Ils sont 30 à travers le monde à occuper cet emploi de rêve pour tout expert en hockey: directeur général d'une équipe de la LNH. Certains ont l'oeil sur la Coupe Stanley, d'autres, sur une participation aux séries, mais ils gèrent tous des dizaines de millions de dollars et parcourent les arénas du monde entier à la recherche du prochain Sidney Crosby. Incursion dans la confrérie des DG avec Ken Holland (Detroit), Peter Chiarelli (Boston), Jim Nill (Dallas) et Jarmo Kekäläinen (Columbus).

Qui sont-ils?

KEN HOLLAND

> DG des Red Wings de Detroit depuis 1997.

> Il a gagné 3 Coupes Stanley comme DG des Red Wings.

> 58 ans, né en Colombie-Britannique.

> Il a joué quatre matchs dans la LNH comme gardien de but.

> Après sa retraite, il est devenu dépisteur pour les Red Wings.

* * *

Photo Rebecca Cook, Reuters

PETER CHIARELLI

> DG des Bruins de Boston depuis 2006.

> Il a gagné une Coupe Stanley comme DG des Bruins.

> 49 ans, né à Ottawa, en Ontario.

> Il a été capitaine de l'équipe de hockey de l'Université Harvard.

> Il a travaillé comme avocat puis comme agent avant de se joindre aux Sénateurs d'Ottawa.

* * *

Photo Elise Amendola, AP

JIM NILL

> DG des Stars de Dallas depuis avril 2013.

> 55 ans, né en Alberta.

> Il a joué de 1981 à 1990 dans la LNH comme attaquant.

> Après sa retraite, il est devenu dépisteur et a longtemps été DG adjoint à Detroit.

* * *

Photo Tony Gutierrez, AP

JARMO KEKÄLÄINEN

> DG des Blue Jackets de Columbus depuis février 2013.

> 47 ans, né en Finlande.

> Il a joué 55 matchs dans la LNH comme attaquant.

> Après sa retraite, il a géré des équipes en Finlande et a été dépisteur pour des équipes de la LNH.

> Premier directeur général européen d'une équipe de la LNH.

Photo Kimmo Mäntyla, AP

Philosophie de gestion

Q: Quelle est votre philosophie de gestion, sur la glace comme pour votre organisation?

Ken Holland: Vous voulez mettre tous vos joueurs-clés sous contrat à un salaire qui sera juste à la fois pour eux et pour l'équipe, et vous tentez ensuite de les entourer le mieux possible. Il n'y a pas de manuel pour être un bon DG. Je réunis mon équipe, nous accumulons de l'information, nous analysons nos options et nos prenons des décisions. Nous examinons les probabilités. Comme nous évaluons des personnes qui ont des émotions, qui peuvent gagner en confiance ou la perdre, c'est impossible d'avoir raison 100% du temps. Au final, nous prenons des décisions basées sur notre instinct, notre expérience et nos informations. Il faut seulement espérer que nos mauvaises décisions seront mineures.

Peter Chiarelli: Je crois beaucoup dans le fait d'octroyer des contrats à long terme à des joueurs dont nous aimons le caractère et qui sont le coeur de notre équipe. Mais vous ne pouvez pas non plus avoir trop de ce type de joueurs, car vous devez respecter le plafond salarial. Au sein de l'organisation, il faut aussi avoir des gens forts autour de soi et être capable de travailler avec eux. Le président des Bruins, Cam Neely, est une icône à Boston, il connaît son hockey comme il connaît l'organisation. Mes adjoints Don Sweeney et Jim Benning pourraient être DG dans la LNH.

Jim Nill: Pour choisir votre équipe sur la glace, il faut repêcher et développer vos joueurs. Il vous faut de bons recruteurs pour le repêchage et de bons entraîneurs pour développer les joueurs. Pour le reste de l'organisation, il faut vous entourer des bonnes personnes et leur laisser la liberté de faire ce pour quoi vous les avez engagées.

Jarmo Kekäläinen: Je crois beaucoup dans le fait de construire son équipe par le repêchage. C'est le seul moment où vous pouvez acquérir des joueurs sans avoir de concurrence directe d'une autre équipe. Ça fonctionne, mais ça prend plus de temps. Pour les amateurs et le reste de l'organisation, vous devez toujours évaluer tous vos employés, savoir ce qui les motive et quel est leur plan de carrière.

Q: La plus grande qualité d'un bon DG?

Ken Holland: Il faut beaucoup de patience, de planification et de chance. Il y a toujours un élément de chance. Vous devez prendre des décisions qui vous donneront la possibilité d'être chanceux. La planification est une grande partie de notre travail. Le 1er juillet, on prend des décisions de plusieurs millions en quelques minutes, mais toutes ces décisions sont planifiées depuis des mois. Nous avons un grand tableau avec toutes les éventualités.

