En 2009, le Canadien faisait de Louis Leblanc son premier choix, le 18e du repêchage. Un peu moins de cinq ans plus tard, Leblanc était échangé aux Ducks d'Anaheim, en retour d'un choix conditionnel. Que s'est-il passé? La Presse a tenté de comprendre.

Ce jour-là au Centre Bell, il faisait chaud, et la foule était à la recherche de son prochain héros. Il le fallait : le Canadien de 2008-2009 avait conclu sa saison avec une sortie rapide contre Boston au premier tour, et au sein de cet alignement combien décevant, on ne retrouvait aucun joueur francophone d'impact.

Bref, il fallait un nouveau sauveur. Un gars d'ici, de préférence.

C'est dans cette ambiance survoltée que les décideurs du Canadien ont grimpé sur la scène pour annoncer le nom de leur premier choix: Louis Leblanc. Un jeune un peu frêle, qui avait passé la saison précédente avec les Lancers d'Omaha, et qui allait passer la suivante sur les bancs de la prestigieuse Harvard.

«On a eu le joueur qu'on désirait, le meilleur disponible à nos yeux», confie alors Bob Gainey, qui était le directeur général du Canadien.

Sous le toit du Centre Bell, la foule se met à crier «Louis! Louis! Louis!», et ce jour-là en tout cas, cela ne semble plus faire aucun doute: une étoile est née.

«J'ai des frissons, je ne peux être plus heureux, déclare alors le jeune homme aux membres des médias. C'est un rêve qui devient réalité...»

Le Canadien, qui n'a pas de choix de deuxième tour cette année-là, se frotte les mains de satisfaction. Dans le camp montréalais, on croit avoir fait le bon choix, le choix qui s'imposait.

«Je crois que nous avons fait une excellente sélection, il va s'améliorer et devenir plus fort», ajoute Bob Gainey.

Les semaines qui suivent et les mois qui suivent semblent donner raison aux penseurs du Canadien. Après une année au hockey universitaire, Louis Leblanc choisit d'aller patiner dans les rangs juniors, avec le Junior de Montréal. Pascal Vincent, alors entraîneur du Junior, va même jusqu'à comparer Leblanc à l'attaquant Mike Richards, qui vient à peine de connaître des saisons de 75 et 80 points dans l'uniforme des Flyers de Philadelphie.

On finira par voir Leblanc avec le maillot du Canadien la saison suivante, en 2011-2012, quand il récoltera 10 points en 42 rencontres à ses premiers coups de patin dans la Ligue nationale.

Puis, plus rien.

La chute

Il y a eu une blessure à une cheville. Il y a eu des chiffres décevants chez les Bulldogs de Hamilton. Et il y a eu ce commentaire du directeur général Marc Bergevin en janvier 2013, qui venait tout résumer: «Louis n'est pas encore là où on le voudrait.»

À peine quatre ans après sa sélection, plus personne ne comparait Louis Leblanc à Mike Richards. Une saison de 18 points en 62 rencontres (2012-2013) chez les Bulldogs aura permis de clore cette discussion, et Leblanc ne remettra plus le maillot du Canadien qu'à huit autres reprises, la saison dernière. Il ne récoltera aucun point lors de cette audition ultime.

Aujourd'hui, les «Louis! Louis! Louis!» du repêchage de 2009 ne sont plus qu'un vague souvenir. Mais Pierre Boivin, le président du Canadien il y a cinq ans, estime que le club avait fait le bon choix.

«Les gens en place à ce moment-là ont cru qu'il s'agissait d'un joueur de premier plan, explique M. Boivin. Ça ne s'est pas avéré. Ça arrive.»

Aujourd'hui président et chef de la direction chez Claridge inc, Pierre Boivin estime que le Canadien n'a pas cédé sous la pression populaire en choisissant un patineur francophone en 2009. Le choix aurait été le même si le repêchage avait été présenté à Columbus ou à Nashville, selon lui.

«De croire que j'ai eu un mot à dire (dans la sélection de Louis Leblanc), ça fait partie des fables, ajoute Pierre Boivin. Il n'y avait pas de commande spéciale, c'était le joueur que l'équipe voulait. On vit dans une réalité francophone, c'est normal et voulu d'avoir ce respect et cette connexion-là. On n'a pas toujours accès aux joueurs francophones, et on peut se tromper. Claude Giroux, on l'a manqué, il n'y a pas d'excuses! Mais le repêchage, ce n'est pas une science exacte.»

Louis Leblanc va maintenant tenter de se relancer dans une autre ville, dans un autre coin de pays, là où les attentes ne seront certes pas les mêmes. Là où il n'aura plus cette pression de jouer comme un choix de premier tour. «Son développement a cessé chez le Canadien et il s'est fait dépasser par plusieurs autres jeunes au sein de l'organisation», a résumé un dirigeant de la LNH, qui a tenu à garder l'anonymat pour ne pas nuire à ses relations avec le club montréalais.

Est-ce que Louis Leblanc en est à sa dernière chance? C'est possible. Au moins, ses choix sont désormais simplifiés: ou bien il devient un jour un joueur de la LNH... ou bien il devient la réponse à une éventuelle question de quiz télévisé.

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Photo Bernard Brault, archives La Presse

Le Canadien a fait de Louis Leblanc son premier choix au repêchage de 2009.

Ces premiers choix du Canadien qui ont mal tourné

David Fischer, défenseur, 2006

Un joueur en manque d'intensité, qui n'aura jamais donné un coup de patin dans la LNH. Il a passé la dernière saison en Allemagne.

Kyle Chipchura, attaquant, 2004

Il n'est jamais devenu le joueur que le Canadien espérait, mais au moins, il est devenu un joueur de la LNH, qui a réussi 20 points en 80 matchs la saison dernière avec les Coyotes.

Andrei Kostitsyn, attaquant, 2003

L'énigmatique Andrei aura joué pendant six saisons avec le Canadien. C'est déjà ça. Il a passé les deux dernières saisons en KHL.

Éric Chouinard, attaquant, 1998

On connaît très bien son histoire. Que dire de plus? Chouinard n'a joué que le temps de 13 matchs avec le Canadien, mais il a quand même connu une longue carrière, lui qui jouait en Europe jusqu'à tout récemment.

Terry Ryan, attaquant, 1995

Un grand total de huit matchs chez le Canadien pour ce huitième choix au repêchage de 1995. Il vient d'écrire un livre que l'on dit très divertissant, Tales of a First Round Nothing.