P.K. Subban a beau être adulé à Montréal, il n'est pas à l'abri d'épisodes de racisme.

L'an passé, des messages à caractère raciste avaient circulé sur Twitter pendant la série éliminatoire contre les Bruins de Boston. Sa réaction posée à ces événements laissait croire que ce n'était pas la première fois qu'il était ciblé.

«Je me souviens d'une fois où je pleurais dans le vestiaire parce qu'un joueur m'avait dit quelque chose, a raconté Subban, après l'entraînement de vendredi. J'étais très jeune, et mes parents m'ont demandé: «Pourquoi pleures-tu?» Je suis sûr qu'ils avaient entendu eux aussi des commentaires de parents. Mes entraîneurs m'ont aussi dit que des commentaires étaient faits à mon sujet. Mais je ne me suis jamais arrêté à ça, je me concentrais à jouer au hockey.»

Subban a eu la chance de grandir dans le Toronto des années 1990 et 2000, un milieu où la diversité et la tolérance étaient - et sont encore - la norme.

Val James, lui, n'a pas eu cette chance. En tant que premier Noir né aux États-Unis à avoir atteint la LNH, il a eu à subir sa part d'insultes en parcourant les arénas des États-Unis, du Québec et de l'Ontario dans les années 70 et 80.

Vingt-huit ans plus tard

Il y a les insultes verbales envers un Noir qui tente de percer dans un milieu de Blancs. Mais aussi des gestes hautement symboliques, comme ces partisans adverses, assis derrière le banc des pénalités, qui brandissent un singe en peluche avec une corde enlacée autour du cou. Une accumulation de haine telle que James, décrit unanimement comme un bon vivant, en vient à se battre... dans un match des Étoiles!

«Comme je ne pouvais pas frapper tout le monde dans la foule, je m'en prenais à leurs joueurs sur la patinoire.»

Cette phrase est tirée de sa biographie, Black Ice: The Val James Story, un livre paru chez ECW Press dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs. C'est le parcours d'un jeune homme qui est né en Floride mais qui a grandi à Long Island, où il s'est initié au hockey par le biais de son père, qui travaillait comme responsable de l'aréna de son secteur.

Il publie ce bouquin plus de 25 ans après avoir disputé les derniers de ses 11 matchs dans la LNH, en 1986-1987, avec les Maple Leafs de Toronto. Pourquoi une telle attente?

«Je devais décompresser, admet au bout du fil l'homme de 58 ans, qui vit maintenant dans la région de Niagara Falls, en Ontario. Pensez à la pire chose que vous pouvez dire à quelqu'un, toutes les 3 secondes, pendant 60 minutes, 40 matchs par année, pendant 10 ans. Je n'ai jamais sorti ma calculatrice, mais c'est assez d'insultes pour que ça te reste dans la tête. Après ma carrière, j'évitais les foules, je n'ai pas regardé le hockey pendant 10 ans. Je devais m'isoler.»

Nostalgique de Québec

S'il parle de 40 matchs par année, c'est qu'il compte seulement les matchs à l'étranger. Car partout où il joue, c'est l'amour entre lui et ses propres partisans. En tant que redresseur de torts craint de tous, il se fait rapidement des amis dans ses nouvelles équipes.

C'est le cas à Québec, où il joue son hockey junior. En 1975-1976 et 1976-1977, il défend les couleurs des Remparts, sous la gouverne de Ron Racette. Parmi ses plus illustres coéquipiers, notons Kevin Lowe, Michel Goulet et Mario Marois. «Je parle encore un peu français», dit-il dans la langue de Molière.

«J'aimerais remercier les gens de Québec pour leur soutien quand j'ai joué là. Ils ont été formidables. J'ai vécu deux carnavals. Je dis toujours aux gens [du Canada] d'y aller pour apprendre à connaître l'autre culture», dit-il.

De James à Subban

Au terme de son séjour à Québec, James est repêché au 184e et avant-dernier rang en 1977 par les Red Wings de Detroit.

Quatre ans plus tard, il fait ses débuts dans la LNH, disputant sept matchs avec les Sabres de Buffalo. Selon les chiffres de la LNH, il aurait alors été le huitième Noir à jouer dans le circuit, mais le premier des États-Unis. Sa mission principale: calmer les ardeurs de Terry O'Reilly, l'homme fort des Bruins à l'époque.

S'il prétend avoir servi une correction à O'Reilly, son passage avec les Sabres ne lui laisse pas que des souvenirs positifs. Après un match à Boston, des partisans des Bruins lancent des bouteilles de bière sur l'autobus des Sabres. «Faites sortir le nègre», crient-ils. Son entraîneur-chef de l'époque, Scotty Bowman, doit le retenir pour l'empêcher de sortir du bus.

Plus de 30 ans après des incidents aussi regrettables, Valmore James constate avec satisfaction qu'un autre Noir est désormais le visage d'une des équipes les plus prestigieuses de la LNH.

«Ça signifie que la LNH a progressé en tant que sport, en tant que mouvement d'égalité. Elle ne tolérerait plus ce qu'on entendait dans les estrades à mon époque», dit-il au sujet des succès de P.K. Subban.

Avec son livre, James espère aider de futurs P.K. Subban à aller au bout de leur rêve. Peu importe la couleur de leur peau.

«De naissance, je suis de race noire, mais ma vraie race, c'est la race humaine. Je veux faire quelque chose pour aider toute la race, pas seulement une partie.»

En quelques mots

«Ron [Racette] nous demandait parfois de nous placer sur chaque ligne bleue. Puis, il fallait se frapper épaule à épaule, et j'étais toujours pris face à Valmore. Il avait les épaules raides! J'en avais plein mon casque. Mais tu ne pouvais pas ne pas l'aimer.»

- Mario Marois, ancien coéquipier chez les Remparts de Québec

«J'étais peut-être un étranger, mais je comprenais parfaitement le mouvement souverainiste et j'essayais de l'expliquer à ceux qui n'étaient pas du Québec. Les gens n'avaient rien contre ceux qui parlaient anglais, mais ils voulaient au moins que tu essaies de parler leur langue.»

- Val James, sur ses années à Québec

«Mes coéquipiers m'amenaient souper et ils me faisaient dire des choses en français que je ne devais pas dire aux filles. Je devais aller m'excuser ensuite. Mais ça m'a valu quelques rendez-vous galants, donc je les taquinais avec ça!»

- Val James, sur Québec

«Je veux aussi remercier les Giguère, qui m'ont si bien traité quand j'ai habité chez eux à Québec.»

- Val James, sur sa famille d'accueil

«La foule me crie des noms. Je demande à [mon coéquipier] Michel Béchard: «Que disent-ils?» Il semble apeuré. Il dit: «Val, je ne sais pas comment l'expliquer.» Il dit: «Tu connais cigar? Eh bien, ils ne disent pas cigar!» Et là, il fait un N avec ses doigts. Je dis: «Oh, nigger!» J'ai éclaté de rire. Il avait tellement de respect qu'il ne voulait pas dire le mot devant moi. Et les partisans, eux, n'étaient pas conscients de ce qu'ils disaient...»

- Val James, au sujet d'un match à Sorel

«Ils m'ont traité comme si j'étais un joueur à domicile. C'étaient les partisans adverses les plus respectueux. Ils me respectaient en tant que personne. Quand je ne jouais pas, ils criaient mon nom pour que j'y sois!»

- Val James, sur les amateurs de hockey de Hershey