Aujourd'hui, après un bref passage dans les bureaux de la Ligue nationale de hockey, Pat LaFontaine est le nouveau président des opérations hockey à Buffalo. Le propriétaire des Sabres, Terry Pegula, lui a donné les rênes de l'équipe afin qu'il trouve un nouveau directeur général et qu'il donne à l'organisation un nouveau souffle.

Même dans ses nouvelles fonctions, le sujet des commotions cérébrales lui colle à la peau. Quand une carrière de 468 buts et 1013 points en 865 matchs a dû être interrompue - après 5 commotions cérébrales - à l'âge de 33 ans, cela ne surprend guère.

Avant Eric Lindros, Paul Kariya ou Keith Primeau, LaFontaine a été la première étoile de la LNH à avoir été contrainte à la retraite en raison des commotions cérébrales.

Tous ces noms ont été évoqués dans la poursuite civile entamée lundi par dix anciens joueurs de la LNH.

Comme il a tissé de bons liens avec les dirigeants de la ligue, pour lesquels il a travaillé brièvement dans les derniers mois, il semble peu probable que LaFontaine parte en croisade contre le circuit Bettman, en dépit de ses antécédents médicaux.

Cela dit, ce membre du Temple de la renommée aurait toutes les raisons d'en vouloir au personnel médical des Sabres au milieu des années 90, qui participait ni plus ni point à une culture de déni.

«En 1996, on m'avait donné le feu vert pour revenir au jeu même si je ressentais encore les symptômes d'une commotion cérébrale, se souvient LaFontaine. J'ai joué six matchs que je n'aurais jamais dû jouer (le premier d'entre eux face au Canadien).

«Je n'étais pas moi-même. Le monde s'écroulait autour de moi, et je ne savais pas quoi faire. L'entraîneur-chef Ted Nolan est le seul qui s'en soit rendu compte.»

Retirer de l'alignement son meilleur joueur même si les médecins le disent aptes à jouer; voilà un geste audacieux. Or, cette décision a peut-être changé le cours de la vie de LaFontaine.

Ce dernier n'est pas prêt à dire que d'avoir ramené Nolan derrière le banc des Sabres, il y a deux semaines, constitue un retour d'ascenseur. Mais la décision qu'il a prise à son endroit en 1996 lui a fait comprendre quel genre d'entraîneur Nolan était.

«Ce qu'il a fait pour moi n'est qu'un exemple, mais en même temps, il n'y a pas de petites choses dans la vie. J'ose à peine imaginer où je serais aujourd'hui si j'avais continué de jouer et que j'avais subi une autre commotion cérébrale.»

Le vice-président de la LNH, Bill Daly, a approché LaFontaine l'été dernier afin qu'il agisse comme conseiller sur les questions reliées à la sécurité des joueurs.

«Il m'a dit: "Je pensais t'embaucher pour deux ans avant que quelqu'un ne vienne te chercher. Je ne pensais pas que ça prendrait deux mois!"»

Ironiquement, c'est lors d'une rencontre traitant des commotions cérébrales que Terry Pegula et Pat LaFontaine se sont rencontrés. De fil en aiguille, il est apparu au propriétaire que l'homme de 48 ans était tout désigné pour faire maison nette chez les Sabres.

Même si son mandat de conseiller a été bref, la sécurité des joueurs continue d'interpeler LaFontaine.

«Nous avons une obligation dans ce dossier, dit-il. Personne n'est à blâmer, mais tout le monde est responsable. Tout le monde doit faire sa part pour s'assurer qu'aucun joueur ne perde sa qualité de vie après sa carrière.

«Plus on se débarrassera des coups à la tête et des situations pouvant menacer le cerveau ou même le cou, plus on protégera l'avenir des joueurs.»

Le même cauchemar

Depuis sa retraite, en 1998, c'est un sujet qui l'a suivi au fil de la rédaction d'un livre, de la mise sur pied d'une fondation et de nombreuses conférences prononcées.

Les commotions cérébrales, c'est la triste fable de LaFontaine.

«Il y a 20 ans, quand je jouais, les coups étaient l'équivalent d'une collision routière à 15 milles à l'heure à bord d'une berline, a-t-il illustré. Aujourd'hui, ce sont des collisions à 40 milles à l'heure à bord d'un VUS.

«Les joueurs sont plus gros et plus forts, si bien que l'impact est plus grand et les dommages aussi. La tête ne peut pas supporter de tels chocs.»

LaFontaine s'estime chanceux, presque 15 ans plus tard, de pouvoir vivre une vie normale.

«Des neurologues de la Clinique Mayo m'avaient dit à quel point j'avais été chanceux de ne pas subir un autre choc à la tête durant ces six matchs car il y avait de l'enflure sur le lobe frontal droit de mon cerveau. Je n'aurais jamais dû jouer au hockey.»

Par la suite, des syndromes post-commotion sont apparus et l'ont plongé dans six mois d'enfer. Dépression, maux de tête, crises de larmes, des jours dans les mêmes vêtements sans prendre la peine de se laver, une fatigue semblable au décalage horaire... Bref, le même cauchemar que tant de joueurs ont vécu après lui.

«Je n'avais ni vie ni enthousiasme, dit LaFontaine. Je suis chanceux que mon cerveau ait retrouvé son chemin car je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde.»

Et là-dessus, dix anciens joueurs lèvent la main.