L'ancien entraîneur-chef du Canadien de Montréal, Claude Ruel, est mort tôt lundi matin à l'âge de 76 ans.

M. Ruel a été trouvé sans vie en fin de nuit dans l'ascenseur d'une résidence de Longueuil. Ses funérailles auront lieu à Sherbrooke en fin de semaine prochaine.

Claude Ruel a agi à titre d'entraîneur-chef du Canadien de 1968 à 1971, puis il a effectué un retour derrière le banc de 1979 à 1981.

Super dépisteur, super protecteur

Claude Ruel a pris un soin jaloux de la carrière des espoirs du Canadien, une chance qu'il n'a pas eue.

Né à Sherbrooke le 12 septembre 1938, Ruel était, de son aveu, promis à un bel avenir au hockey ou au baseball lorsqu'il a dû renoncer à y faire carrière. Porte-couleurs du Canadien junior de Montréal, il a été éborgné au cours d'un match disputé en Ontario au milieu des années 50. «Un soir, à Belleville, en Ontario, Ross Kowalchuk a placé son bâton devant moi et un peu trop haut au moment où je m'apprêtais à décocher un lancer», a expliqué Ruel.

L'association Ruel-Canadien s'est néanmoins poursuivie. «J'ai occupé tous les postes dans l'organisation: j'ai dirigé le Canadien junior, j'ai remplacé Scotty Bowman à titre de dépisteur-chef, j'ai succédé à Toe Blake et à Bernard Geoffrion comme entraîneur.

«Succéder à Toe Blake a été ma plus grande sensation. Devenir pilote du Canadien représente le rêve de tout entraîneur qui a un peu d'ambition. Dans mon cas, c'était un peu spécial parce que je n'avais que 29 ans.»

Ruel a remporté la Coupe Stanley au terme de sa première année derrière le banc, en 1969. Mais la saison suivante, le CH a été exclu des séries éliminatoires. En cette dernière journée de la saison régulière de 1969-1970 , le Canadien devait inscrire cinq buts lors de son match à Chicago, les Rangers de New York l'ayant emporté en après-midi. L'entraîneur avait retiré le gardien Rogatien Vachon plusieurs fois dans l'espoir de marquer, mais le Canadien s'était finalement incliné 10-2. Son premier séjour d'entraîneur a pris fin en 1970-1971, après 23 matchs.

Il est revenu en poste neuf saisons plus tard, pour un peu plus d'un an et demi. L'aventure s'est terminée par l'élimination du CH devant les Oilers d'Edmonton. Avant le début de la série balayée par les Oilers, le gardien Richard Sévigny avait prédit que Guy Lafleur mettrait Wayne Gretzky dans sa petite poche...

Ruel n'était pas fait pour le job d'entraîneur. Il se sentait mal à l'aise de dormir dans une chambre d'hôtel dans une ville étrangère, a déjà écrit Réjean Tremblay dans La Presse. Il protégeait ses joueurs qui abusaient souvent de sa confiance.

Les contacts avec les médias ne constituaient pas sa force non plus. «Il faut travailler sur les fondumentales... C'est un joueur vertile... D'un Athlétique à l'autre... Y en aura pas de facile», font partie des «Ruelisme».

Ami et confident

Sa passion, c'était de découvrir de jeunes talents et de les polir. «Stéphane Richer, Sergio Momesso et moi avons été chanceux, a déjà dit Claude Lemieux à CKAC. Le Canadien nous a mis entre les mains de Claude Ruel après nous avoir repêchés. Il était plus qu'un entraîneur pendant l'été, c'était notre ami. C'était amusant d'aller sur la glace avec lui. Il travaillait pour le Canadien, mais il le faisait plus comme du bénévolat.

«Si les jeunes perdaient confiance et espoir de jouer un jour pour le Canadien, Claude Ruel devenait un confident. Il me mettait la main sur l'épaule et disait savoir comment je me sentais, qu'il avait confiance en moi. C'était comme un deuxième père.»

