Max Pacioretty ne s'est pas lancé dans une grande célébration élaborée après avoir marqué son deuxième but de la saison, mardi soir au Centre Bell.

En fait, le capitaine, qui n'avait pas marqué une seule fois en sept matchs à ce moment précis, avait plutôt l'air d'un homme soulagé, soudainement plus léger, à qui l'on aurait retiré l'équivalent de deux ou trois pianos sur les épaules.

Au moment de prendre part au match face aux Kings de Los Angeles, ce soir au Centre Bell, Pacioretty, enfin, se sent redevenir le joueur qu'il a toujours été. Il le sent depuis maintenant quelques jours, depuis le match de vendredi soir à Anaheim, pour être très exact.

Dans sa tête, c'est là que tout s'est replacé.

«Ce match à Anaheim a été le déclic pour moi, a-t-il expliqué hier matin au Centre Bell. J'ai eu 10 tirs au but ce soir-là. De tous les matchs lors de cette série de sept défaites, je ne voyais rien de bon, mais après le match à Anaheim, pour moi, ce fut le premier signe. C'est là que j'ai senti un changement, et j'ai pu rentrer à la maison en relaxant un peu, en sachant que nous allions nous en sortir... Ça n'a pas été si bien mardi soir [contre la Floride au Centre Bell], mais j'ai été efficace avec mon jeu physique et j'ai obtenu un bond favorable qui m'a donné un but.»

Ce bond favorable l'a mené à un but, oui, et ça lui en fait maintenant deux en neuf rencontres. Ça demeure bien peu pour lui. Pacioretty a déjà connu des sécheresses offensives auparavant, ce n'est pas ça, l'ennui.

L'ennui, c'est qu'il a tout à fait conscience de ses propres chiffres, ce qui peut être un problème pour les marqueurs comme lui.

«Les joueurs qui disent qu'ils ne regardent pas leurs statistiques, ceux qui disent que les points, ça ne veut rien dire, eh bien, ces gars-là mentent. Bien sûr que ça veut dire quelque chose. C'est pour ça qu'on est ici, qu'on a atteint ce niveau: parce qu'on a été capables de produire offensivement auparavant. C'est mon travail de le faire.  Quand je ne produis pas et que l'équipe ne gagne pas, je me sens coupable et ça m'atteint.»

«Quand tu ne gagnes plus et quand tu ne marques plus, c'est comme si tu patinais dans du sable mouvant. Il y a un gros aspect psychologique à notre sport. Les meilleurs joueurs sont ceux qui sont capables d'oublier le bruit, d'oublier les distractions. Je peux rester ici et parler de moi-même pendant 30 minutes et m'autoflageller aussi. Au bout du compte, ça ne changera pas grand-chose. Tout ce qui compte, c'est le travail qui doit être fait pour s'en sortir.»

Cohésion

Dans le vestiaire du Canadien depuis le début de cette saison difficile, il a souvent été question de cohésion. De cette incontournable «chimie» entre les joueurs. Le capitaine avoue avoir eu du mal avec cet aspect du jeu.

«Je ne veux pas dire que c'est seulement une question de cohésion, mais depuis le début de l'année, on joue avec plusieurs joueurs différents. Dans mon cas, avec des joueurs auxquels je ne suis pas habitué, j'ai fini par changer mon style de jeu, parce que je n'étais pas à l'aise. Ça arrive. Mais personne ne gagne la Coupe Stanley dans les premiers mois d'une saison. Il faut bâtir une cohésion entre les joueurs, apprendre à jouer avec différents gars, dans des situations de jeu différentes et à des endroits différents sur la glace. C'est ce qui mène au succès.»

Pacioretty trouve parfois aussi que tout est un peu trop amplifié. Surtout ici, dans une ville comme Montréal, qui a tendance à s'abreuver à la source du hockey 24 heures sur 24. Il peut comprendre la critique, comprendre ceux qui cherchent à savoir pourquoi il n'a que deux buts à sa fiche.

Il peut comprendre tout ça, mais il a un peu de mal avec ceux qui se lancent dans de longues évaluations psychologiques à distance pour tenter de voir ce qui ne marche pas avec un capitaine qui marque moins qu'à l'habitude.

«On ne peut pas se mettre dans la tête de quelqu'un. Les gens qui présument savoir comment je me sens, comment ça m'affecte, je trouve que c'est injuste. Tous les joueurs sont différents. Il y a des gars qui sont troublés parce qu'ils ne marquent pas, d'autres qui s'en balancent, mais personne n'est pareil, même si on doit faire le même travail, soit marquer des buts. Alors c'est sûr que quand tu perds sept matchs de suite et que ton travail, c'est de marquer des buts, mais que tu ne marques pas, et qu'en plus, tu es aussi le capitaine de l'équipe, tu ne te sens pas très bien.

«C'est encore plus difficile quand tu es jeune. On te demande de demeurer dans un hôtel, et tout ce que tu vois, c'est les émissions de télé qui parlent du match ou de l'équipe. On s'attend à ce que tu produises, et souvent, tu dois te contenter d'un temps de jeu réduit sur le quatrième trio. Ce n'est plus comme ça pour moi, mais je sais que je suis une partie importante de cette équipe, que je dois produire pour aider l'équipe à gagner. Les statistiques le disent: quand je marque, on a de bien meilleures chances de gagner.»

C'est un peu tout ça que Pacioretty a appris au fil du temps depuis la saison 2008-2009, sa première avec le Canadien: c'est sur lui que repose la pression du marqueur, dans une équipe qui, récemment en tout cas, n'a pas su en embaucher beaucoup.

Des fois, ça le pousse à se questionner, à douter un peu aussi, mais il jure qu'aujourd'hui, à bientôt 29 ans, il est capable de laisser ses problèmes à l'aréna.

«Je peux quand même rentrer à la maison et décompresser, oublier le hockey, et quand je reviens à l'aréna, c'est pour travailler encore plus sur mon jeu. Alors oui, je prends mon rôle au sérieux, mais je suis quand même capable de vivre ma vie, en sachant que les résultats vont finir par arriver.»