Le Canadien de Montréal et les Maple Leafs de Toronto s'affrontent ce soir dans ce qui pourrait être un prélude à une confrontation épique au premier tour des séries éliminatoires. Question de mettre les amateurs dans l'ambiance, La Presse revisite aujourd'hui la dernière conquête de la Coupe Stanley par l'équipe de la Ville reine et sa dégringolade, qui aura duré des décennies.

1967. Cette année-là, Montréal accueille l'Exposition universelle, la guerre des Six Jours éclate entre Israël et l'Égypte et The Doors lancent leur premier album. C'est aussi l'année - le 4 mai, plus précisément - où les Maple Leafs de Toronto ont mis la main sur la Coupe Stanley pour la dernière fois.

Après avoir été balayés par le Canadien la saison précédente, les Leafs ont surpris un peu tout le monde en prenant d'abord la mesure des puissants Black Hawks de Chicago, menés par Bobby Hull et Stan Mikita, avant de faire de même en finale avec le Tricolore, qui était champion en titre.

Pourtant, rien ne lassait croire que les joueurs en bleu et blanc auraient pu repartir avec les grands honneurs. L'équipe, vieillissante, avait terminé au troisième rang d'une LNH à six clubs et aucun joueur ne se trouvait dans le top 10 des meilleurs marqueurs.

«Ils étaient vieux à toutes les positions, avec seulement quelques joueurs prometteurs comme Jim Pappin, Pete Stemkowski, Larry Hillman et Bob Pulford. Aucun de leurs gardiens, Johnny Bower et Terry Sawchuk, n'avait pu jouer 30 matchs (la saison en comptait alors 70), et ils avaient dû utiliser cinq gardiens en tout à cause des blessures», explique Damien Cox, chroniqueur au Toronto Staret coauteur du livre '67, qui revisite cet improbable championnat.

Mais les vieilles jambes des Maple Leafs ont miraculeusement rajeuni, tant et si bien que tout ce beau monde s'est mis à jouer du hockey particulièrement inspiré. «C'était la dernière chance de connaître la gloire pour plusieurs joueurs de l'équipe, et ils en ont profité», souligne Cox.

«Soulagement et accomplissement»

Meilleur marqueur du club en 1966-1967 avec 52 points en 66 matchs, Dave Keon a aussi gagné le trophée Conn-Smythe, remis au joueur le plus utile à son équipe en séries éliminatoires. Il se souvient encore très bien du but inscrit dans un filet désert par le capitaine George Armstrong, qui confirmait la victoire des Maple Leafs en finale.

«On n'y croyait pas, raconte Keon, joint chez lui en Floride par La Presse. En même temps, on se disait que c'était impossible que Montréal compte deux fois avant la fin du match. C'était une incroyable sensation de soulagement et d'accomplissement.

«Personne ne pensait qu'on allait battre des grosses équipes comme Chicago et Montréal, poursuit le natif de Rouyn-Noranda. Mais quand tu gagnes un match, tu gagnes aussi en confiance. Nous avions aussi de bons gardiens en Bower et Sawchuk.»

Le début de la fin

Cependant, même avec cette conquête, l'atmosphère restait lourde dans le vestiaire des Leafs. L'intransigeance de l'entraîneur et directeur général Punch Imlach, de même que du désormais infâme propriétaire Harold Ballard, ont poussé plusieurs joueurs de l'édition championne vers la sortie. Leurs décisions, souvent motivées par la cupidité ou par un désir de vengeance personnelle, ont fini par transformer cette organisation autrefois auréolée en risée du hockey.

«Soudainement, tout s'est mis à dégringoler. Je ne sais pas ce qui s'est passé. J'imagine qu'il y a eu des décisions qui n'ont pas été les bonnes», dit avec réticence Dave Keon, qui a longtemps été en brouille avec les Leafs après son départ, en 1975.

Damien Cox, lui, est beaucoup plus critique.

«En 1967, [Imlach] était déjà dépassé dans ses méthodes d'entraînement et n'arrivait pas à s'ajuster à une culture changeante qui incluait la formation d'une association des joueurs. [...] Aussi, Ballard et [son associé Stafford] Smythe ont commencé à utiliser illégalement de l'argent venant de l'organisation pour leurs entreprises personnelles, ce qui a fini par envoyer Ballard en prison. Bref, les succès de l'équipe masquaient le fait que les Leafs étaient en train de s'écrouler comme puissance de la LNH.»

Mais voilà qu'après des décennies de sécheresse, l'espoir renaît peu à peu à Toronto. Reverra-t-on un défilé de la Coupe Stanley dans les rues de la ville pour une première fois en 46 ans cette saison? On pourrait fort bien avoir un début de réponse, ce soir, au Air Canada Centre.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Ron Ellis, Dave Keon et Larry Jeffrey. En 1967, Toronto n'avait aucun marqueur dans le top 10 de la LNH.