Après toutes ces années, Jean-Gabriel Pageau n'a pas oublié le silence. Ce silence qu'il y avait dans un aréna à peu près vide du Minnesota, il y a six ans, quand les Sénateurs d'Ottawa ont fini par prononcer son nom, au quatrième tour du repêchage de la LNH.

Ça fait un peu drôle de rappeler ça maintenant, au moment où Pageau et les Sénateurs, en avance 2-0 dans leur série face aux Rangers de New York, se préparent à disputer le troisième match, demain soir à New York. Au moment, aussi, où Pageau revient d'un match de quatre buts, dont celui de la victoire en deuxième période de prolongation. Mais c'est la pure vérité : Pageau, en 2011, ne savait même pas s'il allait être repêché.

«Parce que mon nom ne se retrouvait sur aucune des listes en vue du repêchage, a-t-il récemment expliqué à La Presse. Il y a toujours des classements de joueurs avant le repêchage, et moi, mon nom n'était sur aucune liste. Je ne sais pas pourquoi. 

«Mon agent m'a dit d'aller au repêchage quand même, pour voir ce qui allait arriver... Je suis allé là-bas et je ne pensais pas que j'allais être repêché. Je n'avais même pas pris la peine de me faire une liste d'équipes potentielles qui pouvaient s'intéresser à moi, comme certains joueurs le font.»

Le petit attaquant avait pourtant connu de beaux moments dans les rangs juniors, entre autres à Gatineau, et cela avait tout de même mené à quelques entrevues avec des représentants de la LNH en vue de ce repêchage en 2011. Pageau estime qu'environ 10 équipes ont tenu à le rencontrer, dont le Canadien, qui ne possédait aucun choix de deuxième ou de troisième tour cette année-là. 

«Les entrevues avant le repêchage, les équipes de la LNH en font tellement que ça veut rien dire... J'ai même pas parlé aux Sénateurs, mais j'avais rencontré [Trevor] Timmins et le Canadien.»

Avec son premier choix en 2011, le Canadien a sélectionné un défenseur, Nathan Beaulieu. Avec son choix suivant, au quatrième tour (le 97e au total), il a misé sur un autre défenseur, Josiah Didier, qui n'a toujours pas patiné sur une glace de la Ligue nationale. Juste avant, avec le 96e choix au total, les Sénateurs ont mis la main sur Pageau.

«Rendu là, je ne portais plus attention à ce qui se passait dans l'aréna... C'était la deuxième journée du repêchage, j'étais avec mes parents, ma soeur, mon oncle, et puis on a fini par entendre mon nom. Je ne m'attendais pas à ça.»

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Il y a les joueurs qui s'étouffent sous la pression, et il y a les gars comme Jean-Gabriel Pageau qui sont tout le contraire.

Ses quatre buts de samedi - une performance que l'entraîneur-chef Guy Boucher a humblement qualifiée de «malade» - ont mené les Sénateurs à une victoire de 6-5 sur les Rangers lors du deuxième match de cette série. Ces buts servent à nous rappeler à quel point le joueur de 24 ans carbure à l'adrénaline. En 24 matchs éliminatoires depuis son arrivée dans la LNH, en 2012, l'attaquant ontarien a réussi neuf buts. Il a cinq buts en huit parties depuis le début des présentes séries.

Tout ça dans un rôle qui n'est pas purement offensif, et sans hésiter, il parle de l'influence de Boucher sur son jeu.

«Guy a mis une structure en place cette saison, et quand t'arrives en séries comme ça, tous les détails sur lesquels tu as travaillé dans la saison finissent par faire une différence, explique-t-il. On l'a vu, ça a fait une différence lors de notre première série [contre les Bruins de Boston]. L'instant où on faisait une erreur, on travaillait tout de suite là-dessus, on corrigeait rapidement et le lendemain, on disputait un meilleur match. Guy [Boucher] m'a appris à jouer avec un sentiment d'urgence.»

«C'est Guy qui m'a amené à changer mon rôle, à devenir un joueur un peu plus défensif, quelque chose que je prends à coeur. Quand tu joues bien en défense, des fois, ça se transforme ensuite en occasions de marquer en attaque. J'ai toujours eu confiance en mes moyens et j'arrive à l'aréna le matin en essayant de m'améliorer à chaque fois.»

Jean-Gabriel Pageau, avec tout ça, est maintenant le meilleur buteur chez les Sénateurs depuis le début des séries. Ce qui laisse croire que plusieurs experts se sont trompés en l'omettant de leur liste des meilleurs espoirs, il y a six ans.

«Je voulais juste avoir une place, jouer n'importe où, ça ne m'aurait pas dérangé, d'ajouter Pageau. Mais de me retrouver avec Ottawa, pour un gars de la région, c'est vraiment spécial.»

Prochain match: Sénateurs c. Rangers, demain, 19h