Lorsque le gardien du Canadien Patrick Roy est passé à l'Avalanche du Colorado, le 6 décembre 1995, ce n'était pas la première fois que les deux organisations évoquaient le nom du joueur-vedette.

«Mon premier souvenir de discussions impliquant Patrick Roy, c'était dans le temps d'Eric Lindros», raconte l'ancien directeur général de l'Avalanche François Giguère, qui avait été auparavant l'adjoint de Pierre Pagé et de Pierre Lacroix.

En dépit de leurs problèmes financiers, les Nordiques croyaient à l'époque être en mesure de se payer l'un des meilleurs gardiens de la ligue.

«On était un jeune club avec une masse salariale qui n'était pas énorme, rappelle Giguère. Si l'on amenait Roy à Québec, qui était une vedette de la LNH élevée localement, on pouvait s'attendre à des retombées économiques qui auraient justifié une action comme celle-là.»

Au fil des ans, les Nordiques avaient connu des ennuis chroniques devant le filet. Ainsi, qu'il s'agisse de Ron Hextall (Philadelphie), de John Vanbiesbrouck (Rangers de New York) ou d'Ed Belfour (Chicago), toutes les discussions sérieuses qu'avaient eues les Nordiques entourant Eric Lindros en 1992 incluaient un gardien titulaire.

«En Lindros, on avait un actif qui avait une valeur incroyable, rappelle Giguère. Il y a eu deux équipes finalistes pour ses services, mais plusieurs formations ont été impliquées dans le processus. Il y a eu environ huit équipes qui ont eu divers niveaux d'intérêt.»

Un joueur de concession

Mais entre ce que les Nordiques demandaient et ce dont les autres équipes étaient prêtes à se défaire, il y avait une marge.

«On n'aurait pas laissé partir Patrick Roy à cette époque-là dans une transaction», assure Serge Savard, qui a été le DG du Tricolore de 1983 à 1995.

«Tout le monde parlait de Lindros comme d'un joueur de concession. J'avais parlé à Marcel Aubut et on avait fait une offre impliquant plusieurs joueurs, mais on savait qu'on n'avait aucune chance de remporter la mise.»

Savard rappelle que les transactions avec des rivaux directs du Canadien, comme les Bruins de Boston ou les défunts Nordiques, ont toujours été rarissimes. Il s'était montré très intéressé aux services de Mats Sundin quand ce dernier avait été mis sur le marché par les Nordiques, en 1994, mais là encore, il en était arrivé à la même conclusion.

«Dans le cas de Lindros, on avait le devoir d'aller vérifier la température de l'eau, explique Savard. Mais c'est une transaction qui impliquait aussi une somme d'argent phénoménale. On parlait de 15 à 20 millions. Je n'étais pas autorisé à faire cela.»

Fiset et Nolan sur la table

Au moment où les Nordiques ont quitté Québec pour le Colorado, les négociations entourant un éventuel échange de Roy à l'Avalanche ont pris de l'ampleur.

«Ce n'était pas fait, loin de là, insiste toutefois Serge Savard. Stéphane Fiset et Owen Nolan faisaient partie des discussions. Chose certaine, les joueurs que le Canadien a acquis dans la transaction après que je suis parti n'étaient pas du tout dans mes discussions. Pas plus que Mike Keane.»

Au moment de son congédiement, Savard s'est entretenu avec le président Ronald Corey pour le mettre au fait de la situation de l'équipe et des discussions qu'il avait eues avec Pierre Lacroix.

«Il était au courant de ce qui se passait», dit Savard.

Réjean Houle, qui a succédé à Savard en octobre 1995, a finalement échangé Roy à l'Avalanche en retour de Jocelyn Thibault, Martin Rucinsky et Andrei Kovalenko, le 6 décembre 1995.

Ajouter des gagnants

François Giguère ne croit pas que les pourparlers antérieurs avec le Canadien, ou encore la relation préalable qu'entretenait Pierre Lacroix avec Roy, aient placé l'Avalanche dans le siège du conducteur durant les trois jours de négociations qui ont mené au transfert du célèbre gardien.

«On a eu un intérêt immédiat pour Roy parce que Pierre Lacroix, qui avait été son agent, savait exactement quel genre de gars il allait chercher et ce qu'il pouvait apporter», précise-t-il cependant.

«C'était important pour nous de faire la transition vers une équipe qui savait gagner. L'année précédente, à Québec, on avait eu une saison régulière incroyable, mais on avait perdu en première ronde contre les Rangers de New York. On avait une bonne équipe, mais elle ne savait pas encore gagner. Or, des gars comme Patrick Roy, Mike Keane et Claude Lemieux sont venus complètement changer la mentalité de nos jeunes.»

Giguère se souvient des premiers jours de décembre 1995 comme étant des moments excitants.

«On venait d'aller chercher Lemieux et là on avait la chance d'aller chercher l'un des meilleurs gardiens de la ligue. Si l'on regarde l'histoire des Nordiques, les gardiens et la défense ont toujours été un aspect plus difficile. Et là, on pouvait aller chercher un gagnant qui pouvait faire toute la différence au monde...»