Le neuropsychologue québécois Louis De Beaumont est le spécialiste nord-américain des commotions cérébrales dans le sport et il lutte depuis des années pour améliorer la sécurité des athlètes.

Il se demande néanmoins si le recours collectif intenté par d'anciens hockeyeurs de la LNH, dont Gary Leeman et Rick Vaive, a autant de chances de succès que celui intenté par d'anciens footballeurs de la NFL.

«Il y a des différences fondamentales entre les deux cas, confiait-il hier soir à La Presse. Dans le cas de la NFL, il a été prouvé que le médecin en chef de la ligue, le Dr Elliott Pellman, a délibérément caché les informations sur les dangers des commotions cérébrales. Je ne crois pas que ce soit aussi clair dans la LNH et je me demande s'il y a un cas de poursuite. À moins que les anciens joueurs ne sortent un lapin de leur chapeau.»

La dizaine d'anciens hockeyeurs allèguent dans la poursuite que la LNH a délibérément caché les risques de lésions cérébrales qui affectent les joueurs et les a exposés à des risques en refusant notamment d'interdire les bagarres et en prônant l'utilisation de durs à cuire dont la principale tâche consiste à se battre ou à asséner de violentes mises en échec à des adversaires.

La poursuite ajoute que la Ligue nationale de hockey fait la promotion d'une «culture de la violence» dans laquelle on encourage les joueurs à se battre et à viser la tête lors des contacts.

«Si j'étais avocat, j'estimerais qu'il y a matière à poursuite à compter du moment où la science a démontré hors de tout doute les dangers des commotions cérébrales sur les hockeyeurs. Cette preuve a été démontrée pour la première fois de façon claire en 2011 lorsqu'on a disséqué et découvert de larges plaques séniles dans le cerveau des trois durs à cuire décédés dans un intervalle de quelques mois: Derek Boogaard, Rick Rypien et Wade Belak.

«On y a découvert les mêmes symptômes qu'avec les 50 anciens footballeurs dont le cerveau a été disséqué et dont les résultats ont été présentés dans un documentaire sur PBS.»

Le Dr De Beaumont se réjouit néanmoins de cette initiative. «Ils ne règleront pas pour 700 millions comme dans le cas de la NFL parce que ce n'est pas le même marché, mais ça pourrait faire bouger les choses. La LNH est désormais au courant des risques grâce aux rapports médicaux et doit s'attaquer aux coups à la tête en interdisant les bagarres et en imposant des sanctions plus sévères à l'endroit de ceux qui donnent des coups à la tête.»

Dans un communiqué de presse émis hier soir, le bras droit du commissaire Gary Bettman, Bill Daly, a affirmé que la ligue prenait la chose au sérieux.

«Nous avons pris connaissance de la poursuite. Il s'agit d'un dossier très sérieux, mais nous estimons néanmoins que la LNH et l'Association des joueurs de la LNH ont toujours agi de manière responsable dans le domaine de la sécurité des joueurs, notamment au chapitre des coups à la tête et des commotions cérébrales. Nous entendons nous défendre vigoureusement et n'émettrons aucun autre commentaire à ce sujet pour l'instant.»

Simon Gagné se réjouit

Ancien attaquant des Flyers de Philadelphie, Simon Gagné, qui a été victime de nombreuses commotions cérébrales, se réjouit de la nouvelle.

«S'il faut une poursuite pour que ça débloque, tant mieux, confiait-il hier soir à La Presse. En tout cas, ça a ouvert les yeux dans la NFL. Ils font désormais plus attention et ils ont mis sur pied des programmes spéciaux.»

Gagné, au repos forcé parce qu'aucun club ne daigne lui offrir de contrat cette saison, est abasourdi par le degré de violence dans la LNH.

«C'est incroyable! On dirait que je vois au moins une nouvelle commotion cérébrale chaque soir. Je me sens presque mieux de voir ça de chez nous que sur la glace. Je sais ce que le joueur vit quand il reçoit un coup à la tête, j'ai fait huit commotions. Et je sais que c'est la raison pour laquelle je ne joue pas cette année. Les clubs à qui je parle me posent des questions et veulent me tester avant dans la Ligue américaine, mais je ne veux pas prendre cette chance à mon âge.»

La solution pour régler le problème est simple, selon Simon Gagné. «Tolérance zéro, clame-t-il. Accidentel ou pas, un joueur ne devrait pas avoir le droit d'en frapper un autre à la tête. Prenez les deux plus récents règlements pour améliorer la sécurité: les plaquages par-derrière et les bâtons élevés. Depuis que c'est tolérance zéro, les joueurs font plus attention. Pourquoi pas la même chose avec les coups à la tête?»

Voilà un dossier qui n'a pas fini de faire jaser...