Stéphane Quintal n'a pas été parachuté dans l'un des postes les plus prestigieux au hockey par hasard. Sa promotion est le fruit d'années de préparation. Portrait d'un homme curieux, vif et déterminé.

Même à 26 ans, à ses premiers pas avec le Canadien de Montréal, en 1995, Stéphane Quintal disait préparer sa vie après sa retraite de hockeyeur.

Les médias ont vite découvert un homme dont la dimension transcendait le rôle de défenseur fiable et de protecteur. Du haut de ses 6'3 et 230 lb, il pouvait se frotter avec violence à un Bob Probert pour faire respecter la paix sur la glace, mais on pouvait aussi discuter avec lui de théâtre, de vins, de finance... et même de mode! Sa curiosité naturelle, son intelligence et sa façon de s'exprimer en ont vite fait l'un des interlocuteurs les plus prisés dans le vestiaire.

À l'époque, les questions sur ses talents pugilistiques l'agaçaient. Il était beaucoup plus qu'un bagarreur, disait-il, il jetait les gants par obligation, pour défendre ses coéquipiers, et non par soif de violence.

L'influence de Serge Savard

Son idole était Serge Savard, non seulement parce que celui-ci avait été l'un des grands défenseurs de l'histoire du Canadien, et du hockey, mais aussi par ce qu'il avait accompli après sa carrière. Ironiquement, c'est Savard qui avait réussi à l'arracher des Jets de Winnipeg en retour d'un choix de deuxième ronde, après plusieurs tentatives infructueuses. Stéphane Quintal avait trouvé son modèle à suivre.

«Je l'ai toujours admiré pour l'ensemble de son oeuvre, confie le nouveau vice-président à la sécurité des joueurs de la LNH. Après sa grande carrière de défenseur, il est devenu directeur général du Canadien et il a su parallèlement se bâtir un empire dans l'immobilier. J'aimais sa prestance, son tempérament. Il ne parlait pas beaucoup, mais quand il le faisait, tout le monde écoutait. Il pouvait être intimidant. Je l'ai toujours appelé monsieur Savard. Lors de la première négociation de notre contrat, il m'a suggéré de le laisser seul avec mon agent pour ne pas que j'entende des choses qui pourraient m'affecter. J'avais trouvé ça super respectueux de sa part. Je l'ai croisé dernièrement et il m'a dit de l'appeler Serge. Je ne suis pas sûr que j'en serais capable...»

L'ancien défenseur de la Ligue nationale n'a pas accédé à l'un des postes les plus prestigieux du hockey par hasard. Il était le représentant des joueurs chez les Jets de Winnipeg et à son arrivée à Montréal, il a offert ses services à son nouveau coéquipier Jean-Jacques Daigneault chez le Canadien.

«Je ne crois pas que mon implication puisse me nuire auprès de mes patrons, au contraire, les dirigeants respectent les joueurs qui s'impliquent dans l'aspect business et qui peuvent ainsi découvrir les deux côtés de la médaille», disait-il déjà en 1995.

Deux ans plus tard, il suggérait au successeur de Serge Savard (congédié dès le cinquième match de Quintal dans l'uniforme du CH en octobre 1995), Réjean Houle, d'envoyer des joueurs de l'équipe dans des camps en Europe pour découvrir de nouvelles techniques d'entraînement et cultures. Il avait participé à l'aventure avec le Sparta Prague, en République tchèque, avec le fils de Houle, Jean-François, alors un espoir de l'organisation.

«J'ai toujours été curieux, j'ai beaucoup voyagé, j'aime vivre des expériences nouvelles, dit-il. Et j'ai toujours préparé en parallèle ma seconde carrière.»

En 2009, muni de son CV, il avait rencontré le numéro 3 de la Ligue, John Collins, pour une rencontre préparatoire dans les bureaux de la LNH. Gary Bettman passait par là et l'avait invité à prendre un café à son bureau par la suite. Stéphane Quintal était alors associé à de multiples projets depuis sa retraite du hockey en 2005. Il était entre autres actionnaire dans une firme de production télé et de gérance d'artistes, B-612, organisateur de la classique des célébrités de l'Omnium de golf de Montréal à titre de VP de Synchro Golf, copropriétaire du centre de conditionnement physique du Complexe sportif de Brossard, le Mansfield Rive-Sud et également professeur d'éducation physique à l'émission Star Académie.

