Les bagarres se comptent sur les doigts des deux mains en séries éliminatoires de la LNH ce printemps.

On en a recensé huit lors de la première ronde mais, surtout, aucune par la suite.

Un contraste saisissant avec l'année précédente, où il y en avait eu 30, 7 de moins que lors des séries éliminatoires de 2012.

«Les équipes ont désormais besoin de quatre bons trios rapides en séries, constate l'ancien capitaine du Canadien Vincent Damphousse. Prenez Dale Weise et Michaël Bournival à Montréal. Ils patinent, ils dérangent. Le hockey s'en va vers ça.»

Si on analyse les tendances à plus long terme, on remarque qu'il y avait eu 32 combats lors de la saison précédant le lock-out, et 39 bagarres il y a 20 ans.

«Au début de ma carrière, à Toronto en 1986, les équipes avaient le droit de garder 28 joueurs dans leur formation. Chacune avec deux ou trois «toughs» qu'ils pouvaient faire jouer contre des clubs robustes. Mais avec une limite de 23 joueurs désormais, la marge de manoeuvre est plus mince, les joueurs doivent pouvoir suivre le rythme.»

De ces huit combats ce printemps, six ont été enregistrés dans l'Association de l'Ouest, dont quatre dans la même série entre les Kings de Los Angeles et les Sharks de San Jose.

Six des sept matchs entre les Kings et les Sharks se sont d'ailleurs terminés par une marge de trois buts ou plus.

«La plupart des bagarres surviennent quand le match est hors de portée, dit Damphousse. On passe des messages, on protège des joueurs. Mais sinon, les joueurs sont prudents. Le discours des entraîneurs change, ils demandent de la discipline. Les gars ne veulent pas écoper de pénalités inutiles. Ils se regardent, mais souvent ne vont pas plus loin.»

Si, à l'époque, les durs à cuire avaient encore un rôle à jouer dans les séries éliminatoires, ce sont les Logan Couture, Mike Richards, Shawn Horcoff, Brent Burns, Corey Perry et Justin Williams, entre autres, qui ont jeté les gants ce printemps. Bref, des joueurs de talent.

Brandon Prust et Radko Gudas, du Lighting, sont les seuls pugilistes de métier qui en sont venus aux coups en première ronde. Et encore, Prust jouait sur un deuxième trio !

Il ne semble plus y avoir de place en séries en 2014 pour les Todd Fedoruk, Cam Janssen, Chris Dingman et compagnie, qui noircissaient la feuille de pointage pour ce qui est des pénalités majeures il y a six ou sept ans.

D'ailleurs, le Canadien n'a pas fait jouer George Parros jusqu'ici, pas plus que les Flyers n'ont utilisé leur policier Jay Rosehill en première ronde.

Shawn Thornton a joué pour les Bruins, mais il s'est contenté de sept minutes par rencontre sur le quatrième trio et il ne s'est pas battu. Idem pour Ryan Reaves qui a joué sept minutes à St. Louis.

Les bagarreurs les plus notoires, Chris Neil, Colton Orr, Eric Boulton, Frazer McLaren, Matt Carkner, Matt Martin, Zenon Konopka et Brian McGrattan, jouaient tous pour des clubs non qualifiés.

«Parros ne peut plus suivre, dit Damphousse. Même en santé, il n'est pas assez rapide pour le hockey d'aujourd'hui.»

Les combats sur patins étaient déjà en baisse en saison «régulière». Le collègue Gabriel Béland a d'ailleurs écrit, il y a quelques semaines, que le nombre de bagarres avait baissé de 40 % dans la LNH par rapport à il y a 10 ans.

L'ancien policier des Sénateurs d'Ottawa, du Lightning de Tampa Bay et des Penguins de Pittsburgh André Roy soupire en prenant connaissance des statistiques.

«Je pense que je ne suis pas né à la bonne époque, dit-il. J'aurais aimé jouer aujourd'hui, exploiter d'autres facettes de mon jeu.»

Roy a obtenu 54 points en autant de rencontres à sa dernière saison dans les rangs juniors. Il a compté 17 buts en seulement 50 matchs à sa première année dans la Ligue américaine, à Providence.

«J'étais capable de jouer, mais j'ai voulu prouver que je n'avais pas peur et que je pouvais me battre souvent pour accéder plus vite à la Ligue nationale. J'en suis venu à me concentrer strictement sur les bagarres et sur l'adversaire avec qui j'allais me battre plutôt que de me préparer à jouer au hockey. Il y avait au moins cinq gars par équipe capables de se battre à l'époque. Je rêvais pourtant de marquer des buts, pas de me battre. Mes idoles étaient Wendel Clark, Rick Tocchet, Cam Neely. Je me suis placé dans une situation où j'étais strictement considéré comme un bagarreur qui jouait quelques minutes par match.»

Les défenseurs des bagarres affirment que celles-ci contribuent à diminuer le nombre de coups vicieux, à protéger les joueurs de talent et à faire changer l'élan d'un match.

Pourtant, elles sont désormais absentes des grands rendez-vous tels les Jeux olympiques et les séries ce printemps, ce qui n'empêche pas les vedettes de s'exprimer.

«Les bagarres sont en train de s'éliminer par elles-mêmes, poursuit Damphousse. J'ai toujours été en faveur de leur abolition, mais la Ligue ne voulait pas bouger. Or, le hockey d'aujourd'hui est axé sur la vitesse et je crois que c'est un phénomène irréversible. Je ne vois pas une hausse soudaine de 25 % dans les prochaines années. Sans oublier le fait que la majorité des joueurs portent désormais la visière. Ils ne souhaitent pas se battre et frapper la visière de l'autre plutôt que son visage...»