Pernell Karl Subban avait déjà fait parler de lui dans presque tous les champs de l'activité humaine, mais voilà que le défenseur du Canadien fait l'objet d'un débat dans le champ phonétique. Qui l'eût cru?

Un groupe de protection de la langue encourage les Québécois et les analystes sportifs francophones à cesser de prononcer les initiales «P.K.» à l'anglaise. «Piqué» devrait se dire «Péka», selon l'Association pour le soutien et l'usage de la langue française (ASULF), qui recommande également de prononcer le nom «Subban» à la française.

«De nombreux journalistes et commentateurs de langue française parlent du joueur de hockey "Pi-Ké" Subban, prononçant ces deux initiales et ce nom selon la phonétique anglaise, déplore l'ASULF dans un communiqué envoyé à La Presse lundi. Or, l'usage veut que le locuteur dans une langue prononce les noms étrangers selon la phonétique de cette langue afin d'être compris.»

Cette façon de faire, qui consiste à prononcer les noms dans l'accent du locuteur est prévalente chez les descripteurs anglophones. C'est ainsi qu'ils parlent volontiers de "Vinny" Lecavalier et de "Danny" Brière.

«Ils disaient "Gé-Ci" Tremblay, aucun d'eux n'ayant jamais songé un instant à prononcer ces deux lettres selon l'alphabet français», rappelle l'ASULF en référence à l'ancien défenseur du Canadien Jean-Claude Tremblay.

L'ASULF, qui revendique plusieurs centaines de membres, défend la qualité de la langue française. L'association se targue d'avoir réussi à faire remplacer l'expression «rapport d'impôt» par «déclaration de revenus». Elle se bat notamment pour l'expression «Après-Noël» plutôt que «Boxing Day» ainsi que pour le remplacement de l'expression «tailgate» par «rendez-vous d'avant-match».

Une erreur reste une erreur

Marc Denis, analyste à RDS, prononce «Piqué» Subban et n'entend pas changer de sitôt. Selon lui, les anglophones qui prononcent à l'anglaise les noms francophones commettent une erreur.

«La science infuse n'existe pas dans ce domaine-là. Mais je crois par contre qu'on ne peut citer en exemple des gens qui commettent une erreur, comme ces anglophones qui disent "Danny", explique Marc Denis. Je pense que d'essayer d'imiter des gens qui commettent une erreur, c'est être dans le champ!»

Le débat se situe donc sur l'approche à adopter: faut-il franciser tous les noms ou coller le plus possible à leur phonétique d'origine? À RDS, explique la sommité Pierre Houde, la décision a été prise de coller à la prononciation d'origine dans la mesure du possible. P.K. Subban étant anglophone, on le prononce à l'anglaise.

«C'est l'héritage de mes modèles de l'époque, René Lecavalier et Richard Garneau, explique Pierre Houde. Ils ont inventé notre métier à la télévision et ils avaient à coeur la prononciation des noms.»

Selon lui, cette approche est aussi valide qu'une autre. «Si mes patrons me demandaient demain de franciser tous les noms, alors je le ferais, dit-il. D'une manière ou l'autre, on serait dans la rectitude. C'est simplement une approche différente. Il ne faut pas que ça devienne un débat excessif. Il n'y a pas de science exacte.»

Alors en attendant, P.K. restera «Piqué», à l'anglaise, comme Plekanec restera «Plekanets», à la tchèque. «Plekanec était très touché qu'on prononce son nom comme il faut à son arrivée à Montréal», ajoute Pierre Houde, qui dit avoir toujours détesté entendre les collègues anglophones parler de «Mario Lemiuuu».

«J'ai toujours pensé que cette approche était un élément distinctif des [descripteurs] francophones dont on peut être très fiers, croit Pierre Houde. Je constate même que les collègues anglophones font des efforts en ce sens.»