L'entraîneur-chef des Blues de St. Louis, Ken Hitchcock, en a vu de toutes les sortes au fil des ans. Mais il n'avait jamais vu quelqu'un occuper le rôle actuel de Martin Brodeur avec son équipe.

Le légendaire gardien, qui a pris sa retraite le 29 janvier dernier, a été embauché à titre de conseiller spécial au directeur général Doug Armstrong. Or, il s'avère un touche-à-tout impliqué dans plusieurs sphères de l'organisation.

«Il travaille sur trois paliers en même temps, explique Hitchcock. Il est à l'aise au milieu des entraîneurs, avec Doug Armstrong et son groupe, et aussi dans le vestiaire avec les joueurs. C'est assez unique. Il y a très peu de gens qui peuvent être à l'aise dans le vestiaire sans que les joueurs se sentent menacés.»

Il faut dire que lorsqu'il s'est joint aux Blues, au mois de décembre, Brodeur a créé une forte impression auprès de ses nouveaux coéquipiers.

«C'est un futur membre du Temple de la renommée et ça ne le dérangeait pas de ramasser les rondelles après l'entraînement, illustre l'entraîneur adjoint Kirk Muller. L'ego n'est jamais entré en ligne de compte et il n'a jamais cherché de traitement de faveur.»

Mais après avoir raccroché ses patins et être passé de l'autre côté de la porte, Brodeur est redevenu une recrue. Il sait qu'il est intéressé par la gestion d'une équipe - bien plus que par le métier d'entraîneur - mais il y va à tâtons. Il fait en quelque sorte son éducation au choix de carrière avec un stage de luxe en milieu professionnel!

«J'apprends beaucoup, dit le Québécois de 42 ans. Je passe du temps avec les entraîneurs, avec [le conseiller au DG] Al MacInnis, avec [l'analyste télé] Bernie Federko et avec les responsables des médias. Je pose des questions et je ne parle que lorsqu'on me demande mon opinion.»

«Il est partie prenante de nos activités, il ne fait pas juste déambuler, précise Muller. Il fait ce que d'autres anciens joueurs ont fait avant lui, soit de commencer au bas de l'échelle et de travailler de façon à gagner du galon.»

Calme et gros bon sens

Brodeur a beau avoir eu une carrière de plus de 20 saisons, il y a bien des choses qu'il ne soupçonnait pas à propos de la mécanique d'une organisation.

«Quand on joue, on ignore de quelle façon se préparent les entraîneurs, ou quel genre de relation il peut y avoir entre les thérapeutes et les entraîneurs, explique-t-il. Avant, je n'en avais aucune idée. Je jouais puis je repartais chez moi. Maintenant, je peux voir comment les coachs réagissent après une victoire ou après une défaite, et quels ajustements ils décident d'apporter.

«C'est un apprentissage qui me sera utile si je décide d'avoir un rôle plus important dans l'organisation.»

Brodeur voyage avec les Blues et assiste à tous les matchs aux côtés de Doug Armstrong. Ce dernier est entre autres bien intéressé par ses connaissances de l'Association de l'Est.

Selon Muller, tout le savoir accumulé auprès d'une culture gagnante - celle des Devils du New Jersey - pourrait devenir un trait distinctif de Brodeur dans d'éventuelles fonctions. On lui a enseigné à faire les choses de la même manière, il les a mises en pratique, et aujourd'hui, il dégage le calme et l'assurance de celui qui a des assises solides.

S'il devient un jour dirigeant d'une équipe, Brodeur ne risque pas de s'emballer et d'être piégé par ses émotions.

«Marty est celui qui a le plus de bon sens dans le bureau, raconte Hitchcock. C'est simple: les entraîneurs sont fous et les dirigeants sont concentrés sur la date limite des transactions. On a besoin de bon sens, et c'est lui qui l'apporte!

«Et ce qui est vraiment intéressant, c'est qu'il voit et comprend ce qui se passe, ajoute Hitchcock. Il peut dire à un entraîneur, à partir de la façon dont il agit un jour donné, où ce comportement va le mener la semaine prochaine et le mois prochain. Avec les joueurs, il peut dire: si tu joues d'une certaine façon, voici où ça va te mener. Si tu décides de t'investir sur tel aspect du jeu, voici ce qui va se passer.

«C'est très utile pour tout le monde.»

Il ne voulait pas partir sur une note amère

Avant le match des Étoiles, Brodeur a annoncé qu'il partait en période de réflexion quelques heures seulement après que le Wild du Minnesota, qui était désespérément à la recherche d'un gardien, eut fait l'acquisition de Devan Dubnyk.

Brodeur assure qu'il n'y a pas de lien entre le fait d'avoir vu disparaître une ultime chance de jouer souvent et sa décision d'enclencher le processus qui mettrait fin à sa carrière.

«Je ne voulais pas partir de St. Louis, soutient Brodeur. Je n'avais pas le goût de recommencer ailleurs. J'ai eu une opportunité ici et j'ai eu du fun au boutte. Déjà que ça avait été une grosse étape pour moi de quitter le New Jersey, je ne voulais pas revoir une situation où, une fois un gardien revenu en santé, je me retrouverais encore dans un scénario à trois gardiens.»

Brodeur a pu prendre sa retraite l'âme en paix, car il a eu le temps, avec les Blues, de retrouver l'amour du hockey.

«Dans mes trois derniers mois au New Jersey, je n'avais même plus envie d'aller à l'aréna, confie-t-il. On avait raté les séries dans trois des quatre dernières saisons, alors que je n'avais presque jamais raté les séries auparavant. Ça n'allait pas trop bien là-bas et je m'étais fait tasser sur le côté.

«J'espérais une transaction avant la date limite des échanges, mais ça ne s'est pas produit. Je ne sais pas si c'est parce que personne ne voulait de moi ou si c'est parce que Lou Lamoriello ne voulait pas m'échanger, mais chose certaine, je voulais vivre une autre expérience.

«Maintenant, je peux dire que j'ai tout fait. Je ne regrette pas d'être venu à St. Louis. J'ai passé un mois et demi ici et j'ai été capable de me dénicher ce travail-là. Je vais prendre énormément d'expérience et on verra l'été prochain ce que je déciderai de faire.»