Aux quatre coins du monde, des mordus de hockey poussent la rondelle dans les endroits les plus improbables. Qu'ils soient au milieu du désert, au coeur de la cohue chinoise ou dans les mégapoles sud-asiatiques, il en faut beaucoup pour décourager ces hordes d'expatriés de jouer au hockey. Portrait de quatre ligues de garage «exotiques» à travers des Québécois pour qui le sport national n'a pas de frontières.

Kuala Lumpur: équipes réduites, scores élevés

La patinoire est petite. Les parties sont disputées à trois contre trois. Et, comble de l'inconfort, il n'y a même pas de vestiaires pour les joueurs. Qu'importe. Dès son arrivée en Malaisie il y a un an et demi, Marc Vaillancourt s'est précipité pour intégrer les rangs de la ligue de hockey récréative de Kuala Lumpur.

«Peu importe où je suis dans le monde, je joue au hockey», dit celui qui, depuis son enfance, a aussi habité en Ontario, au Québec, à Vancouver, en Pologne, en Angleterre, au Texas et en Australie.

«Les Canadiens qui vivent à l'étranger ont le hockey dans le sang», remarque-t-il. Parfois même un peu trop. «Quand un arbitre sur la glace prend une décision qui n'a pas d'allure, tu as presque le goût de te choquer et de crier après lui, mais là, tu te dis: écoute, tu es en Malaisie et tu as la chance de jouer au hockey. Relaxe un peu et apprécie ce que t'as.»

Après tout, les ligues du genre sont aussi, pour plusieurs, une façon de s'amuser et de socialiser. «On a tous un job qui nous garde très occupés, observe celui qui est amené à voyager souvent dans le cadre de ses fonctions de vice-président principal Asie-Pacifique pour une entreprise du secteur pétrolier. Quand tu déménages dans une nouvelle ville, c'est facile de t'intégrer dans un réseau où instantanément tu te fais des amis.»

La ligue de hockey de Kuala Lumpur compte six équipes composées de Canadiens, d'Américains, d'Européens et de Malaysiens membres de l'équipe nationale. Les matchs ont lieu tard le soir sur la seule glace de la ville, située aux Sunway Pyramids, un centre commercial aux allures de Las Vegas. La superficie de la patinoire - les deux tiers d'une glace officielle - oblige les équipes à se limiter à trois joueurs de chaque côté, en plus des gardiens, ce qui donne lieu à des résultats élevés. «Un score typique, c'est 7-6, souligne le défenseur qui, en 12 parties la saison dernière, a amassé une vingtaine de points. Il y a moins d'espace et plus d'occasions pour attaquer et lancer au but.» À l'instar de plusieurs ligues, les mises en échec ne sont pas permises.

Marc Vaillancourt joue avec les Asian Tigers, une équipe nommée d'après son commanditaire, une entreprise de déménagement. «Le seul problème avec notre équipe, c'est que je me retrouve à porter le noir et le jaune, les couleurs des Bruins de Boston. Mais je porte le numéro 10 pour Guy Lafleur!»

Manille: jouer au centre commercial

Dans un centre commercial de la capitale des Philippines, quatre équipes de hockey s'affrontent deux fois par semaine. Et c'est un peu grâce à un Québécois. Arrivé au pays en 2006, Luc Vaillancourt est l'un des principaux fondateurs de la Ligue de hockey sur glace de Manille (MIHL).

Parce que le choix est mince et que les prix sont élevés, Luc Vaillancourt est arrivé à Manille avec son équipement de hockey. «Une belle patinoire de grandeur olympique venait d'ouvrir un an avant que j'arrive, raconte-t-il. Mais personne n'avait réussi à organiser des parties sur une base régulière, encore moins à mettre sur pied une ligue.» Avec une bande d'expatriés mordus de hockey, Luc Vaillancourt s'est entendu avec le gestionnaire du centre commercial pour obtenir du temps de glace régulier, de septembre à avril.

Si la patinoire est grande, les conditions de jeu ne sont pas pour autant optimales. Par les chauds jours de pluie, la brume s'invite sur la patinoire. Parfois, les matchs sont annulés à cause d'un bris de la surfaceuse. «La qualité de la glace est pitoyable, déplore le joueur des Rocky Mountain Café. Ils ne savent pas vraiment maintenir une belle glace. Les bandes sont croches, même si ça fait seulement sept ou huit ans que la patinoire est ouverte.» Et le vestiaire? «Il n'est pas assez grand pour contenir une équipe! lance-t-il. Les autres se changent sur des bancs devant tous les gens du centre d'achats.» Malgré tout, rien ne vaut, selon lui, le bonheur de se rendre à l'aréna en short.

