Jean-Sébastien Giguère éclate d'un rire sonore au bout du fil.

Son interlocuteur vient de lui demander si ses coéquipiers se souciaient encore de leurs vacances dans le vestiaire de l'Avalanche du Colorado.

En avril dernier, le gardien a en effet provoqué une commotion de taille dans tout le Denver sportif en accusant certains de ses coéquipiers de se préoccuper davantage du voyage estival à Las Vegas que de la fin de saison de l'équipe.

Après neuf matchs cet automne, ce club, 29e au classement général l'an dernier, a une fiche de 8-1-0. Giguère, lui, a deux blanchissages en trois matchs.

Sa réaction hilare suffit à comprendre que la récréation est terminée à Denver depuis l'arrivée de Patrick Roy.

«Tout le monde se concentre sur ce qu'il doit accomplir sur la glace, les joueurs écoutent beaucoup plus...», lance le gardien de 36 ans.

«Il y a une nouvelle voix derrière le banc qui amène beaucoup d'énergie, dit Giguère. On sent que Patrick Roy fait équipe avec nous, il n'est pas de ces entraîneurs qui te font pousser des boutons avec leur attitude rugueuse et hautaine. Le fait d'avoir dirigé un club junior pendant huit ans fait de lui un excellent communicateur. Il aide les joueurs à gagner en confiance.»

Mais comment expliquer un tel départ pour un club dont la défense est constituée de Cory Sarich, André Benoit, Jan Hejda, Erik Johnson, Ryan Wilson et Tyson Barrie, qui sont tous, à l'exception de Johnson, des défenseurs de l'ombre?

«On joue une bonne défense d'équipe, répond Giguère. Tout le monde est responsable, les cinq joueurs s'appuient en zone défensive. Ce n'était pas le cas l'an dernier, alors que les attaquants étaient moins intéressés par le travail en défense. Les gardiens aussi, moi le premier, sont plus fiables.»

Giguère admet que cette bande de défenseurs méconnus en a souffert un coup au camp d'entraînement.

«Ç'a été un camp très, très dur pour eux. Mais on voit le fruit de leurs efforts aujourd'hui. Erik Johnson (premier choix au total en 2006) connaît une très bonne saison. Cory Sarich, obtenu des Flames, est en train à 35 ans de retrouver ses jeunes jambes. André Benoit est très efficace en supériorité numérique. Jan Hejda est notre défenseur le plus utilisé.»

La connexion Allaire

Impossible d'interviewer Jean-Sébastien Giguère sans évoquer la présence de son maître à penser François Allaire, embauché par l'Avalanche cet été.

Allaire a travaillé étroitement avec Giguère à Anaheim pendant plusieurs années, après avoir façonné le style de Patrick Roy à Montréal dans les années 80 et 90.

«François est non seulement un entraîneur exceptionnel, mais un avant-gardiste. Il a aidé notre gardien Semyon Varlamov à offrir des performances plus constantes en solidifiant ses acquis de base. Semyon a toujours été un grand travaillant, il lui manquait peut-être seulement quelques ajustements. François lui a donné des gestes à accomplir pour chaque situation qui peut survenir dans un match. Ce sont ces gestes routiniers sur lesquels on peut se rabattre quand on vit des moments plus difficiles.

«Semyon a montré beaucoup de détermination à l'entraînement. Il a passé une semaine en Suisse avec François au cours de l'été et il est venu nous rejoindre à Montréal, François et moi, pour deux semaines en août. Pour ma part, je sais que mes meilleurs jours sont derrière moi, mais François m'aide à garder un niveau acceptable afin que je puisse continuer de remplir efficacement mon rôle de réserviste.»

En six matchs, Varlamov a une fiche de 5-1-0, une moyenne de 1,68 et un taux d'arrêts de ,950.

Le jeu défensif collectif de l'équipe aide l'Avalanche à connaître autant de succès, mais Jean-Sébastien Giguère souligne néanmoins l'apport inestimable de deux joueurs: Matt Duchene et Ryan O'Reilly.

«Ce sont deux jeunes joueurs qui ont haussé leur jeu d'un cran et ils prennent l'équipe sur leurs épaules. Ce sont devenus deux vedettes dans notre ligue.»

Réaliste, Giguère prévient toutefois les fans de l'Avalanche de modérer leur enthousiasme. «On sait que ça ne durera probablement pas, on vivra inévitablement une période plus creuse, mais on se concentre sur l'instant présent et on apprécie les moments que l'on vit actuellement.»

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LA CARRIÈRE DE JEAN-SÉBASTIEN GIGUÈRE EN CINQ TEMPS

Whalers de Hartford

Choix de première ronde, 13e au total, par les Whalers en 1995. Il est l'un des quatre gardiens repêchés dans la première ronde, avec Martin Biron (16e), Brian Boucher (22e) et Marc Denis (25e). Giguère disputera seulement huit matchs à Harford avant d'être cédé aux Flames de Calgary avec Andrew Cassels, en retour de Trevor Kidd et Gary Roberts en août 1997.

Flames de Calgary

Le nouveau DG des Flames à l'époque, Craig Button, réalise un premier échange en envoyant Giguère à Anaheim en retour d'un choix de deuxième ronde, qui deviendra Matt Pettinger. Mais celui-ci sera repêché par Washington, qui obtiendra ce choix trois semaines plus tard en échange de Miika Elomo et d'un choix de quatrième ronde qui deviendra Levente Szuper. Button obtiendra donc Elomo et Szuper pour Giguère. Le premier a disputé deux matchs dans la LNH, Szuper aucun. Button craignait que Giguère ne soit pris par le Wild lors du repêchage de l'élargissement des cadres.

Ducks d'Anaheim

Le directeur général de l'époque à Anaheim, un certain Pierre Gauthier, voyait en Giguère, 23 ans, un diamant à polir. Le jeune homme retrouve François Allaire, qui lui enseignait pendant la saison morte. En neuf ans à Anaheim, Giguère atteindra deux finales, remportera une Coupe Stanley et un trophée Conn-Smythe et il participera au match des Étoiles en 2009. De quoi donner des cauchemars à Button, qui n'avait même pas d'entraîneur des gardiens à lui offrir à Calgary!

Maple Leafs de Toronto

À l'âge de 32 ans, Giguère ne figure plus dans les plans des Ducks, qui l'échangent aux Maple Leafs de Toronto en janvier 2010 en retour de Vesa Toskala et Jason Blake. Giguère y dispute deux saisons, alors que Toskala ne porte jamais l'uniforme des Ducks et que l'expérience «Blake» se révèle un fiasco total. Giguère connaît une solide fin de saison à Toronto, au point d'être nommé étoile de la semaine en février 2010. Giguère rejoint ainsi à Toronto... François Allaire, embauché par les Leafs six mois plus tôt!

Avalanche du Colorado

Jean-Sébastien Giguère est devenu un gardien auxiliaire, ralenti par les blessures, lorsque l'Avalanche du Colorado l'acquiert en juillet 2011 pour servir de mentor au jeune Semyon Varlamov. Après une saison pénible l'an dernier, il connaît un fort bon départ. Et qui donc est venu le rejoindre au Colorado à titre d'entraîneur des gardiens cet été? Monsieur François Allaire...

Photo Shaun Best, archives Reuters

Jean-Sébastien Giguère a remporté la Coupe Stanley avec les Ducks en 2007.