Un gamin aux cheveux blonds mouillés arrive en courant de sa pratique de hockey et laisse tomber son équipement à l'entrée d'une petite tente attenante à La Resega, l'aréna où joue le HC Lugano.

Le garçon âgé d'environ 12 ans ne veut surtout pas manquer Patrice Bergeron et Luca Sbisa qui, depuis plus d'une heure, signent des autographes sous une épaisse fumée de cigarette.

L'équipe conviait ses amateurs à «une chance unique de rencontrer deux stars» et plusieurs dizaines d'entre eux ont répondu à l'appel, approchant Bergeron tantôt en italien, tantôt en français, parfois en anglais.

Sbisa est un Suisse d'origine italienne déjà connu des fans locaux. Le défenseur des Ducks d'Anaheim est en terrain conquis. Mais ceux qui ne connaissaient pas l'attaquant des Bruins de Boston l'ont découvert la veille alors que le Québécois a récolté deux buts et quatre points dans un gain de 7-3 sur Langnau.

Belle première impression

Le garçon finit par obtenir les autographes convoités en se faufilant au milieu d'adultes qui sont nombreux à porter les couleurs jaune et noir du HC Lugano.

Eh oui. Jaune et noir. Comme les Bruins!

«C'est tout un hasard, s'exclame Bergeron. Je n'avais pas porté attention à leur logo auparavant, mais ça tombe bien. Peut-être que j'étais destiné à venir ici...»

Devant l'imminence du lock-out dans la LNH, l'agent de Bergeron avait entrepris des négociations avec Genève-Servette, mais le club s'est finalement entendu avec Logan Couture.

Ayant eu vent des pourparlers, Lugano a alors contacté Bergeron. C'était presque télépathique, car ce dernier entendait justement contacter la direction du club.

«Je n'étais jamais venu à Lugano mais des gars m'en avaient parlé comme étant LA place où jouer en Europe, explique-t-il. Nous sommes derrière les Alpes et il y a un microclimat qui rend le temps très doux. C'est un super bel endroit.»

Compétition et intensité

Il ne faut pas croire que Bergeron est venu en Europe parce qu'il s'attend à ce que le conflit soit long.

«Je voulais juste continuer à jouer», précise-t-il.

L'athlète originaire de L'Ancienne-Lorette a participé au premier match de la Tournée des joueurs, à Châteauguay, avant de boucler ses valises.

«Ce n'est pas que je n'étais pas emballé par la Tournée - au contraire, je trouve que c'est un très beau projet et que c'est très bien organisé. Mais entre les matchs, nous n'étions plus que quatre joueurs à nous entraîner à Québec, explique-t-il.

«J'avais besoin de retrouver au quotidien un certain niveau de compétition et d'intensité. J'ai besoin de ça pour être satisfait de mes performances.»

«Ça n'avance pas beaucoup»

Si c'est une question d'éthique professionnelle qui l'a incité à passer outre-Atlantique, Bergeron ne juge aucunement ceux qui préfèrent ne pas s'exiler.

«La situation de chaque joueur est différente, dit-il. Plusieurs gars ont des responsabilités, ils ont des familles, leurs enfants vont à l'école. Ils ne peuvent pas se déplacer, surtout que l'école est recommencée.

«Tandis que moi, je n'en suis pas encore là dans ma vie.»

Sa copine viendra le rejoindre mercredi prochain pour profiter d'un appartement donnant directement sur le lac de Lugano. Mais Bergeron ignore combien de temps il restera là. L'équipe suisse souhaite évidemment le garder toute la saison, mais sait-on jamais si le lock-out ne se réglera pas dans trois semaines...

«Ça n'avance pas beaucoup, constate le centre de 27 ans. Pourtant je crois que les joueurs ont démontré qu'ils ont l'esprit ouvert et qu'ils recherchent une entente équitable.»

En tout cas, Bergeron est prêt à rentrer dès demain. Même s'il est au paradis du hockey européen. Même s'il risque d'avoir d'autres matchs de quatre points. Même si, dans la rue, on le prend aisément pour un Italien.

Après tout, à Boston aussi il y a des jeunes qui veulent son autographe!