Derrière le propriétaire du Canadien de Montréal, il y a aussi l'être humain, le père, le coach. Quand il quitte le Centre Bell après une journée de travail bien remplie, Geoff Molson se dirige régulièrement vers un autre aréna, celui où évoluera l'un de ses trois fils dans le hockey mineur. Portrait d'un homme passionné par le hockey.

Il n'est pas rare, pour un partisan du Canadien, de croiser Geoff Molson dans un aréna de quartier à Montréal. Les chances de lui serrer la pince y sont probablement plus grandes qu'à sa sortie du Centre Bell!

Le propriétaire du CH parvient à suivre avec assiduité le parcours de ses trois fils dans le hockey mineur, malgré son horaire chargé.

«Je planifie mes réunions en fonction des matchs de mes enfants, j'accepte rarement un meeting à 17h...», confie-t-il à La Presse en souriant.

Voilà quelques années que je le croisais dans les arénas. Geoff Molson a toujours été un entraîneur discret et humble, et, quand il a cessé d'oeuvrer derrière le banc de son équipe il y a un an, un père de famille tranquille, mais affable avec tous ceux qui venaient le saluer.

Son plus jeune, Tom, a battu mes équipes dans des circonstances dramatiques lors des quelques rencontres de niveau novice.

«Le plus jeune commence sa première année atome, probablement BB, le deuxième a réussi à mériter un poste dans le pee-wee AA - il a été le dernier retranché du AAA - et le plus vieux joue dans le bantam BB, il a renoncé au AA pour faire du sport à l'école.»

À quelques jours du tournoi de golf du Canadien, où il fera son premier point de presse officiel de la saison, Geoff Molson préférera s'en tenir à son rôle de père et d'entraîneur de hockey mineur que de commenter le dernier contrat de P.K. Subban. Un mal pour un bien. Geoff Molson demeure une source intarissable quand vient le temps de parler de ce sport imprimé dans son ADN et celui de ses ancêtres...

«J'ai rêvé moi aussi, comme la plupart de mes amis, de jouer dans la Ligue nationale de hockey, dit-il. Mais je savais, au fond, que ce n'était qu'un rêve. J'ai réussi à jouer jusqu'au niveau collégial américain, à l'Université de St. Lawrence, où j'ai été septième ou huitième défenseur de l'équipe pendant quatre ans [rires], mais quand même.»

Geoff Molson, dont le vaste bureau au septième étage du Centre Bell est orné de reliques de l'équipe, de photos d'anciennes gloires du CH et de ses fils en action, n'a pas eu à pousser ses garçons dans le hockey organisé.

«Ils adorent jouer au hockey, comme j'ai adoré jouer. Ça fait partie de nos vies, la bière et le hockey...», mentionne celui dont la brasserie ou la famille a détenu le Canadien de Montréal de 1957 à 1971, de 1978 à 2001, puis de 2009 à aujourd'hui.

L'état du hockey mineur

Le propriétaire remarque néanmoins que le hockey mineur a beaucoup changé depuis son époque. «C'est beaucoup plus "organisé". Il y a beaucoup plus de pression très jeune, les essais sont intenses, des entraîneurs prennent des notes dans les estrades, je ne voyais pas ça étant jeune, c'était plus relaxe.»

Geoff Molson a des opinions bien arrêtées sur le monde du hockey mineur au Québec. Mais il se garde d'en faire le procès sur la place publique.

«Je demeure en communication avec Hockey Québec. C'est une institution très importante. Je peux faire avancer les choses de façon beaucoup plus constructive en cultivant une bonne relation avec eux et en m'adressant directement à eux. Quand j'ai la chance de partager mes opinions, je le fais de la bonne façon aux bonnes personnes.»

Geoff Molson évoquera toutefois son désir de voir cette «culture de réussite à tout prix» s'estomper au fil des ans.

«L'emphase est trop mise sur la réussite et pas assez sur le plaisir. Je suis convaincu que Hockey Québec aussi serait d'accord là-dessus. On en oublie trop souvent le développement sportif et moral de l'enfant. Tout change quand la réussite devient une priorité: les parents changent, deviennent plus exigeants, l'enfant est plus stressé, la dynamique n'est plus la même. Mes parents ne m'ont jamais mis de pression et je n'en impose pas à mes enfants. Une certaine dose de pression est bonne, mais il faut trouver un équilibre et chercher des moyens de ne pas prendre le hockey trop au sérieux.»

Cet homme d'affaires est bien placé pour savoir qu'il y a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus dans la jungle du hockey professionnel.

«On ne peut empêcher un enfant de rêver. Néanmoins, la Ligue nationale de hockey compte seulement 700 joueurs. Notre camp des recrues vient de s'ouvrir. Nous en avons invité une quarantaine. À peine une poignée réussira à percer. Ils sont pourtant parmi les meilleurs espoirs au monde. Il faut être réaliste aussi; appuyer l'enfant, mais ne pas oublier l'importance de la famille et de l'éducation car les chances d'atteindre la LNH sont minces. Il faut être prêt à NE PAS atteindre la Ligue nationale.»

Quel genre de père et d'entraîneur est-il? «Je demeure toujours positif. Je me contente de leur dire de s'amuser et de travailler fort, avant et après les matchs. Je ne leur soulignerai jamais une mauvaise performance.

«Je suis très calme dans les estrades, silencieux, un peu comme lors des matchs du Canadien... je ne danse pas après les victoires! [rires]»

Le hockey et le sport en général demeurent une extraordinaire école de vie, estime notre homme. «Le sport contribue énormément au développement de l'individu. Il a contribué à mon développement personnel. J'ai appris la rigueur, le travail d'équipe, l'importance de distinguer au plan individuel aussi pour le bien de l'équipe, le leadership, comprendre le rôle qu'on peut avoir au sein d'un groupe, le respect aussi. Il faut apprendre à perdre avec dignité, mais gagner avec dignité aussi.»

Une Académie? Peu probable

L'Impact de Montréal s'implique directement dans le développement des jeunes joueurs de soccer de la province avec son Académie. Le Canadien songe-t-il un jour à l'imiter?

«On jongle avec l'idée à l'occasion, répond Geoff Molson. Nous organisons tout de même plusieurs camps de perfectionnement, pour les adultes, même. Ce serait intéressant d'en faire plus, mais ce n'est pas encore défini.»

Mais l'idée de créer une académie demeure hautement improbable. «Je doute que ça arrive. Au soccer, les clubs professionnels conservent les droits sur les jeunes qu'ils développent. Dans notre domaine, le repêchage demeure trop important. Les Ducks, les Sabres, les Penguins envoient néanmoins des clubs d'élite constitués de jeunes à certains tournois de hockey mineur.»

Pour l'instant, le CH préfère mettre ses énergies ailleurs. «Nous allons bientôt inaugurer notre sixième patinoire réfrigérée, à Longueuil. Nous voulons en ouvrir une nouvelle chaque année. Ça encourage les jeunes qui n'ont pas la chance de jouer. Nos patinoires extérieures ont été ouvertes de novembre à mars l'hiver dernier, un record. Peu à peu, nous aurons une quinzaine d'arénas dans le réseau. Voilà qui contribuera au développement du hockey au Québec.»