasdale, même s'il demeure un joueur à l'essai, a obtenu une invitation au «vrai» camp.

Cet attaquant québécois de 19 ans vient de passer les trois dernières saisons à Blainville-Boisbriand sous les enseignements de Bouchard. Il a obtenu 65 points en autant de rencontres l'an dernier.

«C'est un joueur très intrigant, admet Bouchard. Évidemment, je le connais beaucoup. Il a joué un rôle très important avec l'Armada. Il a été invité au camp de l'équipe canadienne junior cette année, même s'il n'a pas été repêché. Il fait beaucoup de choses sur la glace. Et il a marqué 32 buts en saison régulière et 8 en séries éliminatoires. C'est pas tant un joueur offensif qu'un attaquant complet. Il a bien fait durant les trois matchs. On veut le regarder un peu plus.»

Après le premier match des recrues, vendredi, Teasdale, 5 pieds 11 pouces et 203 livres, s'est retrouvé à la gauche de Jesperi Kotkaniemi, dimanche, contre Toronto.

«Ça m'a fait du bien quand j'ai vu ça. Tu vois ainsi que tes efforts sont récompensés. J'ai été capable de jouer avec tout le monde ici. C'était mon but d'être invité au gros camp. C'est un exploit, c'est sûr, mais je veux continuer. Je vais jouer avec des joueurs établis dans la Ligue nationale, je veux apprendre d'eux. En espérant obtenir un contrat.»