Jarmo Kekalainen aurait pu s'accrocher à Marian Gaborik.

L'acquisition de la vedette slovaque à la date limite des transactions, en 2013, constituait après tout sa première transaction majeure à titre de directeur général des Blue Jackets de Columbus.

Kekalainen avait donné deux bons jeunes pour l'obtenir, Derick Brassard et John Moore. Et il aurait été tentant de garder un marqueur de cette trempe pour la fin de la saison, puisque les Jackets, les prochains adversaires du Canadien ce soir au Centre Bell, ont de très bonnes chances de se qualifier pour les séries éliminatoires.

Malgré le fait qu'il soit le premier DG européen de l'histoire et que ses décisions soient scrutées à la loupe, Kekalainen a eu la confiance et l'humilité nécessaires pour se débarrasser d'un attaquant désintéressé moins d'un an après son coup d'éclat, lors de la date limite des transactions, au début du mois de mars.

«Je suis fier de l'identité que nous véhiculons depuis un an, celle d'une jeune équipe coriace qui n'abandonne jamais, un groupe de cols bleus, et Gaborik ne correspondait pas à ce profil. J'en prends la responsabilité, lance Kekalainen au bout du fil. Ce n'était pas un bon mariage, ni pour lui ni pour nous. Quand j'ai su que nous n'allions pas être en mesure de le mettre sous contrat, j'ai agi (Gaborik a été échangé en retour de Matt Frattin et de choix de deuxième et troisième rondes).»

L'avion des Blue Jackets s'apprêtait à décoller lorsque cet homme de hockey finlandais a répondu à La Presse. Son équipe s'amène à Montréal avec une fiche de 35-27-6 et occupe l'une des deux dernières places qui donnent accès aux séries.

Avenir prometteur

Malgré ses succès cet hiver, le club demeure très jeune et annonce de grandes promesses pour les années futures. Deux membres du premier trio, Boone Jenner et Ryan Johansen, ont respectivement 20 et 21 ans. Nathan Horton est le plus vieil attaquant dans les deux premiers trios - il a 28 ans.

En défense, le plus vieux, Fedor Tyutin, a 30 ans. Jack Johnson a 26 ans, Dalton Prout, 23, David Savard, 22, Nikita Nikitin, 27, et Ryan Murray, 19. Le gardien Sergei Bobrovsky a 24 ans.

Johansen, quatrième choix au total en 2010, est le meilleur compteur du club avec 51 points, dont 26 buts, en 68 matchs.

«Vous n'avez encore rien vu dans son cas, le potentiel est immense, confie Kekalainen. Il a été retranché de la formation en séries éliminatoires de la Ligue américaine le printemps dernier, et ç'a été une bonne leçon pour lui. Nous avons eu une bonne discussion et il s'est entraîné plus fort cet été. Boone Jenner a mérité un poste avec notre équipe parce qu'il a gagné ses galons, pas parce que nous lui avons ouvert la porte. Ryan Murray a joué du gros hockey pour nous, malgré ses 19 ans, avant sa blessure. Heureusement, il reviendra au jeu bientôt.»

Même si les Blue Jackets ont longtemps constitué un modèle de médiocrité et raté les séries 11 fois à leurs 12 premières années d'existence, le prédécesseur de Kekalainen, Scott Howson, lui a laissé un bon noyau.

C'est Howson qui a acquis le gardien Bobrovsky des Flyers, en retour de deux choix de deuxième ronde. Ses recruteurs ont repêché Johansen et Jenner, de même que Murray. Jack Johnson, James Wisniewski, Brandon Dubinksy et plusieurs autres ont aussi été obtenus sous son règne.

Mais il semblait manquer aux Blue Jackets une passion, une cohésion. «J'aime les équipes rapides qui ont du caractère, dit Kekalainen. Tu peux posséder tout le talent du monde, si l'âme et le coeur n'y sont pas, tu n'iras pas loin...»

Avec trois choix de première ronde l'an dernier, que Kekalainen a résisté à échanger, plusieurs bons jeunes se grefferont au club au cours des prochaines années. C'est le cas entre autres du jeune centre suédois Alexander Wennberg qui, à 19 ans seulement, a déjà 16 buts dans la Ligue d'élite de Suède. Kerby Reichel est un autre solide espoir.

Difficile de ne pas tracer de parallèle entre les Blues de St. Louis et les Blue Jackets.

Kekalainen a été nommé à titre de directeur du recrutement des Blues alors que l'équipe pataugeait dans la cave du classement. Notre homme leur a déniché des perles comme David Backes, T.J. Oshie, Roman Polak, Ben Bishop (malheureusement échangé), Patrik Berglund, David Perron, Alex Pietrangelo, Jaden Schwartz et Vladimir Tarasenko.

Quand le président des Blues, John Davidson, a accepté un poste semblable à Columbus, il n'a pas hésité à nommer Kekalainen au poste de DG.

«Il y a beaucoup de similitudes entre les Blues et les Blue Jackets, surtout sur le plan de la philosophie, admet Kekalainen. Je suis très fier du développement individuel des joueurs que j'ai repêchés. Mais ce sont des ennemis aujourd'hui...»

Les moteurs de l'avion grondent, Kekalainen boucle sa ceinture. Il doit raccrocher. Dans quelques heures, il atterrira à Montréal.

Une dernière question avant de partir: un printemps en séries éliminatoires contre le Canadien, M. Kekalainen?

«Ça pourrait en effet être très, très intéressant...», répond-il.