Un appel de Shanahan

Quand son ancien coéquipier et ami Brendan Shanahan obtient le poste de vice-président à la sécurité des joueurs en 2011, il le convainc de se joindre à sa nouvelle équipe. Quintal n'allait pas rater pareille occasion. Trois ans plus tard, Shanahan est désormais président des Maple Leafs de Toronto, et Quintal a obtenu son poste. «J'ai mis mes actions en fiducie et je suis revenu à ma première passion», dit-il.

Quintal a la conviction que ses opinions ont de la valeur dans les bureaux de la LNH et qu'il peut faire bouger les choses. «Ils ne m'auraient jamais confié le poste s'ils ne m'écoutaient pas. J'ai eu beaucoup de discussions avec Gary Bettman et Bill Daly à propos de notre vision du hockey dans quelques années. Je me charge de la discipline sur la glace, mais je touche aussi à tout et je participe à une foule de meetings. Il y a des DG qui ont énormément d'expérience et qui sont des hommes de hockey formidables. Quand tu as le privilège de discuter avec Lou Lamoriello ou Ken Holland, tu en sors enrichi.»

Les commotions cérébrales demeurent le grand sujet de préoccupation à l'heure actuelle. Stéphane Quintal s'y attaque sur deux fronts. «Il y a d'abord l'éducation. Brendan a adopté cette approche il y a trois ans et on voit une immense différence. Dans la plupart des cas de suspension, les joueurs ne cherchent pas à blesser l'adversaire. Mais ils ont adopté une approche dangereuse au porteur de la rondelle. Les coups dangereux surviennent souvent en première période et sont l'oeuvre de joueurs dont le rôle est d'amener de la fougue et de l'énergie. Des joueurs de troisième ou quatrième trio. Ils nous disent qu'ils ne joueront pas s'ils ne font pas de telles mises en échec. Ce n'est pas vraiment un argument. Je comprends leur rôle, mais il faut leur montrer d'autres façons avec lesquelles ils peuvent se démarquer.»

Il y a aussi l'équipement, qui pourrait être réduit dès la prochaine saison. «On travaille étroitement avec Mathieu Schneider de l'Association des joueurs. Il y a longtemps qu'on en parle. Le joueur doit être conscient que s'il rate sa mise en échec, il peut se faire mal en frappant la bande. À l'heure actuelle, les joueurs portent des armures et ne ralentissent pas avant de frapper. Même s'ils ratent le joueur, ils ne se feront pas mal.»

Avec le recul, on constate que le repêchage de 1987 aura été riche sur plus d'un plan. Brendan Shanahan, repêché au deuxième rang, a disputé 1524 matchs dans la LNH et occupe le poste de président des Maple Leafs de Toronto. Au 15e rang, les Nordiques de Québec reluquaient Stéphane Quintal. Les Bruins de Boston l'ont choisi un rang plus tôt. Ils ont dû se rabattre sur un gringalet de Swift Curren, un certain... Joe Sakic. Celui-ci est maintenant directeur général de l'Avalanche du Colorado. Comme Shanahan, Quintal a disputé plus de 1000 matchs dans la Ligue nationale. Il n'a pas connu la carrière des deux autres, mais il n'a pas à rougir non plus quand on regarde le chemin qu'il a parcouru.

En bref

> Une personnalité marquante: Raymond Bourque. «Il a été mon premier mentor à Boston.»

> Un livre fétiche: Da Vinci Code

> Meilleur film: Shawshank Redemption

> S'il avait pratiqué un autre métier: Probablement au sein de la SWAT, au sein de l'escouade tactique.

> Dicton favori: «Le sport ne forge pas le caractère, il le révèle.»

- Haywood Brown