L'histoire de Thomas Vanek a commencé deux ans avant sa naissance. En 1982, plus précisément, quand ses parents ont fui le régime communiste en Tchécoslovaquie pour aller s'établir en Autriche.

L'histoire de Vanek en est une d'ouverture sur le monde et le parcours d'un homme qui n'a jamais craint de faire les choses autrement.

«Ils ont rempli l'auto et ont tout laissé derrière, raconte l'ailier du Canadien. La frontière était fermée à l'époque et ils ont dû se rendre à sept ou huit postes frontaliers avant qu'un homme se sente suffisamment mal à l'aise pour les laisser passer. Et c'est ainsi qu'ils ont pu entreprendre une nouvelle vie pour mon grand frère et pour eux-mêmes.»

Épris de liberté, à la poursuite de leur rêve, les Vanek ont été conséquents, des années plus tard, en laissant leur fils de 14 ans partir seul pour l'Amérique du Nord afin de parfaire son développement de joueur de hockey.

«Mes parents ont toujours été ouverts d'esprit. Ils savaient que c'était ce que je voulais faire. J'ai été chanceux car ils m'ont dit: «Tente ta chance et si ça ne fonctionne pas, nous serons là quand tu reviendras.»»

Dans un pays qui n'en a que pour le soccer et le ski, l'influence paternelle l'amenait ailleurs. Zdenek Vanek a fait germer sa passion du hockey en le trimballant dans les arénas, d'abord vers la fin de sa carrière de joueur, puis comme entraîneur.

On lui a mis des patins aux pieds à l'âge de 3 ans et bien vite, le petit Thomas, des cartes de Jaromir Jagr plein les poches, allait se révéler trop fort pour les autres gamins autrichiens.

Heureux exil

«C'est ma première participation au tournoi pee-wee de Québec en 1997 qui m'a vraiment ouvert les yeux», confie Vanek, qui a épaté le Colisée de Québec avec ses 21 buts en 14 matchs étalés sur 2 présences au tournoi.

À 14 ans, l'ado qui avait les yeux rivés sur une carrière dans la LNH a compris qu'il ne pouvait rester plus longtemps à la maison.

«À cet âge-là, si l'on veut vraiment s'engager, il faut se mettre au défi. Or, aucun programme en Autriche ne permet de le faire.»

Par l'entremise d'un ami de la famille, Vanek s'est trouvé une équipe à Lacombe, un bled situé à mi-chemin entre Calgary et Edmonton. Il fallait le vouloir.

«Je n'avais jamais pris l'avion tout seul. Entre Francfort et Calgary, je me suis retrouvé à l'aéroport de Heathrow, à Londres, où une personne qui était censée m'accompagner ne s'est jamais pointée. Je ne parlais pas l'anglais et j'ai dû trouver mon chemin tout seul.

«Cette expérience-là m'a fait vieillir sur-le-champ!»

Vite adopté, vite adapté

Vanek est débarqué dans sa famille d'accueil avec armes et bagages... et son casque Jofa à la Teemu Selanne. Craignant qu'on ne se moque de lui à tout jamais, son père adoptif l'a averti de ne jamais l'utiliser. Thomas détonnait suffisamment comme ça.

«J'ai toujours été un gars sociable qui aime faire des blagues, et le plus difficile dans les premiers mois a été de ne pas pouvoir m'exprimer. Heureusement, le hockey n'exigeait pas beaucoup de communication, c'était mon évasion.»

À un âge où les adolescents recherchent l'approbation et la grégarité, le nouvel attaquant du Tricolore aurait très bien pu être isolé tellement il ressortait du lot. Mais non.

«Je ne me suis jamais senti jugé, ni à l'école ni dans mes équipes», dit-il.

La transition s'est si bien déroulée que lorsqu'il a mis les pieds à Sioux Falls, dans le Dakota-du-Sud, l'année suivante, ses entraîneurs ont constaté que tout le travail d'intégration avait déjà été fait. Sur la glace comme en dehors.

«À 15 ans, il était le plus jeune joueur de notre équipe, mais ses aptitudes naturelles en zone offensive étaient déjà très visibles», se souvient Tony Gasparini qui l'a dirigé chez le Stampede.

En trois ans dans la USHL, le principal circuit junior américain, Vanek a récolté 80 buts et 153 points en 108 matchs. Et il l'a fait au sein d'une équipe d'expansion qui, dix ans plus tard, n'a pas encore effacé ses records d'équipe.

«À ma dernière saison à Sioux Falls, différentes universités m'ont contacté pour me recruter. J'avais 17 ans et c'est à ce moment-là que j'ai compris que j'allais être repêché. Mais ce n'est qu'au cours de ma première saison à l'Université du Minnesota que j'ai vu la possibilité d'être sélectionné en première ronde.»

Une première chez les Gophers

Aucun Européen avant Vanek n'avait porté les couleurs des Gophers de l'Université du Minnesota. «J'imagine que j'aime faire les choses différemment!», lance-t-il.

C'est qu'entre 1987 et 2000, aucun membre des Gophers n'était issu de l'extérieur des États-Unis, ni même de l'État du Minnesota. Or, l'université a dû élargir ses horizons au début des années 2000 en voyant à quel point la LNH faisait une saignée dans sa formation.

