En rentrant chez lui, samedi soir après le match, Erik Cole a fait ce qu'il fait très souvent: il s'est assis devant la télé pour regarder la partie que le Canadien venait de disputer. Une humiliation de 6-0 gracieuseté des Maple Leafs de Toronto avec, à la clé, des combats sous le signe de la frustration, Mikhail Grabovski qui mord Max Pacioretty et le colosse Colton Orr qui sort le genou avec l'intention présumée de blesser Tomas Plekanec.

Se taper le film d'horreur de la soirée avait quelque chose de masochiste, car Cole a été un peu le visage de cette défaite en étant confiné au banc plus souvent qu'à son tour par l'entraîneur Michel Therrien.

Il était tard, mais Cole a empoigné son téléphone pour envoyer un message-texte à ses coéquipiers.

«Je leur ai dit: les gars, c'est notre premier passage à vide de la saison et toutes les équipes vont en vivre, a-t-il raconté à La Presse. Je leur ai promis d'être meilleur. Mais je leur ai aussi dit que je m'attendais à ce que tout le monde prenne le même engagement.

Le trio que le vétéran de 34 ans formait avec David Desharnais et Max Pacioretty a généré l'essentiel de l'attaque du Tricolore l'an dernier. Mais la magie n'opère plus cette année. Pacioretty n'a pas marqué en sept matchs, alors que Desharnais est embourbé dans le même sable mouvant que Cole.

«Je sais qu'en ce moment, il y a de la pression sur moi et sur certains de mes coéquipiers pour jouer mieux», convient l'ailier droit.

Au cumulatif, les trois hommes ont conclu la semaine dernière avec une mention d'aide, 17 tirs au but et un différentiel de -13 en trois matchs. Même si Therrien a fini par les séparer, samedi, Cole estime que les trois attaquants peuvent braver la tempête ensemble.

«Je me souviens d'un moment la saison dernière - nous étions en Floride - où Randy Cunneyworth nous avait approchés pendant une mauvaise séquence pour nous dire qu'il s'attendait à plus de notre part. J'avais fait préparer un montage vidéo de tous nos buts des deux mois précédents afin de comprendre ce que nous faisions pour connaître du succès. Nous avons eu un bon match ce soir-là et tout a redémarré.»

Encore un nouvel entraîneur

Les 11:09 que Cole a jouées samedi sont à une petite seconde d'égaler sa plus faible utilisation depuis qu'il joue à Montréal. C'est contre les même Maple Leafs, en début de saison dernière, que l'entraîneur s'était montré aussi avare dans son emploi.

À l'époque, tout le monde se demandait pourquoi Mathieu Darche, et non Cole, était employé en avantage numérique. Et que disait Cole de Jacques Martin à ce moment-là? Exactement ce qu'il nous a répété hier.

«C'est une nouvelle saison avec un nouvel entraîneur, a-t-il rappelé. Il y a toujours une période où l'entraîneur apprend à nous connaître et où nous apprenons à le connaître.»

Jusqu'à ce qu'il ait retrouvé sa zone de confort sur la glace, Cole aura de la difficulté à établir un lien avec son entraîneur. Mais n'allez pas conclure à une quelconque tension entre les deux hommes. Au contraire, Cole est heureux de voir la passion qui anime Therrien.

«On peut voir dans les yeux de Mike à quel point il est heureux de coacher. Je le regarde sauter sur la glace à tous les jours et, dès le premier entraînement qu'on a eu, je suis allé le voir pour lui dire combien l'expression sur son visage m'enthousiasmait.»

«Une question de confiance»

Les deux buts et les deux mentions d'aide accumulés en 11 matchs sont en parfaite concordance avec la façon dont Cole a commencé les saisons précédentes.

L'an dernier, il n'avait que deux buts et deux passes à ses 11 premiers matchs. En 2010-2011: deux buts et quatre mentions d'aide à ses 12 premiers matchs. En 2009-2010: deux buts et une passe en 14 matchs. L'année d'avant: trois buts et deux passes en 14 matchs.

Mais si, contrairement aux années passées, les choses ne se replaçaient pas? «Je sais que je suis encore capable et c'est à moi de le prouver, réplique l'Américain. Je le dois à mes coéquipiers, à mes entraîneurs ainsi qu'aux amateurs.

«Je crois honnêtement que ce qui se passe en ce moment est une question de confiance. Je ne garde pas possession de la rondelle suffisamment longtemps en zone offensive. Quand j'observe chacune de mes présences, je vois bien que je dois en faire plus.»

Therrien est bien au fait que Cole a la fâcheuse habitude de prendre une douzaine de matchs avant de se mettre en branle. Mais samedi matin, il reconnaissait à mots couverts qu'il n'avait pas le luxe, dans une saison écourtée, d'être aussi patient qu'il pourrait l'être lors d'un calendrier de 82 matchs.

«Je crois en la stabilité, d'autant plus qu'on ne peut pas demander à un trio de marquer deux buts par match, nous a dit l'entraîneur. Mais quand il n'y a pas de momentum généré par certains joueurs, c'est là qu'il faut prendre des décisions.»

Il est passé de la parole aux actes quelques heures plus tard.

La passion est encore là

D'aucuns s'inquiètent du langage corporel d'Erik Cole. Comme s'il y avait de la nonchalance dans son jeu. Ajoutez à cela le fait qu'il a dit, durant le lock-out, qu'il envisagerait la retraite si la saison devait être annulée, et on est en droit de se demander si Cole brûle encore du même feu.

Ce n'est pas un problème de passion, répond-t-il.

«Ça a été plus difficile de se remettre dans le bain cette saison après une aussi longue période d'inactivité. Nous n'avons pas eu de camp d'entraînement ni de matchs préparatoires pour réhabituer notre corps aux meurtrissures du hockey. Mais ce n'est pas une excuse car tout le monde vit la même chose.»

Il reste qu'il y a une certaine usure physique chez lui qui s'explique par ses années de service... et de sévices.

«Je dois m'assurer de ne pas laisser dégénérer certains bobos, sinon ce sera dur de reprendre le dessus.»

Photo Bernard Brault, La Presse

Souvent en déséquilibre ou pris à contre-pied, Erik Cole a offert une piètre performance contre les Maple Leafs, samedi.