Lorsque Kristopher Letang s'est effondré devant la porte de sa salle de bains, le 29 janvier dernier, il ne pensait pas que sa saison venait vraisemblablement de prendre fin.

Et il ne se doutait pas qu'il allait craindre pour sa carrière dans les jours suivants.

Il a juste reconnu une vieille sensation.

«Ça m'a fait penser au test de l'oreille interne qu'on doit passer à la suite d'une commotion cérébrale, a raconté hier le défenseur des Penguins de Pittsburgh. Ils mettent de l'eau chaude dans ton oreille, puis de l'eau froide, et la réaction te déséquilibre complètement. La pièce tourne comme si tu étais dans un manège à La Ronde et que tu avais trop bu la veille.

«C'est exactement le feeling que j'ai eu. J'ai complètement planté.»

Gisant sur le plancher, Letang était mal en point. Sa fiancée Catherine est tout de suite venue à son secours et sa belle-mère, qui est infirmière, l'a aidé à retourner au lit.

«Sur le coup, elle pensait que j'avais fait un choc vagal, que j'avais manqué de sang au cerveau et qu'il fallait me soulever les jambes. Je ne me sentais vraiment pas bien...»

Letang s'apprêtait ce matin-là à partir pour Los Angeles en compagnie de sa mère, invitée à un voyage spécial organisé par les Penguins. Ce malaise n'allait pas ruiner l'aventure.

À peine une demi-heure plus tard, il se retrouvait derrière le volant - sa mère, effrayée, à ses côtés - et conduisait frénétiquement vers l'aéroport.

Il n'avait encore aucune idée de ce qui venait de lui arriver.

«Le docteur m'a demandé de m'asseoir...»

Après une longue envolée vers la Californie et une première nuit sur le décalage horaire, Letang était au Staples Center le lendemain matin, patins aux pieds. On ne sait trop par quel miracle de persuasion il a pu se retrouver sur la glace pour l'entraînement matinal des Penguins, à quelques heures d'un affrontement face aux Kings. Mais le bon sens a finalement prévalu.

«Le docteur s'est mis à se douter de quelque chose et il m'a dit que je ne jouerais pas, raconte Letang. Le lendemain matin (une fois l'équipe rendue à Phoenix), on s'est rendu à l'hôpital et c'est là qu'ils ont découvert ce qui s'était produit.

«Le docteur m'a demandé de m'asseoir, ce qui n'est jamais bon signe. Quand il m'a annoncé que j'avais fait un stroke, je n'ai pas réagi. Je n'étais pas familier avec le terme anglais. J'ai appelé ma fiancée et je lui ai demandé ce que ça signifiait. Elle s'est mise à pleurer en me l'expliquant.»

Letang venait de faire un accident vasculaire cérébral (AVC) à l'âge de 26 ans. Le genre d'incident improbable qui venait s'ajouter à une litanie de mauvaises nouvelles qui ponctuaient déjà sa saison.

Un trou au coeur

Des tests d'imagerie par résonance magnétique ont permis de déterminer l'endroit précis du cerveau où l'AVC avait fait des ravages.

«Il y a un dommage permanent au niveau de mon ballant et de ma capacité de motion, explique Letang. C'est la raison pour laquelle j'ai encore des symptômes qui s'apparentent à une commotion cérébrale. Je dois entraîner mon cerveau à compenser pour les facultés qui ont été perdues. Car il ne peut pas se régénérer. Cette partie-là est morte.»

Mais ce n'est pas tout.

En cherchant ce qui avait pu causer cet AVC, les médecins ont découvert que le défenseur québécois avait un trou au coeur. Cette malformation congénitale touche, semble-t-il, beaucoup plus de gens qu'on ne le pense. Et comme c'était le cas pour Letang jusqu'à ce récent épisode, la grande majorité des gens vivent sans jamais s'en rendre compte.

«Le trou au coeur n'est pas quelque chose d'alarmant en soi, assure-t-il. Il pourrait être lié à l'AVC, mais ce n'en est pas nécessairement la cause.»

À ce jour, d'autres hypothèses sont encore à l'étude.

«J'ai été opéré au coude plus tôt cette saison, et les médecins doivent voir s'il n'y a pas un caillot de sang qui est resté dans mon système et qui aurait mené à l'accident.»

Le Québécois va continuer de prendre des médicaments pour éclaircir le sang pendant encore trois semaines. Une autre batterie de tests pourrait ensuite permettre d'apporter des réponses à ces hypothèses.

«On n'a pas encore parlé d'un possible retour au jeu cette saison ou l'an prochain, précise le défenseur-vedette. J'y vais vraiment au jour le jour.»

Aucun danger

Un diagnostic de la sorte ouvre la porte à toutes sortes de spéculations et de questionnements intérieurs. Et si sa vie était en danger?

«J'ai surtout peur de ne pas revenir comme avant, admet Letang. Or, les docteurs m'ont assuré que j'ai de bonnes chances que tout revienne parce que j'ai 26 ans.»

Les accidents vasculaires cérébraux sont plus fréquents chez les personnes âgées. On dit que 20% des deuxièmes AVC sont mortels. Or, Letang est jeune et dans une forme physique exemplaire. Toutes les chances sont de son côté.

Letang est père d'un garçon de 15 mois appelé Alexander. Il est clair que l'ordre des priorités a changé et que les considérations familiales devront dicter ses choix.

«Pour le moment, Catherine voit plus la vie du père de son fils que la carrière du hockeyeur», convient-il.

Mais Letang admet du même souffle que le hockey reste sa passion. Si rien ne passe avant la famille, il a quand même besoin du hockey pour bien se sentir.

Et c'est la raison pour laquelle il fixe le regard sur son retour au jeu. Il s'est remis à côtoyer ses coéquipiers au CONSOL Energy Center et a recommencé à s'entraîner légèrement.

«Je suis un gars de défis et de caractère, ce n'est pas ça qui va m'arrêter. Je suis sûr à 100% que je vais jouer à nouveau. Malgré ce qui est arrivé, je garde toujours le cap sur le fait de gagner à nouveau la Coupe Stanley et de continuer de jouer pour les Penguins.

«J'adore ma famille. C'est sûr que je prendrais d'autres décisions s'il y avait un danger de revenir au jeu, mais les médecins m'ont assuré qu'il n'y en avait pas.»

C'est déjà ça de pris.

Mais pour ce qui est du chemin à parcourir d'ici à un retour au jeu, Kristopher Letang en ignore encore la longueur.