Peter Chiarelli: Être bien préparé. Quand je travaillais comme avocat, je devais être bien préparé dans mes dossiers. Ça m'aide à faire mon travail aujourd'hui, mais je connais aussi bien des DG qui ne sont pas avocats et qui sont aussi bien préparés.

Jim Nill: La patience. Les médias ont des attentes, les partisans ont des attentes, les entraîneurs ont des attentes, le propriétaire a des attentes. Vous êtes la personne au milieu qui doit répondre à toutes ces attentes qui peuvent être différentes. Si vous croyez en vos décisions, il faut vous donner le temps qu'elles puissent fonctionner.

Jarmo Kekäläinen: Être patient. Il faut aussi bien communiquer vos attentes à vos employés, et connaître les leurs.

Q: Utilisez-vous l'approche des données analytiques, comme l'approche moneyball au baseball?

Ken Holland: Un peu. Ça commence à faire son chemin au hockey. Le baseball est un sport à un contre un, mais les joueurs de hockey doivent former une unité cohérente. Il y a certaines données qui pourraient être intéressantes, mais nous sommes toujours en train d'analyser comment les utiliser.

Peter Chiarelli: Oui. Il y a toujours des gens qui nous apportent de nouvelles idées. Nous classons nos joueurs par notre système de recrutement, puis nous avons des informations supplémentaires avec des données analytiques. Sans entrer dans les détails, j'aime bien le différentiel de tirs au but et des chances de marquer, une sorte de «plus/moins» modifié.

Jim Nill: Oui, mais à la fin, c'est surtout l'évaluation de mon équipe interne qui joue un grand rôle dans nos décisions. Beaucoup d'équipes dans la ligue utilisent le système Pucks. Ces données m'ont parfois aidé pour évaluer un ou deux joueurs, puis on s'est rendu compte que ça ne marchait pas vraiment pour les deux joueurs suivants qu'on devait évaluer.

Jarmo Kekäläinen: Je regarde régulièrement ces données, mais je ne leur ai pas trouvé une grande utilité. Au contraire du baseball, le hockey n'est pas un sport qui se joue à un contre un, il y a tellement de réactions différentes sur la glace. Mais je continue à chercher très fort pour trouver des données qui nous procureront un avantage.

Plafond salarial et convention collective

Q: Comment gérez-vous le plafond salarial, et la hausse du plafond de 64,3 à 71,1 millions changera-t-elle vos plans?

Ken Holland: Comme c'est difficile de faire des échanges, vous devez présumer qu'un joueur que vous mettez sous contrat sera avec votre équipe durant toute la durée de ce contrat. De 1997 à 2005, il n'y avait pas de plafond salarial, mais nous devions respecter un budget. Mais il n'y a pas qu'une seule façon de faire. Certaines équipes dépensent davantage pour leurs joueurs d'impact, d'autres non.

Peter Chiarelli: Vous devez être très proactif. Que ce soit pour déterminer le rendement futur d'un joueur ou pour l'échanger, il faut prendre ces décisions plus tôt que dans un système sans plafond salarial. La hausse du plafond ne changera pas notre philosophie. La valeur des contrats de nos joueurs-clés augmentera à long terme, mais nous continuerons de dépenser notre argent intelligemment.

Jim Nill: Vous devez identifier vos quatre ou cinq joueurs d'impact et les mettre sous contrat à long terme. Nous avons un budget qui est inférieur au plafond, ce qui fait que la hausse du plafond ne nous affecte pas et que nous avons plus de flexibilité dans certaines situations. Chose certaine, nous regardons notre masse salariale tous les jours.

Jarmo Kekäläinen: C'est important de se garder de la flexibilité quant au plafond. Les contrats à deux volets peuvent aider à cet égard. Il faut se garder de la flexibilité afin d'être en mesure de prendre des décisions. La hausse ne changera rien, car nous avons un budget à respecter qui est inférieur au plafond. À mesure que nos jeunes joueurs vont s'améliorer, il faudra les payer plus cher, mais nous devrons respecter notre budget.

Q: Comment négociez-vous les contrats des joueurs?

Ken Holland: Je ne négocie jamais de contrats durant les séries, car je veux que nos joueurs restent concentrés sur les matchs.

Peter Chiarelli: J'essaie de garder les négociations privées, question de respecter nos joueurs et leurs familles. Pour nos joueurs d'impact, j'essaie de commencer à négocier plus tôt que tard.

Jim Nill: Vous devez connaître tous les aspects de vos joueurs, et aussi des joueurs des autres équipes, car les agents vont tenter d'établir des comparatifs.

Jarmo Kekäläinen: J'essaie de tenir compte du côté humain des joueurs. Certains veulent un contrat plus long pour avoir une sécurité d'emploi, mais en même temps, je dois gérer une entreprise. Je ne donne pas de clauses de non-échange facilement.

Q: Avec toutes les contraintes liées au plafond salarial, quelle est votre stratégie pour faire des transactions?

Ken Holland: C'est difficile de faire des échanges durant la saison. Nous prenons la plupart de nos décisions durant l'été.

