Matt Fraser est arrivé au TD Garden, hier, avec l'air du gars qui s'était couché tard la veille. Pour les bonnes raisons. «Disons que je n'ai pas eu beaucoup de sommeil», a-t-il dit en s'excusant un peu de son état.

Fraser avait une bonne raison d'avoir l'air de ce qu'il avait l'air. Jeudi soir au Centre Bell, c'est lui qui a tranché en prolongation, avec un immense but victorieux qui a permis aux Bruins de faire 2-2 dans leur série contre le Canadien.

Le cinquième match a lieu ce soir, au TD Garden, et Fraser, 23 ans, sera assurément dans la ligne de mire des joueurs montréalais, qui n'étaient peut-être même pas au courant de son existence avant jeudi soir.

On ne saurait les blâmer. Fraser lui-même était assez surpris de se retrouver sur la glace du Centre Bell il y a deux jours. La veille, il était simplement un membre du club-école des Bruins à Providence, simplement un gars qui attendait son tour comme tant d'autres.

C'est là que le coup de fil est arrivé.

«Les Bruins m'ont appelé et m'ont dit de sauter dans le prochain avion pour Montréal, a-t-il raconté hier. Je n'allais pas être le gars qui se plaint de ce genre de chose...»

Fraser a non seulement pris part à un premier match à vie dans les séries de la LNH, mais en plus réussi ce but qui est déjà célèbre. La rondelle va aller directement à la maison familiale, en Alberta. L'attaquant espère qu'il y en aura d'autres. «Parce que je ne veux pas être qu'un succès d'un soir», a-t-il tenu à préciser.

Boston, ville de légendes

L'histoire de Matt Fraser est celle dont rêvent tous les jeunes hockeyeurs, surtout les plus obscurs. Jamais repêché, l'attaquant a réussi à dénicher un contrat avec les Stars de Dallas en 2010. Les Stars lui ont fait jouer un match en 2011-2012, puis 12 autres la saison suivante avant de l'échanger aux Bruins dans le cadre de la désormais célèbre transaction impliquant Tyler Seguin.

«J'étais en train de jouer au golf ce jour-là, et c'est ma soeur qui m'a appelé pour m'en parler, de raconter le jeune homme. Je lui ai dit de me foutre la paix et j'ai continué ma ronde de golf, mais j'ai fini par voir que j'avais raté environ 20 appels quelques trous plus tard...

«Je suis resté calme à la suite de cette nouvelle. Pour moi, arriver à Boston, ça voulait dire aussi aller jouer dans la ville des Red Sox, des Patriots, des Celtics. On sent vraiment qu'il y a une culture de la victoire qui s'est installée par ici.»

Modeste contribution

Une culture de la victoire à laquelle il ne s'attendait certes pas à contribuer aussi vite. Mais voilà, c'est fait. Matt Fraser s'est permis le but gagnant en prolongation au Centre Bell jeudi soir, et à Boston, une ville qui carbure aux gagnants mais aussi aux légendes, son nom est désormais associé à tous ceux qui ont réussi un coup d'éclat sportif.

À tous ceux qui ont fait vibrer la ville à l'aide d'un gros but, d'un coup de circuit important ou d'un touché in extremis. Fraser est seulement le troisième joueur de l'histoire des Bruins à réussir un but en prolongation à son premier match en séries.

«Je voulais seulement être un gars qui contribue un peu... Je me suis retrouvé à la bonne place, et contre Carey Price, un gardien qui est gros et dominant, il faut savoir profiter de la moindre occasion.»

À la blague, l'entraîneur Claude Julien a confirmé que Matt Fraser allait jouer ce soir. Pour un type qui vient à peine d'être rappelé, qui ne savait même pas s'il allait être employé de toute façon jeudi soir, cette confiance est énorme. Matt Fraser, rappelons-le, n'avait participé qu'à 14 rencontres chez les Bruins cette saison.

Pour cet ancien fan de l'Avalanche du Colorado, qui idolâtrait jadis Joe Sakic, le gros but de jeudi soir pourrait ouvrir plusieurs portes.

«C'est bien d'être reconnu et de se retrouver sous les réflecteurs, a-t-il souligné. Marquer un but comme celui-là, ça donne toujours beaucoup de confiance. Mais ce n'est qu'un but. Il faut savoir avancer, parce que demain est un autre jour...»