Le 24 octobre, après seulement cinq matchs, Alexei Emelin était muté à la gauche de Shea Weber en vue d'un match contre les Flyers de Philadelphie. On savait que le fait de jouer aux côtés du nouveau défenseur-vedette du Canadien serait un poste important cette saison à Montréal. Aux yeux de la direction, il avait suffi de cinq matchs pour déterminer que Nathan Beaulieu n'était pas prêt à assumer cette responsabilité.

Mais qui aurait pu prédire, 15 matchs et un mois plus tard, qu'Emelin aurait encore ce mandat?

«Quand on prend une décision, on espère toujours que c'est la bonne et qu'elle va pouvoir tenir durant toute la saison, a plaidé Michel Therrien à ce sujet, hier. On ne prend pas de décision en se disant qu'on va être corrects pour cinq ou six jours...»

N'empêche: si le défenseur russe avait joué brièvement aux côtés de P.K. Subban durant la saison 2014-2015, il n'avait jamais vraiment évolué au sein d'un premier duo défensif. Son temps d'utilisation depuis le début de la campagne le confirme d'ailleurs: depuis qu'il patine à la gauche de Weber, Emelin joue presque 22 minutes par match (21:56), ce qui surpasse son sommet d'utilisation en carrière, atteint l'an dernier (20:29).

Alors quand on demande au principal intéressé comment vont ses affaires par les temps qui courent, un mot lui vient spontanément: «Parfait!»

Emelin affirme qu'il se sent très bien et qu'il bénéficie du fait que plus il joue, plus il se sent en confiance.



Le temps de se connaître

Un peu plus loin dans le vestiaire, Shea Weber est plus circonspect.

Encore heureux que Michel Therrien n'ait pas jonglé avec ses duos en défense comme il le fait avec ses trios, car Weber a connu des années de grande stabilité à Nashville, en jouant d'abord avec Ryan Suter puis avec Roman Josi.

Ce serait pour le moins différent pour lui de changer souvent de compagnon à la ligne bleue.

«Peu importe le style de mes partenaires, ça me prend toujours un certain temps pour m'habituer, a indiqué Weber. Et je suis sûr que c'est la même chose pour eux, ça prend du temps avant que notre travail devienne une seconde nature et qu'on sache à quoi s'en tenir avant même de sauter sur la glace.»

Croit-il que la période d'adaptation est terminée avec Emelin?

«Ça va bien, mais ça prend beaucoup de temps, répond-il. J'ai joué avec deux partenaires sur des tranches de cinq ans chacun. Sur une telle durée, tu apprends à connaître quelqu'un...»

Deux présences physiques

À son arrivée dans la LNH avec les Predators, Weber avait évolué aux côtés de Vitaly Vishnevsky, un joueur dont le profil ressemblait un peu à celui d'Emelin.

«C'était une présence physique sur la glace dont l'adversaire devait tenir compte», se souvient-il.

Aujourd'hui, l'essentiel de la robustesse chez le Canadien est concentré dans le même duo, et Michel Therrien en a l'air fort satisfait.

«Ce que j'aime, c'est qu'ils affrontent très souvent les meilleurs trios adverses, et ce n'est pas évident de jouer contre ces deux gars-là, parce que ce sont deux gars très physiques.»

«Ça ôte à l'adversaire le goût d'entrer dans notre zone!», a illustré Emelin avec amusement.

Samedi soir, après la victoire contre les Maple Leafs de Toronto, l'entraîneur-chef avait vanté cet aspect de leur jeu. Au même moment, dans l'autre vestiaire, on déplorait un double-échec sournois d'Emelin à l'endroit de James Van Riemsdyk en toute fin de rencontre.

La LNH a décidé de ne pas sanctionner le défenseur du Canadien, mais ça n'a pas empêché le Russe de regretter son geste.

«Je l'ai poussé et c'était dangereux parce qu'il était à deux pieds de la bande, a convenu Emelin. Ce n'était pas une bonne mise en échec, mais c'est ce qui s'est produit. Oui, c'était un coup dangereux, mais les émotions étaient fortes, le pointage était serré... Ça fait partie du hockey.»

Une chance vite retirée

Ce qui semblait a priori un pensum à l'endroit de Nathan Beaulieu et une mesure somme toute temporaire se poursuivra donc ce soir contre les Sénateurs d'Ottawa.

Ça laisse Beaulieu mijoter sur le troisième duo - tantôt avec Joel Hanley, tantôt avec Greg Pateryn.

«Je sais que je suis un défenseur top 4, c'est juste que ce n'est pas dans les cartes pour le moment», a indiqué l'arrière de 23 ans, qui éprouve des difficultés depuis quelques matchs.

Selon Beaulieu, il serait juste de dire que la chance de jouer aux côtés de Weber lui a été retirée rapidement.

«C'est sûr que je veux jouer le plus possible, mais il y a beaucoup de choses là-dedans qui sont hors de mon contrôle, nous a-t-il dit. Je peux juste essayer de faire de mon mieux.»

Photo André Pichette, Archives La Presse

Alexei Emelin (74) et Shea Weber (6)