Tout le monde y va de son opinion sur les bagarres depuis la blessure de George Parros. Mais qu'en est-il des faits? La Presse s'est livrée à une analyse statistique des bagarres dans la Ligue nationale de hockey. Entre autres conclusions: la violence n'aide pas à gagner la Coupe Stanley, loin de là.

Les équipes peu bagarreuses ont gagné trois fois plus souvent la Coupe Stanley depuis 20 ans que celles qui misent sur des hommes forts et sur l'intimidation. C'est ce qui ressort d'une étude statistique des bagarres dans la Ligue nationale.

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Selon les chiffres compilés par La Presse, seulement 5 parmi les 20 dernières gagnantes de la Coupe étaient des équipes bagarreuses (c'est-à-dire des équipes qui se battaient plus que la moyenne l'année où elles ont gagné). Quinze fois sur vingt, l'équipe gagnante avait une moyenne de bagarres inférieure à celle de la LNH cette année-là.

Les Devils (1995 et 2000), l'Avalanche (2001), les Ducks (2007) et les Bruins (2011) sont les seules équipes bagarreuses qui l'ont emporté. Le reste du temps, la Coupe a été gagnée par des équipes peu enclines aux coups de poing. Au moment de leur sacre au printemps dernier, les Blackhawks de Chicago avaient par exemple livré 16 combats durant la saison, loin derrière le Canadien (25), les Canucks (28), les Bruins (32) et les Maple Leafs (44).

Les Red Wings ont eu un succès notoire durant cette période, remportant la Coupe à quatre reprise. L'équipe de Detroit a cependant toujours été parmi les moins bagarreuses du circuit, terminant souvent au dernier rang sur ce plan. Selon son directeur général, l'explication du phénomène est simple: en s'adjoignant les services d'hommes forts, les équipes se privent de joueurs plus habiles capables de marquer. Ken Holland estime que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

«Suis-je nerveux à l'idée d'évoluer maintenant dans l'Est? Voudrais-je avoir un dur à cuire dans mon effectif? Peut-être, a récemment expliqué le patron des Red Wings à des journalistes. Mais je n'ai jamais été séduit à l'idée d'avoir sur mon quatrième trio des joueurs unidimensionnels sans grand talent. J'imagine que je valorise les buts.»

La course à l'armement

Mais la vision de Ken Holland est loin d'être partagée par tous. De nombreuses équipes se sont adjoint les services d'hommes forts durant l'été, le Canadien parmi le lot.

Les chiffres démontrent par ailleurs que, contrairement à une idée répandue, les bagarres se portent bien dans la LNH. Même si elles sont en perte de vitesse historiquement, elles sont restées plutôt stables depuis 2006.

La baisse du nombre de bagarres se fait par paliers dans la ligue plutôt que de manière continue. La dernière chute d'importance remonte à la saison 2005-2006. Au retour du lock-out de 2004-2005, la règle de l'instigateur a été bonifiée, en punissant sévèrement les bagarres dans les cinq dernières minutes d'une partie. Dès la mise en place de cette règle, leur nombre a reculé de 41 %. Il a ensuite remonté les années suivantes et atteint un sommet post-lock-out en 2009, pour ensuite diminuer et se stabiliser.

Alors que les statistiques montrent que la bagarre ne paie pas, comment expliquer la survie du rôle de bagarreur? Comment expliquer que le nombre de batailles se maintienne? Les partisans des bagarres font valoir que les «redresseurs de torts» sont les seuls capables de maintenir un semblant de justice lorsque sont assénés des coups salauds non punis par les officiels. «Si on enlevait les bagarres, il y aurait bien trop de coups salauds», croit par exemple Georges Laraque.

Mais rien ne prouve que la présence de bagarreurs réduit ces «coups salauds». Milan Lucic n'était-il pas sur la glace lorsque Marc Savard a été victime d'un attentat de Matt Cooke?

Qu'importe, cette perception demeure chez la majorité des équipes. Les Oilers d'Edmonton ont fini la dernière saison avec seulement 13 bagarres, le plus petit nombre de la ligue. Plutôt que d'en faire un point d'honneur, la direction de l'équipe y a vu une faille.

Les Oilers viennent ainsi d'engager le bagarreur Luke Gazdic après avoir été malmenés par les Canucks lors d'un match préparatoire. Ces embauches créent un cercle vicieux.

«Je n'ai jamais cru à ça, l'idée d'embaucher un dur à cuire. Une équipe dure, c'est une équipe dure, note l'ancien joueur et entraîneur Guy Carbonneau. Ce n'est pas un gars qui se bat, qu'on laisse sur le bout du banc et qui joue deux minutes par match qui fait la différence.»

«Mais en même temps, si l'équipe à côté de nous a un goon, on va peut-être penser à en avoir un, nous aussi», dit-il.

La Ligue nationale reste donc le théâtre de cette course au goon. Il faudra voir si la nouvelle interdiction d'enlever son casque au cours d'un combat parviendra à faire diminuer le nombre de bagarres.

Il faudra aussi surveiller le passage à l'Est des Red Wings, l'équipe qui a porté dans les dernières années l'idéal d'un hockey sans bagarres. Pourra-t-elle résister à cette course à l'armement?