Si Martin St-Louis a dénoté de la froideur dans le regard de David Desharnais lors de la traditionnelle poignée de main après l'élimination du Canadien le printemps dernier, il ne doit pas y voir de l'indifférence ou la frustration d'avoir perdu.

Le centre du CH attendait depuis longtemps le moment de pouvoir manifester son immense respect à cette idole de jeunesse, mais le scénario ne s'est pas déroulé comme prévu.

«Je me suis approché de lui, j'étais prêt à lui dire ce que je voulais lui dire depuis longtemps, mais il a pris les devants, il m'a dit qu'il savait que j'avais eu un début de saison difficile, qu'il me félicitait d'avoir rebondi, et il m'a dit de ne jamais lâcher. J'ai été tellement étonné, j'ai comme paniqué, figé, je n'ai pas su quoi répondre...»

St-Louis est sur le point de devenir le quatrième joueur de l'histoire à atteindre le plateau des 1000 points dans la LNH sans jamais avoir été repêché. Il ne lui en manque que deux. Seuls Dino Ciccarelli, Joe Mullen et Adam Oates ont réussi l'exploit avant lui. Mais aucun n'a remporté le trophée Hart ou un championnat des compteurs comme le Québécois l'a fait.

Malgré une carrière glorieuse dans la NCAA avec l'Université du Vermont, aucune équipe ne daigne lui faire d'offre à sa sortie des rangs collégiaux en 1997, après l'avoir boudé au repêchage les années précédentes.

Au terme d'un court essai avec les Sénateurs d'Ottawa, il se joint aux Lumberjacks de Cleveland, dans la défunte Ligue internationale. Quelques mois plus tard, les Flames de Calgary lui offrent un contrat. Il fait la navette entre la Ligue américaine et la LNH au cours des trois années suivantes, mais lorsque le DG des Flames, Al Coates, perd son emploi, son successeur Craig Button s'empresse de racheter son contrat.

Le directeur général du Lightning de Tampa Bay, Rick Dudley, aujourd'hui le bras droit de Marc Bergevin, flaire l'aubaine et lui soumet une offre.

St-Louis obtient 40 points à sa première saison à Tampa, puis 35 en seulement 53 matchs à sa deuxième, dans une saison écourtée par une fracture de la jambe. Une saison de 70 points suit, à 27 ans. Sa carrière est lancée.

Desharnais, 5'7, a suivi de près les grandes étapes de la carrière de St-Louis, 5'8.

À cette époque, le centre du Canadien joue dans les rangs Midget AAA avec les Commandeurs de Lévis. «C'était un modèle pour moi, une grande inspiration, confie Desharnais dans un vestiaire du CH désert, mercredi. En plus, il a percé à une époque où il n'y avait pas de place pour les petits joueurs dans la Ligue nationale, où l'accrochage prédominait. Il a ouvert la porte pour nous.»

Desharnais n'a jamais été repêché lui non plus malgré 374 points en 262 matchs dans les rangs juniors à Chicoutimi. L'entraîneur du Canadien, Guy Carbonneau, l'un des actionnaires des Saguenéens, suggère à l'équipe de lui donner une chance.

Ayant signé un contrat avec le CH, il dominera pendant un an dans la Ligue de la Côte Est, puis trois ans dans la Ligue américaine, avant de finalement mériter un poste permanent à Montréal.

Chaque affrontement contre St-Louis, 39 ans, demeure spécial, même s'il ne lui a jamais parlé.

«J'avais obtenu un essai avec le Lightning, mais je n'avais pas réussi à avoir une invitation pour le camp d'entraînement et la chance de le croiser. J'aurais rêvé de jouer avec lui.»

Desharnais, 28 ans, 174 points en 280 matchs dans la LNH, n'aurait jamais atteint la Ligue nationale sans une détermination à toute épreuve, dont il a tiré une partie de son inspiration du parcours de St-Louis.

«Sa plus grande force, c'est évidemment son acharnement et sa détermination, dit Desharnais. Il travaille tellement fort. Patch (Max Pacioretty) s'entraîne avec lui l'été et il me le raconte. Il est complètement brûlé après les sessions d'entraînement avec lui.»

Le Canadien n'affrontera pas les Rangers avant le 29 janvier. À moins d'une blessure majeure, St-Louis aura ses 1000 points en banque. Desharnais aura alors une bonne raison de l'aborder, s'il parvient à chasser sa timidité...