Frère de Marc Vaillancourt [voir autre texte], Luc joue au hockey depuis sa tendre enfance. Lors de ses années universitaires en Grande-Bretagne, il a joué dans une ligue de haut niveau. Aux Philippines, il se frotte à un calibre fort différent et très variable. Contrairement à plusieurs autres ligues «d'expatriés», 60% des joueurs sont du pays. «Les Philippins sont très bons pour aller très vite et faire beaucoup de sparages, analyse le défenseur. Mais, ils le sont un peu moins pour faire des passes, lire le jeu et décocher des lancers de qualité. Et leur jeu est moins physique.» Mais, peu importe le calibre des joueurs, dans une ligue de quatre équipes tout le monde participe aux séries!

Shanghai: beaucoup de Québécois et quelques Chinois

Avec ses neuf équipes et ses quelque 150 joueurs, le Club de hockey de Shanghai (SHC) fait partie des ligues majeures du continent asiatique. L'ampleur de l'organisation a convaincu Jean-François Boulanger d'y donner ses premiers coups de patin. Car même s'il vient de Québec, c'est en Chine que le gardien de but a appris à patiner.

«Quand j'ai joint la ligue, je n'étais presque pas capable de patiner, se souvient-il. Je ne tenais pratiquement pas debout.»

Pourtant, même chancelant, le grand gaillard a été accueilli comme un sauveur. C'est qu'à Shanghai, on ne se bouscule pas pour être devant les buts. «C'est mieux d'avoir un gars qui se tient et qui ne bouge pas que d'avoir un filet désert», remarque celui qui rêvait, depuis l'enfance, d'arrêter les rondelles.

Comme les autres gardiens, Jean-François Boulanger n'est pas associé à une équipe. Il peut jouer jusqu'à trois parties par soir, dans six équipes différentes, car pour équilibrer les forces, les gardiens changent de côté en milieu de match. «Avant d'aller dans des tournois (à Bangkok et à Manille), je n'avais jamais gagné ou perdu de matchs de ma vie!», lance-t-il.

Bien que la ligue - ouverte aux femmes - soit composée essentiellement d'expatriés, on y trouve aussi quelques Chinois, qui ont appris le hockey dans le nord-est du pays.

La ligue de Shanghai a bien changé depuis ses débuts, en 2004, alors qu'un Suisse avait rassemblé quelques joueurs sur une piscine gelée après avoir publié une petite annonce dans un magazine local. Aujourd'hui, contrairement à plusieurs ligues du genre qui jouent dans des centres commerciaux, celle de Shanghai profite d'un grand aréna de 10 000 places. «La glace va de superbe à «il y a tellement de brouillard que je ne vois pas vraiment la rondelle si elle est de l'autre côté de la ligne rouge»», indique Jean-François Boulanger. Peu importe. Avec son gabarit, le gardien laisse bien peu d'espace où lancer, raconte-t-on sur le site internet du club.

Dubaï: du hockey dans le désert

«The coolest game in the desert». Le jeu le plus cool du désert, c'est le hockey, clament les joueurs de la ligue des Mighty Camels de Dubaï. Trois fois par semaine, Occidentaux et Émiratis se donnent rendez-vous sur l'une des deux patinoires de la ville pour disputer une partie amicale.

«Ce n'est pas tellement différent que de jouer dans une ligue de bière au Québec ou ailleurs, remarque Dave Barette, un Montréalais d'origine qui habite à Dubaï depuis 10 ans. Sauf que, quand vous sortez de l'aréna, c'est 30 °C, 40 °C ou même 50 °C l'été!»

C'est en cherchant une ligue de hockey pour son fils que Dave Barette est tombé sur cette ligue pour adultes, qui compte sept équipes formées à près de 70% de Canadiens expatriés. Les meilleurs joueurs de la ligue des Mighty Camels font eux-mêmes partie de l'équipe d'élite du même nom, qui est membre de la Ligue de hockey sur glace des Émirats (EHL), laquelle compte cinq équipes, dont deux composées presque exclusivement d'Émiratis.

L'an dernier, les Mighty Camels ont remporté le championnat de la EHL devant près de 5000 personnes qui s'étaient déplacées au Dubai Mall, le plus grand centre commercial du monde. «Il y avait beaucoup d'Émiratis qui étaient là pour soutenir leur équipe, souligne Dave Barette. Des hommes vêtus complètement de blanc et des femmes complètement de noir. C'était très beau à voir.»

Jouer à Dubaï a ses avantages. À quelques reprises, depuis 2005, Dave Barette et sa bande se sont mesurés à d'anciens joueurs professionnels comme Yvan Cournoyer, Mats Naslund et Eddy Shack, invités là-bas dans le cadre de la Semaine du Canada.

Âgé de 50 ans, ce directeur à la firme aéronautique CAE fait toujours partie des bons joueurs de la ligue. Jeune, Dave Barette a joué dans la ligue junior B de l'ouest de l'île de Montréal et a fait partie des Redmen de l'Université McGill.

À la défense, il a marqué deux buts la saison dernière, mais a récolté son lot de punitions. «Quand on joue avec des équipes d'Émiratis, ils ne sont pas habitués à un jeu qui est un peu plus agressif alors ils tombent ou ils font un peu comme au soccer: ils tombent par exprès. Ça, c'est mon excuse!», dit-il en riant.