Au cas où vous n'en auriez pas entendu parler, les Rangers de New York ont annoncé officiellement le 8 février dernier qu'ils voulaient reconstruire l'équipe. Grosso modo, plus aucun joueur n'était protégé.

Depuis cette lettre adressée aux partisans, c'est le seul sujet de conversation dans l'entourage de l'équipe. C'était encore le cas ce matin à quelques heures du match contre le Canadien. Une situation difficile à gérer pour l'entraîneur Alain Vigneault.

«Ç'a été ma responsabilité d'aller expliquer aux joueurs que la direction avait décidé de reconstruire. Dans la position où on était, à trois points d'une place en séries, il y a eu de l'incompréhension. Pour qu'une équipe ait du succès, il doit y avoir un seul agenda: celui de l'équipe. La minute que tu dis que l'équipe va reconstruire et que tout le monde est disponible, ça crée plusieurs agendas. Ça rend le travail très difficile parce qu'il n'y a plus qu'un seul objectif, il y en a plusieurs.»

Vigneault a été consulté avant d'être placé devant le fait accompli. On lui a demandé s'il voyait la mouture actuelle des Rangers gagner la Coupe Stanley. Il a répondu, honnête, qu'il avait perdu la Coupe Stanley avec de meilleures équipes. 

Dès lors, deux groupes de joueurs bien distincts ont été créés: les vétérans qui peuvent partir à tout moment et les jeunes qui veulent cimenter leur place. Bref, le cas des Québécois John Gilmour, six matchs d'expérience, et David Desharnais, 510 matchs d'expérience.

Desharnais est à la fin de son contrat. Plus que jamais, il joue pour sa carrière, après une saison remplie de hauts et de bas. Il a été laissé de côté quelques matchs, puis a pivoté le premier trio une dizaine de rencontres. Il compte cette saison 6 buts et 19 aides en 57 matchs. 

«C'est vrai (que ça envoie un peu le message qu'on a laissé tomber). Je sais que c'est un cliché, mais on est des professionnels et on a un travail à faire. Si tu ne te présentes pas, tu vas te faire humilier. Tu joues pour ta carrière, tu joues pour toi.»

Tu joues pour toi... Des mots qui expliquent très bien la situation de plusieurs joueurs, chez les Rangers bien sûr, mais aussi à travers la LNH à l'approche de la date limite des transactions.

Desharnais a donc été questionné sur la situation de son ancien capitaine Max Pacioretty, un autre dont le nom circule dans toutes les rumeurs de transactions. La chimie entre les deux joueurs sur la glace a toujours été évidente, ils sont également amis dans la vie. Le Québécois ne sait pas trop si Pacioretty est dû pour un changement d'air.

«Dans le hockey, il n'y a plus d'intouchables. Tout le monde peut partir, des fois il y a des joueurs qui ont besoin de ça pour relancer leur carrière. Pour Max, je ne suis plus ici, je ne le sais pas. C'est un gars fier d'être capitaine, il veut que ça marche, mais des fois quand ça ne marche plus, à mon avis, c'est parfois mieux de partir. D'un autre côté, jouer pour le Canadien, être capitaine, ça le rend fier et il veut que ça marche.»

À la découverte de John Gilmour

La décision de reconstruire, en revanche, offre des opportunités pour des jeunes joueurs. C'est le cas du Montréalais John Gilmour. Le défenseur vient d'être rappelé de la Ligue américaine.

«C'est incroyable. C'est un rêve réalisé. Je suis très excité de jouer au Centre Bell. Il y aura beaucoup d'amis et de membres de ma famille. Le Madison Square Garden est incroyable. Le Centre Bell aussi le sera aussi. Ça me rappelle Saku Koivu, Markov, Kovalev, dans les séries.»

Gilmour n'a pas eu un parcours facile. Ignoré au repêchage de la LHJMQ à la fin de son stage avec les Lions du Lac St-Louis (midget AAA), il a pris la direction de la USHL et des collèges américains. Une discussion avec son père l'a convaincu de ne pas tout abandonner.

Après quatre ans à Providence College, puis une saison et demie dans la Ligue américaine, le voici dans l'uniforme des Rangers. Un pied de nez pour celui en lequel peu de gens croyaient il y a quelques années à peine.

«Ça m'a pris beaucoup de temps pour arriver ici, a admis le joueur de 24 ans. C'est spécial. Je n'ai pas de mots pour décrire ce qui m'arrive. C'est une très belle occasion pour les jeunes, mais on le vit un jour à la fois. Le timing est bon, les Rangers veulent se rajeunir. C'est une motivation supplémentaire.»

Deux joueurs motivés, mais deux situations complètement différentes. Et surtout, comme l'explique Alain Vigneault, deux agendas. L'annonce officielle de la reconstruction pourrait marquer un nouveau chapitre dans les relations publiques des équipes professionnelles. Mais c'est une situation inédite de gestion pour les entraîneurs.

«C'est inhabituel et pas facile», a résumé Vigneault.