N'ajustez pas votre appareil, nous ne sommes pas en 2003 et ce n'est pas Lose Yourself d'Eminem qui trône au sommet des palmarès. Mais oui, le Canadien a encore congédié Michel Therrien. Pour le remplacer - encore - par Claude Julien.

Marc Bergevin devait profiter de la semaine de congé pour faire un geste susceptible de changer le cours d'une saison qui commençait à ressembler à celle de l'an dernier. Mais alors qu'on attendait une transaction, le DG a été plus audacieux encore en montrant la porte à Therrien et en le remplaçant par celui qui avait fait un premier passage à la barre de l'équipe de janvier 2003 à janvier 2006.

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Compte tenu de la loyauté qu'il a démontrée à l'endroit de ses entraîneurs - et on inclut là-dedans Sylvain Lefebvre, qui n'a jamais mené le club-école en séries -, il était permis de croire que Bergevin tenterait de conclure une transaction avant de se résoudre à changer d'entraîneur, ce qu'il avait refusé de faire après la débâcle de l'an dernier.

Or, non seulement les transactions de grande ampleur sont difficiles à réaliser, mais les impératifs linguistiques liés au poste d'entraîneur-chef du Canadien réduisent la banque de bons candidats. Le fait que l'ancien coach des Bruins de Boston soit devenu disponible la semaine dernière était une occasion à ne pas manquer.

«La décision de relever Michel de ses fonctions a été difficile, car j'ai beaucoup de respect pour lui, a indiqué Bergevin dans un communiqué. Je considère que le temps est venu pour notre équipe d'avoir un nouveau souffle, une nouvelle voix, une nouvelle direction. Claude Julien est un entraîneur d'expérience, très respecté dans la LNH, qui connaît bien le marché de Montréal. Claude a connu beaucoup de succès dans la LNH et il a remporté la Coupe Stanley.»

Bergevin, qui s'adressera aux médias à 11h mercredi matin, a ajouté avec justesse qu'il avait embauché le meilleur entraîneur-chef disponible.

«Je suis convaincu qu'il saura remettre notre équipe sur le chemin de la victoire.»

Une chance à ne pas rater

La rumeur voulait que Julien attende l'été pour trouver un nouvel emploi. Avec de nombreuses formations à ses trousses, y compris les nouveaux Golden Knights de Vegas, il aurait eu le loisir de choisir l'environnement dans lequel il souhaitait évoluer. Manifestement, Bergevin n'a pas voulu prendre le risque qu'il lui file entre les doigts et il a vite obtenu l'autorisation des Bruins pour discuter avec le Franco-Ontarien de 56 ans.

Selon le réseau ESPN, les Bruins devaient lui verser 3 millions la saison prochaine, la dernière à son contrat. Compte tenu de la récente entente conclue par Alain Vigneault avec les Rangers de New York, laquelle l'assurera d'au moins 4 millions par année, il est permis de croire que Bergevin a dû promettre une bonne augmentation à Julien afin de s'assurer ses services.

Dans la foulée de son embauche, le Canadien n'a annoncé le congédiement d'aucun entraîneur adjoint. Un porte-parole de l'équipe a cependant précisé que ces décisions relèveront ultimement de Julien lui-même. Ce dernier prendra la parole lors d'une conférence téléphonique à 13h.

Des souvenirs de 2009

On a tracé des parallèles entre la saison dernière du Tricolore et ce qu'il traverse actuellement. Mais le congédiement de Therrien évoque aussi ce qu'il a vécu avec les Penguins de Pittsburgh en 2009. Cette année-là, après avoir connu un bon début de campagne (12-4-3), les Penguins avaient piqué du nez jusqu'à ce que Therrien se fasse montrer la porte... le 15 février. Huit ans plus tard, le scénario se répète à une journée près, et Therrien n'aura dirigé qu'un match de plus (58) que ce qu'il avait eu la chance de faire en 2009. On se souviendra que Dan Bylsma lui avait succédé et avait mené les Penguins à la Coupe Stanley.

C'est la première fois que l'entraîneur-chef d'une équipe trônant au sommet d'une division est congédié en cours de saison depuis John Paddock avec les Sénateurs d'Ottawa, en 2008. Claude Julien s'était lui-même fait faire le coup quand il avait été limogé par les Devils du New Jersey en avril 2007.

«En tant que joueur, et en particulier en tant que capitaine, je me sens coupable, a admis Max Pacioretty au réseau Sportsnet. Si nous avions offert de meilleures performances - surtout dernièrement -, ça n'aurait pas forcé la direction à prendre ce genre de décision. Nous sommes responsables.

«Je n'ai que de bonnes choses à dire à propos de Michel, ce qui rend cela d'autant plus difficile pour moi», a ajouté Pacioretty, que Therrien aurait pourtant qualifié de «pire capitaine de l'histoire de l'équipe» l'été dernier, si l'on en croit certaines informations.

Brendan Gallagher, qui n'a connu que Therrien comme entraîneur-chef depuis son arrivée dans la LNH, a soutenu que tout le monde a été un peu pris par surprise.

«Un entraîneur congédié, ce n'est jamais quelque chose que l'on souhaite, a-t-il confié à La Presse. Ç'a été une journée difficile... J'ai été avec Mike depuis que je suis un membre du Canadien, et il m'a enseigné une foule de choses. En même temps, on se retrouve aujourd'hui avec un entraîneur extrêmement qualifié.

«Mais on n'a pas fait notre travail récemment, et c'est une décision qui a été prise afin de nous réveiller. La façon dont on a joué lors des derniers matchs est inacceptable. Nous devons revenir à ce que nous étions en début de saison, nous devons retrouver notre identité.»

Nouveau système?

À Boston, Claude Julien a mis en place l'un des systèmes défensifs les plus étanches de la LNH, tout en voyant son équipe afficher année après année parmi les meilleurs indicateurs de possession de rondelle de la ligue. Ses méthodes ont procuré beaucoup de succès aux Bruins, qui ont remporté la Coupe Stanley en 2011, et avaient valu à Julien le titre d'entraîneur-chef de l'année deux ans plus tôt.

Sous le nouveau DG Don Sweeney, Julien avait toutefois cherché à adopter une cadence plus rapide, avec des défenseurs davantage impliqués en attaque, afin de s'adapter au virage observé à la grandeur de la ligue. Mais les résultats ont été mitigés, et Julien a fini par en payer le prix.

Il faudra voir maintenant de quelle manière il entend diriger un groupe de joueurs très différent de ce qu'il avait sous la main à Boston. Il connaît bien Andrei Markov et Tomas Plekanec, qui faisaient déjà partie du Canadien à son premier passage avec l'équipe, et il est familier avec Carey Price et Shea Weber, qu'il a eu l'occasion de côtoyer au sein du programme olympique canadien.

Puisque la semaine de congé repousse le prochain entraînement du Canadien à vendredi, à 16h, et que l'équipe affronte les Jets de Winnipeg le lendemain après-midi, Julien aura peu de temps pour jeter les bases d'un nouveau système.

Le nouvel entraîneur-chef dirigera son 1000e match dans la LNH le jeudi 23 février à l'occasion de la visite des Islanders de New York.

- Avec la collaboration de Richard Labbé