Rien ne sert de courir, il faut partir à point, dit l'adage.

Antoine Roussel, le jeune agitateur franco-québécois de 24 ans des Stars de Dallas, incarne bien cette citation de Jean de La Fontaine.

Juin 2008, repêchage de la LNH à Ottawa. Roussel et trois de ses coéquipiers des Saguenéens de Chicoutimi attendent fébrilement dans les gradins de la Place Banque Scotia qu'on les invite à monter sur l'estrade de l'une des 30 équipes de la LNH.

Nicolas Deschamps, la star du club, et son entourage sont encore déçus qu'il ait été ignoré en première ronde la veille. Il n'attendra pas longtemps. Il est le cinquième de la journée à se lever, repêché au 35e rang par les Ducks d'Anaheim.

Joel Champagne est choisi en cinquième ronde par les Maple Leafs de Toronto, au 129e rang, Jacob Lagacé, cinq rangs plus tard par les Sabres de Buffalo. Les derniers espoirs de Roussel s'évanouissent lorsque Jesper Samuelsson est repêché au 211e et dernier rang par les Red Wings de Detroit.

Le coeur gros, Antoine Roussel rentre sur Montréal avec ses parents et sa soeur. Il est le seul des huit joueurs de l'écurie dirigée par l'agent Christian Daigle à avoir fait chou blanc.

De Providence à Dallas

Six ans ont passé. Deschamps joue en Allemagne après avoir changé d'organisation trois fois et disputé trois matchs dans la LNH avec les Capitals de Washington. Lagacé est en Suède après quelques hivers dans la Ligue de la Côte Est. Champagne est en Angleterre après quelques saisons dans la Ligue de la Côte Est lui aussi.

Après deux bonnes saisons à Dallas, Antoine Roussel, lui, a signé cet été un contrat de quatre ans pour 8 millions et constitue aujourd'hui un élément important chez les Stars. Il a amassé 10 points en 18 matchs cette saison.

«Au moins, j'avais reçu une invitation pour le camp des recrues des Blue Jackets de Columbus, raconte ce sympathique attaquant. Mais ça ne s'était pas très bien passé. J'étais très nerveux, ma compréhension du jeu n'était pas encore au point et on m'avait vite retranché.»

À 20 ans, après sa dernière année à Chicoutimi, le capitaine des Saguenéens est à la croisée des chemins. «Je me préparais à jouer pour les Redmen de McGill. J'étais dans l'équipe, j'avais ma bourse. Mon entraîneur Richard Martel m'a rappelé que je n'aurais jamais une autre chance de réussir dans le hockey professionnel, alors que l'école, je pourrais y retourner plus tard. Je ne pourrai jamais assez le remercier...»

Roussel signe finalement un contrat à deux volets avec l'organisation des Bruins, un pour la Ligue américaine, l'autre... pour la Ligue de la Côte Est. «C'était un contrat avec Providence, le club-école des Bruins. Je ne m'attendais même pas à obtenir un poste dans la Ligue américaine au début.»

Il passera l'hiver dans la Ligue américaine. Et le suivant aussi, à Chicago. Il se fait remarquer au printemps 2012 par l'organisation des Stars de Dallas lors du Championnat mondial auquel il participe avec la France.

La leçon de Willie Desjardins

L'entraîneur de la filiale des Stars, Willie Desjardins, aujourd'hui l'entraîneur en chef des Canucks de Vancouver, lui donne la confiance nécessaire pour lancer sa carrière. «Il m'a dit que j'étais beaucoup plus qu'un compteur de cinq buts par saison. C'est ce que j'avais besoin d'entendre. Je n'ai passé que cinq ou six mois avec lui, mais ç'a été très bénéfique pour ma carrière. Je ne suis pas surpris par les succès des Canucks aujourd'hui.»

Après 43 matchs, il était rappelé à Dallas par le DG de l'époque, Joe Nieuwendyk, et il n'allait plus jamais connaître la vie des rangs professionnels mineurs en 2012. Son style fougueux fait parler de lui aux quatre coins de la LNH.

«Rien ne me prédestinait à la Ligue nationale de hockey, dit-il. J'avais 15 ans lorsque nous avons quitté la France pour nous établir au Québec afin d'ouvrir un hôtel bed and breakfast à Tremblant. J'avais un bon niveau, mais je n'étais pas aussi en forme que je le croyais lors de mon premier camp Midget AAA. J'ai été retranché du AAA, du Midget Espoir et je ne croyais même pas réussir à jouer dans la Midget AA.»

Il réussira à obtenir une place dans le Midget AAA l'année suivante et ensuite un essai à Chicoutimi, après avoir été ignoré, là encore, au repêchage de la Ligue de hockey junior majeur du Québec. Un parcours qui rappelle celui d'Alexandre Burrows, des Canucks de Vancouver, jamais repêché lui non plus, et dont le style ressemble à celui de Roussel.

«On s'entraîne ensemble l'été à Boisbriand, c'est un bon ami et une inspiration pour moi, dit Roussel. Il continue de me donner des trucs qui m'aident beaucoup, même en saison.»

Roussel, l'un des rares Français à atteindre la LNH avec Philippe Bozon et Stéphane Da Costa, espère contribuer à l'essor du hockey en France. «Je donne une ou deux entrevues par semaine aux médias français. J'ai toujours voulu aider le hockey à se développer là-bas. Mais je demeure à Boisbriand (sur la couronne nord de Montréal) l'été et ma blonde est québécoise. Je me sens autant québécois que français. J'essaie de répartir un peu, mais mes racines québécoises sont profondes.

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Antoine Roussel en bref

Personnalité marquante: Roger Federer, la classe incarnée

Film favori: Intouchables

Livre favori: La biographie d'Andre Agassi

Métier autre que hockeyeur: J'aurais étudié en finance à l'Université McGill et oeuvré dans ce domaine.

Citation favorite: Pense come un capitaine, joue comme un pirate.