Dimanche, contre les Devils du New Jersey, Michael McCarron a passé plus de la moitié de ses 8 min 14 s sur la patinoire directement opposé à Brian Boyle.

L'entraîneur-chef Claude Julien jure que c'était le fruit du hasard, rien de plus qu'une confrontation entre des centres de quatrième trio. Si c'est bien le cas, il y a de ces hasards plus heureux que d'autres.

McCarron est encore loin de s'établir dans la LNH. Mais s'il devait y parvenir un jour, Boyle est l'exemple à suivre. Les deux sont des joueurs de centre format géant, capables de robustesse, aux habiletés offensives modestes. Plus encore, les deux sont des choix de premier tour.

Sauf que Boyle a su se développer selon ses forces, ce que McCarron tarde à faire.

«McCarron a eu l'occasion de voir à quel point Boyle est bon sur les mises au jeu, a reconnu Julien. Boyle est bon, grand et gros, mais il s'y prend bien. C'était une bonne expérience pour McCarron. Il s'est bien débrouillé et il a eu une chance d'apprendre beaucoup de cette expérience-là.»

Avant de jeter l'éponge avec McCarron, regardons un instant le parcours de Boyle. Le géant du Canadien en est à sa troisième saison professionnelle. À ce moment-là de sa carrière, Boyle disputait sa première campagne complète dans la LNH, avec les Rangers de New York. Il n'avait obtenu que 4 buts et 2 mentions d'aide en 71 matchs, et dans son cas aussi, plusieurs avaient cessé d'y croire. Mais pas son entraîneur, John Tortorella.

«Quand on l'a obtenu de Los Angeles, il était pratiquement fini dans la LNH, a indiqué Tortorella à mon collègue Guillaume Lefrançois le mois dernier. Il est arrivé avec nous et n'avait aucune idée de ce que c'était que de s'entraîner dur et de jouer dur. Il ne comprenait pas la difficulté pour des gros gars comme lui. Quand tu es costaud, les gens s'attendent à ce que tu sois dur, robuste, parce que tu es costaud.

«On a donc traversé un processus pendant des mois par rapport à ce qu'on attendait de lui. Il n'avait aucune idée de ce qu'il devait faire pour devenir un joueur de la LNH. Nous étions dans une impasse. Je suis sûr que certains jours, il secouait la tête en écoutant ce que je lui disais, mais il acceptait le défi. Je respectais ça. Aujourd'hui, il est devenu un exemple pour les jeunes. Je suis vraiment fier de lui.»

Tortorella ajoute qu'il a dû faire comprendre à Boyle qu'il ne resterait pas dans la LNH grâce à ses buts. Il devait faire ce que personne ne voulait faire: le désavantage numérique, bloquer les tirs, aller chercher les rondelles le long de la rampe. «Il jouait mollement et pensait mollement. Mais il a grandi.»

Boyle, à 25 ans

Quand Boyle a accepté son rôle, tout a changé. À sa quatrième saison, il a marqué 21 buts. Depuis, il produit bon an, mal an entre 10 et 15 buts.

«Après ma première saison complète, Torts n'était pas sûr que je pourrais m'établir en permanence dans la LNH, a expliqué Boyle. Donc il m'a mis au défi. Et c'est là que j'ai connu ma meilleure saison du point de vue des statistiques, à 25 ans.»

Boyle explique que Tortorella a été cinglant avec lui. Il lui a demandé s'il avait l'intention de rester un joueur des ligues mineures toute sa carrière. Plutôt que de s'apitoyer sur son sort, il s'est pris en main. Boyle était assez mature pour le faire, explique-t-il, et il n'est jamais plus redescendu dans la Ligue américaine.

«Tant que tu n'as pas trouvé ton identité, c'est difficile, parce que tu te fais dire plein de choses. Une fois que tu as ton identité, tu peux te rabattre sur ce qui t'a permis d'atteindre la LNH.»

Boyle a connu une saison de 22 buts en 42 matchs à Boston College. Il a aussi dépassé les 30 buts dans la Ligue américaine. Mais il a rapidement fait son deuil des prouesses offensives.

«Je voulais être parfait dans d'autres aspects : gagner chaque mise en jeu dans mon territoire, chaque mise en jeu en désavantage numérique, ne pas permettre de buts quand je suis sur la patinoire, apporter une présence physique sans placer notre équipe dans le pétrin.»

À ses sept dernières saisons, Boyle a toujours gagné plus de la moitié de ses mises en jeu, avec un sommet à 56,43% de réussite en 2012-2013. Il frappe, il contribue à l'attaque à la hauteur de ses capacités, et il s'est même retrouvé au match des Étoiles en janvier dernier.

Il s'y est retrouvé après avoir combattu une forme de leucémie et alors que son enfant de 2 ans était hospitalisé pour une rare malformation vasculaire à la mâchoire. L'histoire de Boyle est digne du trophée Bill-Masterton. Et son développement comme athlète est inspirant.

McCarron en est déjà à son septième rappel par le Canadien. Comme lors des six autres, il n'a rien démontré de convaincant, à part quelques coups d'épaule ici et là. À 23 ans, il deviendra joueur autonome avec compensation l'été prochain. Si le Canadien lui donne une autre chance, ce sera à son tour de trouver la réponse à la question: sera-t-il un joueur des ligues mineures toute sa carrière?

- Avec Guillaume Lefrançois, La Presse