La blessure de Brendan Gallagher a suffi pour que certains s'interrogent - non seulement à Montréal mais ailleurs dans la LNH - sur l'utilité des tirs bloqués. Tout le monde sait qu'ils sont omniprésents dans le hockey et qu'ils ne sont pas à la veille de disparaître.

Mais le sacrifice en vaut-il la peine? Le Canadien est-il mieux servi par un tir de Johnny Boychuk bloqué par Gallagher ou par l'absence de ce dernier pour six semaines?

Ce sont là les risques du métier, a répondu Michel Therrien, hier.

«Ce matin, en embarquant dans mon char, j'étais conscient qu'il y avait un risque d'accident, a expliqué l'entraîneur-chef. Il n'y en a pas eu, mais il y a un risque dans tout ce qu'on fait. Le risque est beaucoup plus élevé pour un joueur de hockey. C'est un sport de contact qui demande qu'on se sacrifie et qui demande du courage.»

Et c'est partie prenante d'une mentalité - pas forcément mauvaise - où tout ce qui peut être fait pour aider l'équipe doit être fait. On joue sans compromis.

«Les tirs bloqués font assurément partie du jeu sans la rondelle», a dit l'entraîneur-chef John Tortorella au site officiel des Blue Jackets de Columbus, dimanche, après que son équipe l'eut emporté deux soirs plus tôt en bloquant 26 rondelles.

«Ça crée un sentiment de camaraderie et de solidarité au sein de l'équipe. Nous n'hésitons pas à montrer à la vidéo des joueurs qui bloquent des tirs et d'autres qui n'ont pas l'air d'avoir trop envie de le faire. Ça crée un peu de pression à l'interne.»

Quand on n'a pas la rondelle...

Le tir bloqué peut être vu comme un acte de courage, mais il est aussi souvent le symptôme d'une équipe qui n'a pas souvent la rondelle. Les Rangers de New York, qui obtiennent des résultats fracassants en ce début de saison, ont des défenseurs qui bloquent beaucoup de tirs. Or, les Rangers gagnent même si leur coefficient de tentatives de tirs (l'indice Corsi) est au deuxième rang des pires de la ligue.

Au cours des trois dernières saisons, les équipes ayant bloqué le plus de tirs étaient systématiquement parmi les pires en matière de possession de rondelle.

Le Canadien a déjà été un champion des tirs bloqués à l'époque de Josh Gorges, mais il était 19e de la LNH à ce chapitre avant le match d'hier. Il n'est pas moins courageux qu'avant; il a juste la rondelle beaucoup plus souvent que par les années passées.

De nouvelles stratégies défensives

À la fin des années 80, Guy Carbonneau était le seul attaquant chez le Canadien à bloquer des tirs. En défense, Craig Ludwig était le grand spécialiste, mais ses coéquipiers à la ligne bleue n'étaient pas tous aussi volontaires.

Trente ans plus tard, les tirs bloqués font partie de la description de tâche de tous les joueurs. Au cours des six ou sept dernières années, tout particulièrement, la quantité de tirs bloqués a augmenté.

Lars Eller croit savoir pourquoi.

«Depuis que je suis à Montréal, les attaquants ont toujours été disposés à bloquer des tirs, a d'abord précisé le Danois. Ce qui a changé le plus, c'est que les défenses sont maintenant plus compactes. Un défenseur adverse qui a la rondelle a plus de marge de manoeuvre à l'extérieur de l'enclave qu'il n'en avait il y a cinq ou six ans. L'équipe qui se défend veut surtout protéger l'intérieur de l'enclave. Pour cette raison-là, on a plus tendance à se retrouver dans les lignes de tir.

«Et puis, il y a le fait que les zones offensives sont maintenant plus longues et que les tireurs ont plus d'espace. On ne peut plus se défendre homme à homme, il faut mettre son corps dans la ligne de tir. On le remarque beaucoup en désavantage numérique.»

«Le coeur gros comme le Centre Bell»

S'il y a un joueur chez le Canadien qui reflète à lui seul l'augmentation des tirs bloqués, c'est Andrei Markov. Durant la première moitié de sa carrière, le vétéran russe n'était pas du tout un spécialiste de la chose. Mais depuis ses blessures de genou, il a intégré cet élément à son jeu, si bien que si la tendance se maintient, il terminera au premier rang chez le Canadien pour la troisième saison de suite.

«Markov a tellement une bonne compréhension du jeu qu'il est toujours en mesure d'aller se placer dans la bonne ligne de passe ou la bonne ligne de tir, explique Michel Therrien. Son expérience entre en jeu.

«C'est complètement différent d'un gars comme Gallagher, qui est motivé par son courage. S'il est capable de bloquer un lancer avec les dents pour ses coéquipiers, il va le faire. C'est la raison pour laquelle Gallagher a du succès dans la Ligue nationale. C'est un guerrier et il a le coeur gros comme le Centre Bell. Il sait très bien que s'il ne faisait pas ça, ce serait difficile pour lui.»

La bonne technique

La blessure de Gallagher était-elle donc un bête accident comme on en voit souvent au hockey? Un risque du métier, comme le suggère Therrien?

Oui et non.

À en croire Dale Weise, il y a une façon de bloquer un tir tout en se protégeant.

«Personnellement je ne bloque pas de tirs de la façon dont l'a fait Gallagher, a-t-il admis. Quand on s'accroupit comme il l'a fait, on se place en position vulnérable. On préfère être de face, avec l'équipement qui nous protège, et essayer d'être le plus proche possible du tireur.

«Mais bon, ces choses-là arrivent...»