Saku Koivu n'arrive pas à chasser sa nervosité, cette semaine.

L'hommage qui l'attend au Centre Bell demain soir, avant la rencontre entre le Canadien et les Ducks d'Anaheim, le stresse au plus haut point. «Je pense être encore plus nerveux que le soir où je suis revenu au jeu après mon cancer...», a-t-il confié hier après-midi à La Presse, au bout du fil.

L'ancien capitaine du Canadien s'envolera de la Californie aujourd'hui en fin de journée, avec sa femme Hanna et leurs deux enfants. Ses parents viendront le rejoindre de la Finlande.

«La soirée de mon retour au jeu après le cancer restera à jamais gravée dans ma mémoire et les émotions étaient magiques et inoubliables, mais l'équipe m'entourait, j'avais un match à préparer, je devais garder ma concentration. Alors que jeudi, je serai seul et toute l'attention sera sur moi avant le match. Honnêtement, je ne sais pas comment je vais réagir quand les émotions m'atteindront. J'espère pouvoir rester en contrôle. En plus, je ne joue plus depuis quelques mois, j'ai eu le temps de revoir ma carrière défiler et de me rappeler tous ces souvenirs rattachés à Montréal.»

Koivu retrouvera avec émotion des amis à Montréal, ainsi que les Drs David Mulder et Blair Whittemore. «Ils m'ont donné une deuxième chance. Nous avons vécu cette expérience ensemble. Ils sont plus que des amis.»

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Le premier choix du Canadien en 1993 a pris sa retraite en septembre, à 39 ans, après 1124 matchs en 18 saisons. Il a obtenu 832 points et participé à quatre Jeux olympiques, deux Coupes du monde et plusieurs Championnats du monde.

Il dit profiter de sa nouvelle vie de retraité en Californie. «Je ne m'ennuie pas de ma vie de hockeyeur en ce moment. J'ai encore la passion pour mon sport, mais je suis enfin plus présent pour mes enfants de 10 et 8 ans. Je peux aller les chercher à l'école. Je ne ressens pas de vide pour l'instant. Les deux jouent au soccer et mon garçon joue également au hockey; je suis entraîneur adjoint avec son équipe.»

Koivu aime bien l'anonymat relatif dont il jouit en Californie. Il était très populaire à Montréal, mais son intimité est encore difficile à avoir en Finlande, où il a été élevé au rang de héros national.

«En Californie, personne ne sait qui nous sommes. On ne me reconnaît pas dans la rue. Ça me ressemble davantage. Nous avons choisi pour l'instant de vivre au moins une année en Californie avant de prendre une décision sur notre avenir. Nous voulions un peu de stabilité. Nous avons vendu la maison, nous sommes en location, donc les options restent ouvertes. Après plus de 20 ans en Amérique du Nord, c'est difficile pour nous de tirer un trait complet et de rentrer en Finlande même si, en ce moment, Turku est l'option que nous pourrions privilégier au bout du compte.»

Saku Koivu a entamé sa carrière avec le Canadien de Montréal en octobre 1995. Cinq matchs plus tard, Serge Savard et Jacques Demers étaient congédiés, remplacés par Réjean Houle et Mario Tremblay. Quelques semaines après, Patrick Roy et Mike Keane allaient poursuivre leur carrière au Colorado. Pierre Turgeon serait le prochain.

«Je suis chanceux»

À ses deux premières saisons comme capitaine, le CH a raté les séries. L'équipe franchira la deuxième ronde seulement deux fois lors des huit saisons suivantes.

Son règne de capitaine a duré 10 ans, un record de longévité qu'il partage avec Jean Béliveau. Mais c'est un capitaine essoufflé par un cancer apparu en 2001, et des attentes sans doute trop grandes à son endroit compte tenu du talent de l'équipe, qui est parti pour Anaheim en 2009.

«J'arrivais de Finlande, je n'avais jamais disputé un match de la Ligue nationale ou vécu en Amérique du Nord. J'ai trouvé que les événements ne cessaient de se bousculer au début. En plus, j'ai participé à la fermeture du Forum et à l'ouverture du Centre Molson cette même année. Je me considère chanceux d'avoir pu disputer des matchs au Forum.

«Nous avions de grandes équipes à mes deux premières années, mais nous n'avons pu garder le noyau en forme. L'échange de Patrick Roy et Mike Keane n'a pas aidé, de toute évidence. Les années qui ont suivi ont été difficiles. Même par la suite, les départs de Vincent Damphousse et de Stéphane Quintal ont fait mal. Les jeunes commençaient à se développer au moment de mon départ. On voit l'impact qu'ils ont aujourd'hui. Mes plus beaux souvenirs demeurent le soir de mon retour au jeu et l'élimination des Bruins par la suite, mais mon plus grand regret demeure de n'avoir pu remporter la Coupe Stanley avec le Canadien.»

Koivu a joué brièvement pour Jacques Demers, puis pour Mario Tremblay, Alain Vigneault, Michel Therrien, Claude Julien, Bob Gainey et Guy Carbonneau. Qui a été le meilleur à ses yeux?

«Michel Therrien, répond-il. Il est celui qui a su soutirer le plus de moi. C'est un bon motivateur. Notre relation était directe, franche, honnête.»

Les émotions seront d'autant plus vives ce soir que l'une de ses idoles, Jean Béliveau, vient de rendre l'âme. «Il a été la première légende à s'adresser à moi après que j'ai obtenu le titre de capitaine de l'équipe. Nous avons mis en place une relation personnelle et il m'a beaucoup aidé. Nous avons vécu de beaux moments ensemble et il sera regretté.»

Saku Koivu n'a pas soulevé la Coupe Stanley à Montréal. Il n'a pas remporté le trophée Hart ou le championnat des compteurs. Mais il a toujours joué avec passion et acharnement malgré sa petite taille, et porté le flambeau bien haut dans l'une des périodes les plus difficiles de l'histoire de l'équipe, vidée de son talent en quelques années. Ses bras meurtris peuvent tendre le flambeau avec fierté.