Peter Chiarelli: C'est important de parler très à l'avance à mes homologues de l'idée d'un échange, pour qu'ils puissent digérer l'info. Il faut que les deux parties soient bien préparées. C'est déjà difficile de faire des échanges avec notre plafond salarial, mon approche est donc que les deux équipes puissent gagner avec un échange. Je veux prendre le temps de bien expliquer mon objectif à mon homologue.

Jim Nill: Avant, on échangeait un joueur contre un autre joueur. Maintenant, on échange aussi des contrats. Nous devons toujours connaître notre situation par rapport au plafond, mais aussi celle des autres équipes.

Jarmo Kekäläinen: Même si on veut gagner maintenant, je ne crois pas qu'il faille faire une transaction juste pour secouer son équipe. Il faut voir à long terme. Les directeurs généraux sont tous bons, on ne peut donc pas voler un joueur.

En rafale

Q: Votre routine un jour de match?

Ken Holland: J'arrive à 9h30 à l'aréna, je parle aux entraîneurs avant la séance d'entraînement, je ne regarde jamais notre équipe s'exercer, mais je reviens voir les entraîneurs après la séance. Jusqu'à la date limite des échanges, je passe l'après-midi à faire des téléphones, à faire de la planification. Durant les séries, je reviens à la maison l'après-midi, car je suis trop nerveux pour rester au bureau sans avoir trop de choses à faire.

Peter Chiarelli: Je regarde la séance d'entraînement, je parle à notre entraîneur Claude Julien. Je suis avec l'équipe la moitié du temps, je fais du recrutement sur la route l'autre moitié du temps.

Jim Nill: Je regarde les séances d'entraînement matinales des deux équipes, puis je parle à mes entraîneurs. Je travaille au bureau l'après-midi, je suis au téléphone avec nos recruteurs et nos entraîneurs des ligues mineures, puis je me dirige à l'aréna vers 16h. Durant le match, j'essaie de regarder les deux équipes, mais la plupart du temps, je ne regarde que mon équipe, car c'est difficile de regarder très attentivement deux équipes en même temps.

Jarmo Kekäläinen: Je regarde mon équipe s'exercer le matin, je parle aux entraîneurs, je dîne puis je vais m'entraîner. Ça fait du bien de décompresser en s'entraînant! Je travaille l'après-midi au bureau, je fais des appels, et puis le match commence.

Q: Combien de jours de congé avez-vous durant la saison?

Ken Holland: C'est plus tranquille de la mi-juillet à la mi-août, mais sinon, c'est un travail de sept jours par semaine. Quand on ne joue pas, je regarde les matchs des autres équipes, chez moi ou dans un bar sportif quand je suis à l'étranger. Je regarde le plus de matchs possible. Le hockey, c'est mon travail et ma passion.

Peter Chiarelli: Je dois superviser de 50 à 100 employés qui ont chacun leur vie et leurs problèmes, donc il faut être toujours disponible. C'est toujours un défi de prendre des jours de congé dans ce contexte. Quand l'équipe a une journée de congé, je tente de faire une journée de travail comprimée.

Jim Nill: C'est difficile à dire, car mon téléphone est ouvert 24 heures par jour. En plus de l'équipe, je dois superviser une vingtaine de dépisteurs et deux équipes des ligues mineures. Il y a toujours quelque chose qui se passe. J'ai parfois un dimanche de congé durant la semaine, mais mon téléphone reste ouvert.

Jarmo Kekäläinen: Nous n'avons jamais vraiment de jour de congé. Je regarde des matchs des autres équipes tous les jours. J'ai aménagé ma «man cave» au sous-sol, alors ma femme peut regarder ses émissions au salon.

Q: Qui est le meilleur DG de la LNH?

Ken Holland: Ce sont les 30 meilleurs gestionnaires de hockey au monde et ils sont tous extrêmement qualifiés. Vous ne pouvez toutefois pas juger un DG sur un horizon d'un ou deux ans, car il doit bâtir les fondations de son équipe. J'ai été chanceux, car j'ai commencé en 1997 avec l'équipe championne de la Coupe Stanley, mais la plupart des DG commencent avec une équipe au bas du classement.

Peter Chiarelli: Il y a beaucoup d'excellents DG. Vous venez de parler à Ken Holland, c'en est un. Les gars de l'équipe olympique canadienne aussi. À Montréal, Marc Bergevin a un super parcours et il va être un excellent DG.

Jim Nill: J'ai beaucoup appris de Ken Holland. Je respecte énormément tous les DG, car ils ont tous des réalités particulières. J'ai beaucoup de respect pour un gars comme David Poile (Nashville) qui a toujours eu une équipe compétitive dans un petit marché.

Jarmo Kekäläinen: Nous avons beaucoup à apprendre de Ken Holland et Lou Lamoriello qui sont là et connaissent du succès depuis très longtemps. Pour l'avoir côtoyé, je peux vous dire que Ray Shero travaille aussi très fort.