L'histoire qui suit en est une de princesse. Ne tournez pas la page. On y parle aussi de hockey. En décembre 2011, La Presse a publié la photo de l'émouvante rencontre entre la «petite princesse de Sainte-Justine» et Hal Gill, alors joueur du Canadien. Aujourd'hui, la jeune demoiselle se porte mieux - comme quoi le dénouement heureux des contes de fées n'est pas réservé à l'univers de Disney.

«Comment vas-tu, princesse?» Un an après leur rencontre dans les couloirs de l'hôpital Sainte-Justine, la petite princesse retrouve virtuellement son prince charmant. Cette fois, elle peut rassurer son preux chevalier: elle va bien. Le «gros bobo» qu'elle avait au cervelet a été retiré quelques jours après la visite des joueurs du Canadien à l'hôpital Sainte-Justine, le 7 décembre 2011.

De Nashville, où il est établi depuis qu'il a été échangé aux Predators, celui qu'on qualifie dans le milieu de gentleman a joint Gabrielle Bleau-Côté par Skype, le 9 décembre dernier, à son domicile de Terrebonne. «J'espère que la saison débutera, alors je pourrai venir à Montréal et te dire bonjour», a dit le joueur, entouré de sa conjointe Anne et de leurs trois enfants.

Même si les deux familles sont restées en contact, la fillette n'avait pas revu le hockeyeur depuis la fameuse visite des joueurs du Canadien à Sainte-Justine. Ce jour-là, rien ne pouvait laisser croire que cette enfant de 4 ans, aux joues rosées et à l'air angélique, était atteinte d'un sombre mal. Pourtant... Gabrielle avait une tumeur de 2,5 cm au cervelet, un astrocytome pilocytique de type bénin, confirmeront plus tard les médecins. Mais, pour elle, ce n'était rien de plus complexe qu'un «gros bobo».

Le diagnostic

Quelques jours plus tôt, elle s'était plainte de violents maux de tête. Inquiets, ses parents l'ont emmenée à l'hôpital Le Gardeur. Le diagnostic est tombé. La mère a perdu connaissance.

C'était le 5 décembre. Gabrielle a été transférée sur-le-champ à l'hôpital Sainte-Justine. Son père n'y croyait pas.

«La veille, tu joues avec elle au ballon et le lendemain, ce n'est plus possible, constate Yves Côté avec tristesse. Me niaises-tu? C'est ce que j'ai répondu au docteur.»

Le jour de la visite des joueurs du Tricolore, la petite était en forme. Encore sous le choc du diagnostic, la famille ignorait que de la grande visite était attendue à l'hôpital ce jour-là. Pour divertir sa fille, Véronique Bleau lui avait apporté sa robe de princesse. Jouer à la princesse est, encore aujourd'hui, l'un de ses passe-temps favoris.

«Pour elle, tout de suite, ça a été: je mets ma robe et j'attends les joueurs des Canadiens, relate Mme Bleau. On n'en revenait pas. Mais qu'est-ce qu'elle connaît des joueurs des Canadiens? On n'écoutait pas particulièrement le hockey.» Ce que Gabrielle connaissait des Canadiens, c'était les éclats de joie des petits garçons de sa garderie les lendemains de victoire. Elle savait qu'elle avait affaire à des visiteurs d'importance.

Photo: Alain Roberge, La Presse

La rencontre

L'apparition de cette petite princesse, au détour d'un couloir du cinquième étage, a surpris les Mathieu Darche, P.K. Subban, Hal Gill et autres joueurs présents. «Quand elle nous a vus, elle s'est avancée vers nous dans sa belle robe de princesse, se souvient Hal Gill. J'ai donc pensé qu'elle aimerait être traitée comme une princesse.»

«M. Gill a une fille du même âge, alors je pense qu'il savait exactement comment se comporter avec une enfant de cet âge-là, remarque Mme Bleau. Il s'est tout de suite agenouillé, suivi du baisemain qu'on connaît. Et Gabrielle est entrée dans le jeu. M. Roberge [Alain, le photographe] lui a demandé si elle était une vraie princesse et elle a dit: "Oui, bien sûr". Elle en était convaincue.»

P.K. Subban a par la suite essayé d'attirer l'attention de la fillette. Mais celle-ci n'en avait que pour «Hal», son grand prince charmant de 6'7''. «Quand on fait ce genre d'évènement, on y pense toujours, souligne ce dernier. On ne voudrait pas que ça arrive à nos enfants.» Sans rien enlever aux autres enfants qu'il a croisés ce jour-là, Hal Gill admet que sa petite princesse avait quelque chose de spécial.

Photo: Alain Roberge, La Presse

De nombreux lecteurs de La Presse l'ont senti aussi. La photo de leur rencontre a été élue meilleure photo sportive de l'année dans La Presse, avant de remporter le prix Antoine-Desilets dans la catégorie Vie quotidienne. Dans les jours qui ont suivi sa publication, une véritable vague de solidarité a déferlé sur la famille Bleau-Côté. Des gens lui ont apporté des plats mijotés, des écoliers lui ont fait parvenir des cartes de soutien. Aujourd'hui, la photo trône dans la chambre de la fillette au milieu des toutous, des livres de contes et des figurines de princesses.

Touchés, les Gill lui ont fait parvenir un panier rempli d'objets de princesse. C'est Anne Gill elle-même, enceinte, qui s'est rendue à l'hôpital pour offrir le cadeau. Les deux familles devaient assister ensemble au spectacle Disney on Ice. Or, le 17 février 2012, Hal Gill a été échangé.

L'opération

La veille de l'opération, Gabrielle a dansé. Si l'intervention a été un succès, ses suites ont été difficiles. La codéine ne la soulageait pas et les médecins arrivaient mal à doser la morphine. La fillette en a perdu le sourire.

«Les médicaments l'ont fait enfler, explique sa mère. Elle était méconnaissable. Elle ne souriait plus.» Ce sont finalement les pitreries des Dr Clown qui parviendront à dessiner un sourire sur son visage. «Je suis sorti et j'ai pleuré dans leurs bras, confie son père. J'avais l'impression qu'elle venait de ressusciter.»

Photo: Alain Roberge, La Presse

Tout au long de son hospitalisation, Gabrielle était accompagnée de Poissonnette, un chat rose en peluche qui porte toujours sur son corps les marques du séjour à l'hôpital. «À la fin, on a mis un petit plastique [pansement] parce que j'avais mal à la tête et elle aussi, raconte-t-elle. Après, on allait mieux et on me l'a enlevé. Mais si on l'enlève, ça arrache tout son poil.»

La guérison

À sa sortie de l'hôpital, Gabrielle a dessiné un arc-en-ciel avec des anges qui dansaient autour. Pour ses parents, ces anges sont les médecins Louis Crevier et Alexander Weil, ainsi que tout le personnel de Sainte-Justine. Voulant à tout prix reprendre la danse, Gabrielle a enfilé son tutu deux mois plus tard. Et dire qu'au lendemain de l'opération, elle ne pouvait même plus marcher. Lors de son spectacle de fin d'année, quelques larmes ont coulé sur les joues de ses parents.

Aujourd'hui, Gabrielle fréquente la maternelle et a retrouvé l'énergie d'une enfant de 5 ans. Même si elle devra faire l'objet d'un suivi médical régulier jusqu'à l'âge de 18 ans, on peut pour l'instant affirmer que la princesse est guérie. Mais n'en déplaise à son prince charmant, elle n'est pas devenue fan de hockey pour autant.

Photo: Alain Roberge, La Presse