Le Canadien a perdu, mardi, son plus grand ambassadeur. Jean Béliveau est mort. Il était âgé de 83 ans.

>>> Dans La Presse+, consultez notre dossier spécial complet sur la vie et la carrière de Jean Béliveau en textes, photos et vidéos.

>>> Quel souvenir gardez-vous de Jean Béliveau?

«Jean Béliveau était le joueur de la Ligue nationale qui avait le plus de classe», a dit Rodrigue Gilbert, un ancien porte-couleurs des Rangers de New York, à l'occasion d'une soirée-hommage en l'honneur du «Gros Bill» en mars 2007. «Quand il recevait un trophée, il s'exprimait avec une grâce spéciale. Tous les joueurs l'admiraient. Il aurait pu être premier ministre du Canada.»

Premier ministre du Canada? Peut-être pas, mais Béliveau a été l'un des meilleurs joueurs de la Ligue nationale de hockey.

Excellent passeur et bon marqueur, l'élégant joueur de centre a cumulé 507 buts et 1219 points en 1125 rencontres en saison en plus de 79 buts et 97 passes en 162 matchs éliminatoires, tous sous les couleurs du Canadien. Il a ajouté 10 conquêtes de la Coupe Stanley, une de moins que le détenteur du record, Henri Richard.

Il a agi à titre de capitaine du CH pendant 10 ans, le plus long règne dans l'histoire de l'équipe plus que centenaire, à égalité avec Saku Koivu.

Quand il a pris sa retraite, en 1971, Béliveau était le meilleur pointeur du Canadien en saison régulière et le meilleur de la LNH en séries éliminatoires. Quarante-trois ans plus tard, son nom apparaît toujours parmi les meneurs de l'équipe en attaque.

Le numéro 4 a été retiré et hissé au plafond du Forum le 4 octobre 1971.

La LNH a fait fi de la période d'attente habituelle de trois ans en accueillant Béliveau dans son Temple de la renommée en 1972.

«Je déteste affronter Béliveau, a déjà dit Pierre Pilote, petit défenseur des Blackhawks de Chicago et quatre fois membre des équipes d'étoiles de la LNH. D'une main, il me neutralise et de l'autre, il continue de manier la rondelle comme si je n'existais pas.»

Quand la Ligue senior du Québec a acquis le statut de professionnelle, le Canadien a obtenu automatiquement les droits sur Béliveau, un attaquant de 6 pi 3 po. Le Trifluvien d'origine faisait un tabac avec les As de Québec et semblait peu désireux de se joindre au CH. Après s'être fait tirer l'oreille, en 1953, il a accepté un contrat de cinq ans, une durée inégalée à l'époque.

Il a disputé ses premiers matchs dans la LNH en 1950-1951 et terminé, quelques années plus tard, au troisième rang des compteurs du circuit. Il a été sacré meilleur pointeur de la ligue en 1955-1956, s'est vu attribuer le trophée Hart, décerné au joueur par excellence, et a conclu la saison par la conquête de la Coupe Stanley, la première de cinq de suite.

Cette saison-là, plus précisément le 5 novembre 1955, Béliveau a enfilé quatre buts aux dépens de Terry Sawchuk, des Bruins de Boston. Il a réussi un tour du chapeau en 44 secondes, pendant le même avantage numérique!

La saison suivante, en réaction aux succès du Canadien en supériorité numérique, la LNH a modifié le règlement. Ainsi, une punition mineure prenait fin dès que l'équipe marquait.

Béliveau a établi un record personnel de points, 91, en 1958-1959. Nommé capitaine en 1961 - de son propre aveu le plus grand honneur de sa carrière -, il a continué à récolter  les honneurs individuels et collectifs. En 1965, il a été sacré le premier lauréat du trophée Conn-Smythe, remis au joueur par excellence des séries éliminatoires.

Il est devenu en 1968 le deuxième joueur, après Gordie Howe, à atteindre le cap des 1000 points et trois ans plus tard, le quatrième à enfiler un 500e but.

Il a été élu six fois au sein de la première équipe d'étoiles et quatre fois dans la deuxième.

Son nom a été gravé 17 fois sur la Coupe Stanley, sept comme administrateur.

L'homme qui ne disait pas non

Sa retraite de joueur annoncée, Béliveau est demeuré associé au Canadien comme vice-président et directeur des relations publiques. Il a pris sa deuxième retraite, à titre de vice-président senior aux affaires sociales, en 1993. Il a aussi prêté son nom à un aréna, à Longueuil, et à une fondation.

Béliveau a avoué avoir de la difficulté à dire non à un organisme qui sollicitait ses services. Il disait aussi répondre personnellement à toutes les lettres de fans, y accordant plusieurs heures par jour.

Par sa gentillesse et son entregent, il a gagné plusieurs partisans. Même les soeurs de Gordie Howe! «La première fois que mes soeurs l'ont vu à Saskatoon, elles m'ont dit: "Nous étions des fans des Red Wings de Detroit"», a rappelé M. Hockey lors de la soirée-hommage de mars 2007.

Béliveau a reçu diverses récompenses, dont celle d'officier de l'Ordre national du Québec et un doctorat honoris causa de l'Université Laval.

Il en a parcouru du chemin, au propre comme au figuré: né le 31 août 1931 à Trois-Rivières, l'aîné d'une famille de huit enfants a grandi à Plessisville et à Victoriaville.

Béliveau a relaté son départ de la maison familiale pour Québec, dans Ma vie bleu-blanc-rouge, un livre écrit par Chrystian Goyens et Allan Turowetz. 

«Ma mère me servit une copieuse collation et mon père me conduisit à l'aréna où l'autobus de l'équipe attendait ses passagers anxieux.

«Il neigeait énormément et le temps était morne. Mon père et moi n'avons prononcé aucun mot durant le trajet qui dura cinq minutes, mais il semblait calme et confiant. Il avait rencontré la direction des Citadelles chez lui et celle-ci lui avait fait bonne impression. Il savait que j'étais entre bonnes mains. Une fois rendus à l'aréna, il s'étira pour sortir la grosse valise de l'arrière du camion. En me donnant le sac, il me prit la main droite et la serra.

"Fais de ton mieux, Jean. Ça suffira."

Et ça a suffi pleinement à Québec et à Montréal.

Ennuis de santé

Au fil du temps, Béliveau a éprouvé des ennuis de santé: cancer de la gorge, chute de pression sanguine, deux accidents vasculaires cérébraux, anévrismes et blessure au bassin.

«Je crois que j'ai simplement reçu un message», a-t-il dit, en janvier 2009, après avoir été victime d'une chute de pression pendant qu'il assistait aux obsèques du père Paul Aquin. «Il faudra peut-être que je commence à réduire mes activités, même si je trouve bien difficile de refuser des invitations.»

«Ca n'est pas drôle de vieillir, a-t-il dit au journaliste André Rousseau, qui lui rendait visite à l'hôpital en 2014 après sa blessure au bassin. J'ai un problème d'équilibre depuis que j'ai subi mes deux AVC. Je suis tombé parce que les jambes m'ont lâché subitement.»

Sa femme Élise, leur fille Hélène, et deux petites-filles lui survivent.

Photo: Bernard Brault, La Presse

Jean Béliveau portant la flamme des Canadiens lors d'un match au Centre Bell la saison dernière.