Protecteur, vous dites? Ruel avait décidé de ne pas utiliser Doug Wickenheiser le 11 octobre 1980, premier match de la saison du Canadien, pour éviter une confrontation entre lui et Denis Savard. Wickenheiser avait été le premier choix au repêchage de la séance de 1980 et Savard, le troisième.

«Je ne voulais pas que Wickenheier subisse la pression», avait dit Ruel après la victoire des Blackhawks de Chicago, 5-4. Savard avait amassé un but et une mention d'aide.

«Savard émerveille», avait titré La Presse.

«Savard a marqué le but le plus spectaculaire des siens, avait écrit Bernard Brisset dans La Presse. Il a réussi un jeu devant Larry Robinson qui a rappelé la tasse de café qu'avait servie Gilbert Perreault à Jean-Claude Tremblay à son premier match professionnel au Forum.»

Ruel a toujours soutenu qu'il avait pris la bonne décision en n'utilisant pas Wickenheiser. «Doug était terrorisé tellement il était nerveux. Il n'aurait pas pu résister à la pression ce soir-là.»

Ruel se moquait bien de la gloire personnelle, il ne recherchait que l'épanouissement de ses «p'tits gars». «Si un joueur est bon aujourd'hui, il devra être meilleur demain, a-t-il déclaré à André Trudelle, dans La Presse, en février 1994. Le hockey, c'est encore une question de vitesse sur patins, d'exécution, d'efforts soutenus et de deuxième effort. Ça, ça ne changera jamais. Dans ce métier, on n'a rien pour rien et il y a une place où un joueur ne peut mentir, c'est sur la glace. C'est pour cette raison que je vois autant de matchs de hockey.»

Sous l'ère de Ruel, le Canadien a repêché Guy Lafleur, Steve Shutt, Larry Robinson, Bob Gainey, Patrick Roy... Le super dépisteur n'a jamais identifié sa meilleure acquisition pour ne pas offusquer ses autres choix. «Larry a été ma plus agréable surprise (en 1971). Je pensais le voir partir septième ou huitième. Je pouvais difficilement l'estimer disponible au 20e rang. C'est impossible de prévoir ce qui peut survenir pendant une séance de repêchage.»

À la retraite, veuf, la santé fragile, Ruel s'est gardé loin des émotions fortes même s'il a participé à la fête soulignant le 100e anniversaire du Canadien, au Centre Bell, le 4 décembre 2009. Il a coulé des jours tranquilles en continuant sans doute d'appuyer les «p'tits gars»...

- Avec La Presse Canadienne

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Ils ont dit

> Geoff Molson: «Nous avons perdu un homme de hockey de grande valeur qui a grandement contribué aux succès de l'organisation pendant plus d'un demi-siècle. Claude Ruel n'avait pas son pareil pour évaluer le talent et pour aider les jeunes joueurs qui voyaient en lui un père spirituel et qui était toujours présent pour leur prodiguer conseil. Tous ceux qui ont côtoyé Claude Ruel sont aujourd'hui remplis de tristesse.»

> Réjean Houle: «"Piton", comme on aimait bien l'appeler, est un grand bâtisseur pour le club de hockey Canadien. Avec Claude Ruel, c'était toujours très intense. Il y a beaucoup de joueurs qui ont été marqués par la présence de notre ami Claude car il apportait une dimension différente. Rien que le public peut voir mais tout ce que le joueur a besoin d'avoir comme appui. Il voulait qu'on s'améliore toujours.»

> Serge Savard: «Claude était un excellent joueur à l'époque. Quand il a perdu l'usage d'un oeil, Sam Pollock l'a immédiatement gardé dans l'organisation. Il est devenu instructeur du Canadien junior. Il a agi comme dépisteur pendant plusieurs années et on lui donne le crédit pour la venue à Montréal de Larry Robinson, qui est devenu l'un des meilleurs défenseurs de l'histoire.»