Règle générale, les amateurs du Canadien le détestent. Ils en font parfois des cauchemars. Brad Marchand, la peste des Bruins de Boston, qui a le don d'enflammer les matchs, est l'un des joueurs les plus détestés de la Ligue. À Montréal, il l'est un peu plus.

Si vous demandiez à un partisan du Canadien où il a perfectionné son jeu, il vous répondra certainement: «en enfer». Combien savent qu'en fait, Brad Marchand a passé ses années juniors dans la LHJMQ? Qu'il a même joué au Québec, et que l'agitateur a laissé dans la province d'excellents souvenirs à ceux qui l'ont côtoyé?

Prenez Josée Falvo, par exemple. La mère de famille de Val-d'Or a hébergé Marchand pendant un an et demi lorsqu'il jouait pour les Foreurs. Lorsqu'on lui demande de ressasser ses souvenirs des années 2006 et 2007, elle ne tarit pas d'éloges.

«C'est un garçon respectueux, aimable, bon avec les enfants et chaleureux. Très généreux aussi, explique Mme Falvo, qui a encore des contacts avec l'attaquant des Bruins. Lui et ma fille, qui avait 10 ans à l'époque, se faisaient des batailles d'oreillers! Il y avait toujours des jeunes autour de son auto après les matchs et il prenait toujours le temps de leur parler, de leur donner un bâton.»

Elle raconte que Marchand pouvait passer des soirées entières à jouer aux cartes avec la famille. «On s'est déjà couchés à 2h du matin. Il aime les jeux de société. C'est un gars sociable, qui aime ça avoir du monde autour», dit-elle.

Le passage de Brad Marchand au Québec aurait pu ne jamais se produire. Le natif d'Halifax a commencé sa carrière junior avec les Wildcats de Moncton.

«Je me rappelle de lui comme si je l'avais coaché hier! C'était un jeune homme tellement, tellement compétitif», lâche Ted Nolan au bout du fil. L'entraîneur des Sabres de Buffalo était à la barre des Wildcats en 2005. Il explique que déjà, à 17 ans, le petit attaquant avait du pif pour le brasse-camarade.

«Il avait déjà ce petit côté agitateur. C'est naturel chez lui. Il a toujours su comment faire enrager ses adversaires, se souvient Nolan. Les joueurs des équipes adverses détestent Brad Marchand. Mais ce seraient les premiers à le vouloir dans leur équipe. D'être détesté, pour lui, c'est un compliment. Il va se faire huer à Montréal. Ça ne lui fera pas un pli.»

La peur du français

Nolan adorait Marchand. Mais cette année-là, Moncton accueillait la Coupe Memorial. Les Wildcats ont donc échangé Marchand dans le but de s'améliorer. Le défenseur Luc Bourdon - mort tragiquement dans un accident de moto en 2008 - a donc pris le chemin de Moncton. Brad Marchand est parti en Abitibi.

Au début, cet anglophone unilingue ne voulait rien savoir de partir pour Val-d'Or. Durant l'été 2006, il a même dit qu'il était prêt à aller jouer en Europe plutôt que de partir au nord du parc de La Vérendrye. Il réclamait une transaction. Le jeune défenseur Kristopher Letang a dû l'appeler pour le rassurer.

«Il avait entendu des rumeurs sur le milieu. Il se demandait s'il allait pouvoir être bien dans un milieu francophone comme Val-d'Or, explique Sylvie Falvo. Mais vite, il s'est placé les pieds. Dès le début, il a aimé ça ici.»

Tout de suite, Marchand s'est plu dans sa famille d'accueil. L'équipe lui a trouvé des tuteurs pour qu'il puisse poursuivre ses études en anglais. Il a même pris goût à l'Abitibi. «Il adorait le steak d'orignal», note Mme Falvo. Les choses se sont aussi vite placées sur la glace.

«La première chose qui me vient à l'esprit quand il est question de Brad, c'est que c'est tout un compétiteur, lance son entraîneur d'alors, Éric Lavigne. C'est l'un des gars que j'ai entraînés dans ma carrière qui est le plus gamer. C'est-à-dire que dans les matchs importants, quand il fallait un gros but, un jeu important, il était tout le temps là quand ça arrivait.»

L'allumette

Éric Lavigne se souvient plus particulièrement d'un match durant les séries de 2007. Les Foreurs perdaient 3 matchs à 1 contre Cap-Breton. C'était la prolongation. La petite équipe de Val-d'Or était à un but d'être éliminée, lorsqu'un joueur a enfilé le but gagnant. C'était Brad Marchand. Ensuite, les Foreurs ont remonté la pente et remporté la série.

«La foule était tellement contre lui à Cap-Breton. Il y avait eu une avalanche de bouteilles d'eau lancées en sa direction quand il avait marqué, raconte Lavigne. Je me souviens de sa face, de son sourire. Il avait donc du fun dans ce contexte-là! Je le revois sortir de la patinoire après le match; il s'amusait à éviter les bouteilles d'eau...»

«Il était un joueur-clé de l'équipe avec Kristopher Letang. Brad, c'était notre allumette, rappelle Lavigne. Il était efficace à l'attaque. Ç'a été un gros morceau pour les Foreurs.»

Puis Marchand est parti terminer sa carrière junior avec les Mooseheads d'Halifax. L'attaquant de 5'9 a forcé la porte des Bruins de Boston; une équipe a toujours besoin d'une allumette.

Marchand s'est bâti une réputation peu enviable au fil des ans dans la Ligue. Mais c'est certainement à Montréal qu'il suscite le plus de huées. L'animosité s'est peut-être installée en 2010 quand P.K. Subban lui a asséné une mise en échec dévastatrice. Les deux joueurs se sont toujours cherché noise depuis.

Chose certaine, Marchand aura au moins deux admirateurs au Centre Bell pour ces séries. Josée Falvo et son mari vont assister à l'un des matchs la semaine prochaine. La foule aura beau huer Marchand tant qu'elle le veut, la famille de Val-d'Or ne va pas broncher.

«Quand je le vois sur la glace, je ne vois pas le joueur. Je vois le garçon qu'on a hébergé, dit Josée Falvo. Ça me rappelle de bons souvenirs.»