Pierre-Luc Dubois a toujours été le meilleur de son équipe partout où il passait. C'est le lot de bien des joueurs repêchés tôt dans la Ligue nationale.

Ç'a été vrai jusqu'à ce qu'il fasse ses premiers pas dans la LNH, en octobre dernier. Neuf minutes. Onze minutes. Quatre minutes. Huit minutes. C'était ça, ses soirées de travail. Après 12 matchs, il ne comptait qu'un petit point.

On se transporte à l'entraînement d'hier. Qui agissait comme centre d'Artemi Panarin, l'attaquant le plus talentueux de l'équipe? Dubois. Que s'est-il passé entre-temps?

«Il m'a montré qu'il n'avait peur d'aucune situation. Il n'a pas peur de qui il affronte», répond l'entraîneur-chef des Blue Jackets de Columbus, John Tortorella, rencontré dans un corridor du Nationwide Arena.

Dans le bureau de «Torts»

Il n'a pas peur de qui il affronte et il n'a pas eu peur de l'entraîneur-chef non plus. Après quelques matchs à jouer au sein du quatrième trio, Dubois a voulu clarifier les choses avec Tortorella. Et l'entraîneur, lui, n'a pas eu peur des mots.

«J'ai été le voir, je lui ai dit: "Je veux aider l'équipe à gagner. Qu'est-ce que je dois changer dans mon jeu?" Il a été honnête avec moi, il m'a dit tout ce qu'il n'aimait pas de mon jeu. Ç'a été un wake-up call. Mais il m'a donné une autre chance. Il m'a remis au centre, ça a commencé à bien aller, ensuite on a eu des blessés, donc il n'avait pas vraiment le choix de me faire jouer plus! Et c'est là que j'en ai profité.»

Les chiffres ne mentent pas. Dubois a bel et bien saisi sa chance, si bien que depuis le 1er novembre, il est le deuxième attaquant de son équipe pour les points, derrière Panarin.

Dubois jouait gros en sollicitant une rencontre avec l'entraîneur-chef. Au fait, n'est-ce pas un peu intimidant, à 19 ans, de débarquer dans le bureau d'un entraîneur chevronné comme Tortorella?

«J'y ai pensé, admet-il. J'ai demandé à mon père ce qu'il en pensait. Je pense que Torts a aimé ça. Je veux toujours m'améliorer, aider l'équipe, mais je ne savais pas comment faire. Je jouais dans le quatrième trio, je ne savais pas si mon rôle était de bien jouer défensivement, d'aider offensivement, d'être robuste. Donc, je voulais clarifier les choses et savoir quoi faire pour avoir plus de minutes.»

Dubois en a parlé à son père, Éric Dubois, qui est lui-même entraîneur adjoint dans la Ligue américaine. Et il en a aussi parlé à son compatriote québécois et coéquipier David Savard, chez qui il a habité une bonne partie de la saison.

«Je n'avais pas toujours les réponses même s'il me posait des questions, admet Savard. Donc, la chose à faire, parfois, c'est d'aller voir l'entraîneur pour savoir ce qu'il veut de toi. Ç'a vraiment débloqué. Pierre-Luc aime se faire challenger. Il en avait besoin. Et ce sont des choses que les entraîneurs apprécient, car ça démontre que tu veux jouer et t'améliorer. Je l'avais moi-même fait quand j'étais dans notre club-école à Springfield.»

Trop important pour sauter des tours

Le résultat de ces démarches, c'est que Dubois se retrouve aux commandes du premier trio de l'une des bonnes équipes dans la LNH. Tout ça à un âge où il est encore admissible à jouer dans les rangs juniors!

«On ne voulait pas l'utiliser au centre en début de saison, afin de l'intégrer en douceur, a expliqué Tortorella. Mais on a eu des blessés, donc on l'a employé au centre et il a décollé. En un an, il est passé d'un joueur de 18 ans qui n'avait aucune idée de ce qu'était un camp de la LNH à un gars qui affronte les meilleurs trios chaque soir. Il faut être fort mentalement.»

70 Une statistique qui frappe au sujet de Pierre-Luc Dubois: il disputera ce soir son 70e match de la saison, ce qui signifie qu'il n'a raté aucun match. Pourtant, quand il était cloué au banc en début de saison, on aurait pu croire qu'un séjour sur la passerelle était dans les cartes.

«S'il ne jouait pas bien et qu'il avait besoin de temps, il pourrait sauter son tour, car ce n'est pas mauvais pour les jeunes en général. Mais on ne le fait pas parce qu'il est trop important à notre équipe, a indiqué Tortorella. Il constitue maintenant une pièce essentielle de notre équipe au centre. Il est notre centre numéro 1. Je suis toujours attentif quand j'ai un joueur comme lui qui n'a jamais connu les rigueurs d'une saison complète de la LNH, afin de lui accorder un repos si je sens qu'il en a besoin. Mais je n'ai pas besoin de le faire.

«Il joue avec Panarin depuis un bon bout de temps. Certains joueurs seraient intimidés par ça. Ça ne l'affecte pas. Il joue, tout simplement. Il est dur. Dur physiquement, mais sa force mentale est incroyable.»

Le directeur général Jarmo Kekäläinen a causé une certaine commotion au repêchage de 2016 en réclamant Dubois plutôt que son compatriote finlandais Jesse Puljujärvi, attendu toute l'année dans le top 3. Il est encore trop tôt pour savoir quel genre de carrière connaîtra Puljujärvi avec les Oilers d'Edmonton. Mais les Jackets, eux, ont trouvé un joueur qui fait déjà partie de leur noyau. Et jusqu'ici, ils le gèrent de main de maître.

Le genre de coup que le Tricolore devra réussir au prochain repêchage, s'il veut relancer la machine rapidement.