Tout de Luke Richardson respire le hockey. On ne joue pas 1417 matchs dans la LNH sans quelques marques pour le prouver. La plus imposante est au menton, une balafre au milieu des stries accumulées au fil des années.

«J'ai reçu une rondelle au visage et ça a brisé ma mâchoire, raconte Richardson, après son point de presse, très détendu, avec les quelques journalistes restants. Je luttais avec quelqu'un devant le filet, un joueur est passé et je me rappelle avoir vu du coin de l'oeil un point noir. C'était la rondelle. La mâchoire a fendu. Je suis retourné au banc et en bougeant ma mâchoire, je sentais les morceaux. C'était comme mâcher des roches. J'ai encore les plaques et les vis.»

Il raconte l'histoire en riant, même si elle fait mal juste à l'entendre. L'homme de 49 ans est calme, imposant, affable. Il garde aussi d'intéressants souvenirs de ses nombreux matchs contre le Canadien de Montréal.

«Un soir, j'ai frappé durement Claude Lemieux. Il n'a pas aimé ça, mais c'était dans tous les faits saillants du match à la télévision. Mes coéquipiers, eux, ont apprécié. Un de mes amis à Ottawa, un francophone, aimait les Canadiens, mais pas Claude Lemieux. Ça m'a valu une caisse de bières.»

Le statut de Richardson était devenu incertain chez les Islanders, où il était adjoint l'année dernière, même s'il lui restait deux ans de contrat. Son grand ami Doug Weight avait perdu son poste d'entraîneur, Lou Lamoriello avait pris en charge les opérations. Quand Marc Bergevin a demandé s'il pouvait discuter avec Richardson, il a reçu la bénédiction de Lamoriello. Richardson a parlé à Claude Julien au téléphone, puis a passé un après-midi avec lui. Le lendemain, le poste d'adjoint était sien. Il a signé un pacte de deux ans.

«Claude et moi venons tous les deux d'Ottawa. On jouait ensemble l'été. Il était un vétéran et il m'a toujours aidé. Quand il est devenu entraîneur des Olympiques de Hull, il tenait un camp à Ottawa et j'y participais. Je le connais depuis longtemps. Je ne l'ai pas vu beaucoup ces dernières années, mais chez les joueurs de hockey, quand tu formes un lien, il reste pour toujours.»

Seuls neuf défenseurs, dans toute l'histoire de la LNH, ont disputé plus de matchs que Richardson. À sa retraite, il est devenu entraîneur adjoint durant trois saisons à Ottawa, avant de prendre les rênes des Senators de Binghamton, dans la Ligue américaine. Avec un certain succès dans le développement des joueurs, les Mark Stone, Mike Hoffman, Jean-Gabriel Pageau, Chris Wideman, Mark Borowiecki et Cody Ceci pour le prouver.

À Montréal, il sera responsable des défenseurs, peut-être aussi un peu du désavantage numérique. Il aura un travail crucial d'enseignement à faire auprès des jeunes, surtout sans Shea Weber avant la mi-décembre. D'ailleurs, il a accueilli le choc de la blessure à Weber avec sérénité. Il a d'abord eu une pensée pour Weber, puis il s'est consolé en se disant que le moment de l'opération lui offrait un peu de temps pour penser à des solutions.

Victor Mete a déjà attiré son attention pour un plus grand rôle. Pour Richardson, la LNH est de plus en plus accueillante pour les petits défenseurs capables de bouger la rondelle. Il a d'ailleurs vu au développement d'un défenseur de gabarit similaire, Chris Wideman.

«J'ai dit à Wideman de regarder Erik Karlsson. Place le joueur dans une position inconfortable, puis enlève-lui la rondelle. Tu ne gagneras pas une bataille contre un joueur comme Milan Lucic. Trouve comment arrêter le joueur adverse par ta vitesse, puis quand il regarde ailleurs, enlève-lui la rondelle et décampe.»

Communication

Richardson est au gymnase tous les jours, pour donner l'exemple. Il remet l'équipement parfois pour se mesurer aux joueurs, par plaisir. Il croit même qu'il pourrait encore jouer une période, mais pas plus.

Plusieurs fois durant sa discussion avec les journalistes, Richardson parle de communication. C'est d'ailleurs l'un des aspects les plus intrigants de l'homme. Malgré tellement de hockey, tellement d'années dans le milieu, il semble très à jour dans sa relation avec la nouvelle génération de joueurs.

«La manière dont le monde évolue, tu ne peux plus seulement crier des ordres. Je me garde en forme, je joue encore. Je veux participer aux entraînements, les joueurs respectent ça. Je veux écouter ce qu'ils ont à me dire. Je ne vais pas seulement leur dire quoi faire puis fermer ma porte. C'est la LNH, on doit avoir des résultats, mais on doit aussi comprendre ce que vivent les joueurs.»

Cette importance du dialogue vient peut-être aussi de la tragédie que sa famille a vécue en 2010, quand sa fille Daron s'est donné la mort. L'incident a fait grand bruit aux quatre coins de la LNH. Richardson a depuis fait de la santé mentale l'une des causes de sa vie, et il entend bien continuer à le faire à Montréal, avec le mouvement Do it for Daron.

«Ça ne partira jamais de ma vie, et comme ça ne partira jamais, aussi bien s'en servir. Le hockey est une belle plateforme. Les jeunes qui ont joué pour moi à Ottawa, Binghamton, avec les Islanders ont toujours appuyé les événements. Nous voulons transmettre le message de santé mentale chez les jeunes et de prévention du suicide. Le monde va vite, avec les technologies, tout peut chavirer rapidement.»

On attend toujours la révolution sur la glace, mais pour l'instant, Richardson s'inscrit parfaitement dans cette nouvelle mouvance qui a amené à Montréal Dominique Ducharme et Joël Bouchard. Il a laissé une excellente première impression. Intéressant.