Après le poste de gardien de but, d'entraîneur en chef ou de capitaine du Canadien de Montréal, le rôle d'analyste des matchs du CH à la télé constitue probablement le job le plus périlleux du monde du hockey au Québec.

Marc Denis n'a pourtant pas hésité à accepter de relever le défi en 2011 à RDS, même si ses prédécesseurs avaient subi des mitrailles de critiques dans les années précédentes.

La question qui tue: est-il plus stressant de disputer un premier match comme gardien de la LNH quand on a constitué le premier choix de son organisation, ou bien d'analyser une rencontre du Canadien?

«J'avais 18 ans à mon premier match dans la Ligue nationale, je n'avais pas le temps de songer à l'impact que ça pouvait avoir sur toute une carrière, et puis la nervosité, on ne la connaît pas vraiment, on accomplit le même travail depuis qu'on est hauts comme trois pommes. On est juste contents d'être là.

«Alors qu'un premier match comme analyste, un poste hyper exposé dans un pays passionné de hockey, de façon parfois démesurée, une deuxième carrière et quelque chose de nouveau pour moi à l'époque, un emploi pour lequel je n'avais pas nécessairement été formé sur de longues années... Oui, j'étais beaucoup plus nerveux à mon premier match comme analyste, j'avais hâte que ça soit derrière moi, je l'avoue...»

Marc Denis a vite atteint des standards qui l'ont mis à l'abri des critiques. Aucun compte Facebook n'a été ouvert pour dénigrer son travail et son grand professionnalisme lui vaut des éloges.

Benoit Brunet a été sévèrement critiqué pour la qualité de son français. Marc Denis, 37 ans, y a prêté un soin quasi obsessif.

«J'y ai travaillé très fort. Au point qu'au début, j'étais trop robotique. On ne veut tellement pas faire de fautes de français qu'on y perd en émotion, en rythme et en intonation.»

Une fin abrupte

Choix de première ronde de l'Avalanche du Colorado en juin 1995, quelques mois à peine avant l'arrivée de Patrick Roy à Denver, après la crise au Forum avec Mario Tremblay, Marc Denis a disputé plus de 300 matchs avec Denver, Columbus, Tampa et Montréal.

Sa carrière a pris fin prématurément alors qu'il avait 32 ans et aucune offre de contrat garanti.

«Je me souviendrai toujours de cet épisode très tôt dans ma carrière, dans le vestiaire de l'Avalanche. Je regardais à la télévision une conférence de presse d'un footballeur à la retraite avec le vétéran Dave Reid, aujourd'hui analyste à la télé lui aussi. Dave m'avait dit: "La plupart d'entre nous n'auront pas besoin de faire une conférence de presse à notre retraite, le sport nous tasse par lui-même." C'est ce qui m'est arrivé à moi aussi...»

Marc Denis dit ne pas avoir gardé d'amertume envers le milieu, même s'il aurait voulu prolonger sa carrière.

«J'ai vu beaucoup d'amis vivre des moments difficiles et même subir des dépressions après leur carrière. J'ai été chanceux, le téléphone a sonné rapidement, j'ai vite été en paix avec le fait de ne plus jouer.»

Son travail met aussi un baume sur le fait de ne pas avoir connu la carrière glorieuse que certains lui prédisaient.

«J'ai peut-être connu une carrière moyenne eu égard aux attentes. J'ai tout de même disputé 350 matchs dans la LNH, remporté la Coupe Calder et deux médailles d'or au Championnat junior mondial. Quand ça n'allait pas bien à Tampa, j'avais l'impression que c'était la fin du monde parce que je laissais tomber tout le monde. Avec le recul, je réalise qu'on est citoyen, père et mari bien plus longtemps qu'on est hockeyeur. Il y a moyen de laisser sa marque même si son chandail ne sera jamais accroché au plafond d'un amphithéâtre de la LNH.»

Laisser sa marque

Rigoureux, méthodique, Marc Denis entend laisser sa marque à la télé, mais sans efforts, point de salut.

«La quantité de notes de recherche qu'on accumule en comparaison de ce qu'on livre en ondes, je ne crois pas que ça dépasse 10%. Le jour où tu es à l'aise avec ça, tu ne peux pas rater ton coup. On n'est jamais trop préparé. Ce qui aide aussi, c'est que dans chaque amphithéâtre où je me présente - et je me fais un devoir de me présenter aux entraînements matinaux -, dans chaque vestiaire, derrière chaque banc, il y a quelqu'un avec qui j'ai joué ou qui m'a entraîné.»

Marc Denis, qui dit s'inspirer de Ray Ferraro et Pierre Vercheval, recherche constamment l'équilibre entre le côté humain et technique.

«Raconter le match, mais aussi des histoires. On l'a bien fait dans le cas de Jaden Schwartz des Blues et sa tragédie familiale. Mais je crois qu'on n'a pas assez insisté sur la grande complicité entre Malkin et Gonchar lors du dernier match contre Pittsburgh. Je ne suis pas heureux de mon travail quand la valeur ajoutée n'est pas assez présente.»

Marc Denis vit l'une des belles périodes de sa vie.

«J'aurais voulu poursuivre ma carrière selon mes propres termes. Mais j'ai tout donné pour avoir la meilleure carrière possible et rien ne peut battre ce sentiment. Comme rien ne bat ma vie en ce moment.»

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Photo archives AP

Marc Denis avec l'Avalanche du Colorado en 2000.

Marc Denis en bref

> Film préféré: Gladiator

> Livre favori: Tuesdays with Morrie, de Mitch Albom

> Personnalité marquante: Maurice Tanguay, inspirant avec les fondations qu'il a mises sur pied

> Un autre métier: Psychologue sportif

> Citation favorite: «Le corps est le plus grand menteur.»