Les Gophers ne l'ont pas regretté.

Après avoir terminé au premier rang des marqueurs de l'équipe à son année recrue, Vanek a propulsé l'Université du Minnesota vers un titre national en étant élu joueur par excellence du Frozen Four en 2003.

Et où ce célèbre tournoi universitaire se déroulait-il cette année-là?

À Buffalo.

Le DG des Sabres Darcy Regier était aux premières loges pour assister aux exploits d'un joueur qu'il convoitait depuis quelque temps. Son attaque avait grand besoin de vitamines, et Thomas Vanek était la solution toute désignée.

Regier l'a réclamé au cinquième rang lors du célèbre repêchage de 2003 - l'année des Fleury, Staal, Suter, Phaneuf, Carter, Parise, Getzlaf, Kesler, Perry et Bergeron.

Vanek est retourné à l'Université du Minnesota la saison suivante avant de faire le saut chez les pros durant le lock-out de 2004-2005. Un an dans la Ligue américaine, sous les bons auspices de Randy Cunneyworth, et le jeune Autrichien était mûr pour la grande scène.

Espoirs inachevés à Buffalo

Au retour du lock-out de 2004-2005, Vanek a passé huit saisons chez les Sabres. Il semble ressortir de ces années à Buffalo un sentiment d'inachevé, tant sur le plan individuel que collectif.

«De m'être rendu en finale d'association à mes deux premières saisons représente à la fois mes meilleurs et mes pires moments là-bas, confie-t-il. Nous avions l'équipe pour tout gagner mais nous ne l'avons pas fait.»

Par la suite, Vanek a vu les Sabres se défaire de plusieurs bons éléments qui n'ont jamais été remplacés. Daniel Brière est l'un d'eux.

«À Buffalo, Thomas avait moins de temps de glace et n'était pas le joueur-clé qu'il est devenu, se souvient le Québécois. On voyait tous qu'il était surdoué et talentueux, et ce n'était qu'une question de temps avant qu'il soit dans une situation où il pourrait faire la différence. Mais jusqu'à ce que ça se produise, on ne pouvait pas savoir comment ça allait tourner. Il y a des joueurs qui sont incapables d'éclore lorsqu'ils sont en position de changer le cours d'un match.

«Or, je vois aujourd'hui un joueur beaucoup plus mature qui a trouvé tous ses repères.»

Vanek lui-même a failli quitter Buffalo à la suite de Brière et Chris Drury. À l'été 2007, les Oilers d'Edmonton ont cogné à sa porte pour lui présenter une offre hostile. La bagatelle de 50 millions pour 7 ans que l'Autrichien s'est empressé d'accepter.

Darcy Regier n'a eu d'autre choix que d'égaler l'offre.

«Si c'était à refaire, j'agirais de la même façon, insiste Vanek. Les Sabres ne m'avaient pas parlé une seule fois avant que l'offre n'arrive.»

Vanek ne croit pas que ce nouveau contrat ait créé de la pression supplémentaire. Il faut dire que la pression venant de Lindy Ruff était déjà forte. L'entraîneur-chef était déterminé à exploiter le talent de l'as marqueur dans tous ses recoins.

«Notre relation s'est améliorée au fil des ans, indique toutefois Vanek. C'est l'un des meilleurs entraîneurs que j'aie connus en matière de stratégie, de préparation et de discours dans le vestiaire. Avec les années, il a fini par savoir quel joueur j'étais. Il a cessé d'être sur mon dos et m'a laissé être le joueur que je suis.»

La vitrine de Montréal

L'été dernier, Vanek a pris la décision de tester le marché des joueurs autonomes. Il semble que rien ne l'en fera déroger. Du moins, c'est la conclusion à laquelle sont arrivés les Sabres, puis les Islanders de New York qui l'ont acquis fin octobre.

Voilà pourquoi il en est à son troisième arrêt cette saison. Sauf que l'athlète de 30 ans a maintenant à Montréal une vitrine sans précédent pour augmenter sa valeur et démontrer qu'il peut faire la différence en séries.

«C'est un joueur qui peut changer l'allure du match et qui n'a besoin que d'une chance pour le faire, a décrit Marc Bergevin lors d'une entrevue à TSN Radio. Il y a des soirs où on ne le verra pas, mais il va finir la soirée avec le but gagnant et une mention d'aide.»

Vanek a amorcé son rêve de hockeyeur comme un grand voyageur, prêt à payer le prix de la solitude afin de poursuivre sa route. En ce sens, il a retrouvé ses racines cette saison en bougeant beaucoup et en passant l'hiver loin de sa famille.

«Ma famille est restée à Buffalo parce que mon fils aîné va à l'école là-bas, explique-t-il. C'est plus facile pour moi étant donné que je n'ai que moi de qui me soucier. C'est plus difficile pour mon épouse qui s'occupe seule des trois garçons.

«Heureusement que Skype existe, car c'est étrange de me retrouver seul dans ma chambre d'hôtel alors que je suis habitué de jouer au mini-hockey, à genoux dans le corridor, dès que je reviens à la maison...»