L'année dernière, le match d'ouverture entre le Canadien et les Maple Leafs de Toronto avait été le théâtre d'un spectacle lugubre: George Parros, étendu face contre glace, mis K.-O. par Colton Orr. La scène avait relancé le débat sur la violence dans la LNH.

Un an plus tard, les deux mêmes équipes entament ce soir leur saison. Sauf que cette fois, elles n'ont plus d'homme fort dans leur alignement. Le Canadien a laissé partir George Parros l'été dernier après une année plus que décevante et n'a pas cherché à le remplacer. Les Leafs ont quant à eux annoncé lundi qu'ils retranchaient Colton Orr et un autre bagarreur, Frazer McLaren.

Pour leur part, les Flyers de Philadelphie vont commencer la saison sans goon pour la première fois depuis le début des années 70.

L'annonce hier par les Bruins de Boston, qui remplacent les poings de Shawn Thornton par ceux de Bobby Robins, ne change rien à la tendance. Dans les dernières années, le nombre de bagarres est en chute libre dans la Ligue, tout comme le métier d'homme fort, qui n'a plus la cote.

En 2003-2004 dans la Ligue nationale de hockey, 45 joueurs ont livré 10 combats et plus dans leur saison. La saison dernière, ils n'étaient plus que 22.

Le rôle d'homme fort est en déclin.

Il n'existe pas de définition exacte de ce qu'est un «homme fort», un «policier» ou un «goon». Mais pour le bien de l'exercice, La Presse a calculé le nombre de joueurs comptant plus de 10 combats mais moins de 10 points dans leur saison. Habituellement, de tels hockeyeurs ont pour mission première de se battre. Ils sont des goons, ou pas très loin...

Ces joueurs étaient au nombre de 33 en 2003-2004, de 15 en 2008-2009 et de 14 la saison dernière.

L'agent de George Parros est à même de le constater: c'est un sale temps pour les goons. «George n'a pas été invité à un camp, mais il s'entraîne toujours dans l'optique de continuer sa carrière, explique George Bazos lors d'un entretien téléphonique. Mais c'est certain qu'on sent que le marché n'est pas bon pour les joueurs de son type. Je ne sais pas si c'est une tendance qui est là pour durer, mais c'est certainement celle qui prévaut à l'heure actuelle.

«On ne sait jamais: il suffit d'une blessure ou d'un match musclé pour qu'une équipe se réveille et se dise qu'elle a besoin de George Parros, dit-il. On verra.»

Le mystère de l'Est

Il y a quelque chose de surréaliste à entendre Ron Hextall, directeur général des Flyers, vanter les mérites d'une équipe sans homme fort. «Il n'y a pas eu beaucoup de combats en présaison. Il n'y a jamais de combats dans les séries. Et entre les deux, il y en a de moins en moins, explique Hextall, qui dardait, fauchait et happait à qui mieux mieux du temps de sa violente carrière. S'il faut s'ajuster, alors on va s'ajuster.»

Avec la montée en flèche des statistiques avancées dans la LNH, jamais l'apport des joueurs n'a été autant disséqué et analysé. De moins en moins d'équipes ont une place à offrir à un joueur certes capable d'assommer un adversaire et peut-être même d'imposer le respect, mais incapable de patiner correctement, de marquer ou d'assumer des responsabilités défensives.

Le vrai goon, le goon traditionnel, est en voie de disparition. La mode est aux hybrides dans le moule de Brandon Prust (11 combats la saison dernière) ou d'Antoine Roussel (10 combats et 29 points avec les Stars de Dallas).

«On doit adopter une mentalité de meute où, même sans Colton Orr ou Frazer McLaren, on va se tenir ensemble, a expliqué le directeur général des Maple Leafs de Toronto, Dave Nonis. Lorsqu'on regarde autour de la Ligue, ça devient la norme.»

Les bagarres sont en baisse constante dans la LNH depuis des années. Mais elles existent encore. Et en attendant leur hypothétique disparition, de plus en plus d'équipes choisissent de se départir de leur homme fort et de miser davantage sur des joueurs d'énergie, pas seulement capables de jeter les gants.

L'année dernière, les Maple Leafs (48 combats), les Flyers (45 combats) et le Canadien (41 combats) ont été parmi les cinq équipes avec le plus de combats dans la Ligue. Or, les trois formations de l'Association de l'Est ont choisi de se départir de leur homme fort.

Il peut sembler bizarre de voir les équipes qui se battent le plus dans la Ligue délaisser le modèle du goon. Mais ça ne l'est peut-être pas tant que ça: c'est seulement que les hommes forts disparaissaient plus vite que les bagarres.

- Avec La Presse Canadienne et NBC