Lorsque le Titanic a fait naufrage, le capitaine Edward Smith a lancé un appel de détresse en sachant très bien que son navire coulait. Il ne lui restait qu'à espérer que les secours arriveraient rapidement. On connaît la suite.

Le DG des Maple Leafs de Toronto Dave Nonis, on le constate aujourd'hui, a congédié l'entraîneur-chef Randy Carlyle alors que son bateau coulait déjà. Les Leafs étaient encore dans le portrait des séries éliminatoires quand l'appel de détresse a été lancé, mais ils piquaient du nez. Et la cale est submergée depuis que Peter Horachek a pris le relais: à peine deux victoires en 16 matchs (2-13-1).

En attendant que les secours arrivent - par voie de transaction ou de repêchage -, l'organisation en est réduite à évaluer combien il y aura de rescapés.

Le Globe and Mail révélait plus tôt cette semaine que Maple Leaf Sports and Entertainment, l'entité propriétaire de l'équipe, avait rencontré le président Brendan Shanahan et approuvé un plan visant à faire maison nette et à reconstruire l'équipe en misant sur le repêchage et les jeunes joueurs déjà dans la formation.

Selon le Globe, le capitaine Dion Phaneuf et l'attaquant-vedette Phil Kessel ne feraient pas partie de ce renouveau.

Refus d'abdiquer

Le vétéran défenseur Stéphane Robidas n'a pas eu vent des plans de MLSE, mais il se souvient d'avoir fait partie d'une équipe où la direction avait voulu faire table rase de cette façon.

Et les joueurs avaient refusé d'abdiquer.

«Il y a deux ans, à Dallas, les Stars avaient procédé à un ménage en échangeant Jaromir Jagr, Brenden Morrow, Derek Roy et quelques autres, se souvient l'ancien du Canadien. Ils avaient rappelé cinq joueurs des ligues mineures. L'organisation lançait le message que nous n'allions pas faire les séries cette année-là. Or, on est ensuite partis sur une lancée en gagnant je ne sais combien de matchs. On a fini par rater les séries par seulement trois ou quatre points.»

On devine qu'aux yeux de Robidas, l'état d'esprit dans lequel étaient les Stars est le même qui doit aujourd'hui animer les Leafs.

«Dans le vestiaire, on s'était dit qu'on avait le choix: ou bien on jetait l'éponge, ou bien on essayait malgré tout de faire les séries en démontrant qu'on avait le bon personnel en place et qu'on pouvait gagner même sans gros noms.

«Abandonner n'était pas une option.»

Claque au visage

Mais les Leafs sont-ils bien dans cet état d'esprit?

L'entraîneur-chef par intérim Peter Horachek a déploré le peu d'engagement de ses troupes, plus tôt cette semaine.

«Le give-a-shit meter doit être plus élevé», a-t-il illustré après une défaite face aux Rangers de New York.

«C'est difficile à entendre, mais après avoir perdu autant de matchs dans le dernier mois, il a raison de dire ce qu'il a dit, a commenté le gardien Jonathan Bernier. En tant qu'équipe, ça devrait nous donner une claque dans la face et nous réveiller. Mais à ce jour, ça n'a rien changé.»

Alors que l'espoir d'une place en séries est graduellement remplacé par une place dans la loterie Connor McDavid, les joueurs peuvent-ils se concentrer sur l'amélioration individuelle de leur jeu afin de garder cette fin de saison pertinente?

«C'est difficile d'avoir du succès individuel si l'équipe en arrache, a répondu le centre Nazem Kadri. On ne joue pas au basketball. Il n'y a pas de LeBron James qui domine le jeu et qui peut faire gagner son équipe à lui seul. Le hockey est un sport d'équipe qui nécessite les six gars sur la glace pour gagner.»

Des changements

Les malheurs des Leafs font tourner le moulin à rumeurs. Si Kessel et Phaneuf pourraient devoir attendre l'été avant de changer d'adresse, d'autres joueurs peuvent s'attendre à boucler leurs valises. Les attaquants Mike Santorelli et Daniel Winnik, de même que le défenseur Cody Franson, deviendront tous joueurs autonomes le 1er juillet et en seraient à leurs derniers milles avec les Leafs.

Mais hormis peut-être le jeune défenseur Morgan Rielly, il ne semble pas y avoir d'intouchables au sein de cette formation. C'est donc dire que des joueurs relativement jeunes et encore capables de s'améliorer - on pense à Kadri, au défenseur Jake Gardiner ou encore au gardien James Reimer - pourraient se retrouver au coeur des conversations. «On peut voir que chez certains gars, ça leur joue dans la tête», a confié Bernier.

Mais Kessel, qui est constamment sous le feu des critiques à Toronto, ne semble pas réfractaire à l'idée de changer d'adresse, même s'il en est à la première année d'un contrat de huit ans avec les Leafs.

«J'irai là où l'on veut de moi, a-t-il dit après le revers de jeudi soir à Long Island. J'aime Toronto, mais si ce n'est pas ici, ce n'est pas ici.»

L'ailier droit de 27 ans n'a que 4 buts à ses 25 derniers matchs.

Tout un work out

La saison dernière, les Leafs avaient terminé leur calendrier avec 2 victoires en 14 matchs. Ils vivent en ce moment des ennuis comparables, mais le fait qu'il reste presque deux mois à la saison rend cette léthargie encore plus difficile à accepter.

Car seuls les dieux du hockey savent quand elle s'arrêtera. «Je ne veux plus jamais vivre ça», a admis Gardiner, un arrière à caractère offensif qui semble avoir oublié son attaque en voulant resserrer sa défense.

«Tous les joueurs traversent des moments difficiles, sauf que je ne sais pas si tous les joueurs y goûtent de cette manière-là. Mais bon, l'adversité nous rend plus forts...»

Si c'est le cas, les Leafs doivent commencer à être drôlement forts! «Exactement, on se tape tout un work out», a souri Reimer.