La présence de la LNH se fait sentir en Europe durant le lock-out. C'est particulièrement le cas en Suisse où se retrouvent en ce moment 23 joueurs ayant évolué dans le circuit Bettman l'an dernier. Durant la prochaine semaine, La Presse rencontrera diverses personnalités gravitant autour de la Ligue suisse, chacun avec ses motivations propres.

À Montréal, on surnommait Alex Kovalev «l'Artiste» bien avant que ne sorte le long métrage du même nom.

L'Oscar du meilleur film en 2012 raconte l'histoire d'une star du cinéma muet qui est reléguée aux oubliettes devant les progrès de l'industrie. Force est de constater que Kovalev a subi un sort semblable au hockey...

«Je ne suis pas très surpris, le hockey a tellement changé dans les dernières années!, soutient l'ailier de 39 ans. Tout est axé sur la jeunesse. On ne considère plus les joueurs d'expérience. Pour autant qu'un joueur patine vite et lance fort, c'est tout ce qui importe de nos jours...

«Même pour les joueurs d'un certain calibre, c'est difficile de survivre et de se trouver du boulot.»

Kovalev n'a pu obtenir un contrat de la LNH avant le lock-out. Il s'accroche à deux invitations à des camps d'entraînement. Et non, le Tricolore n'est pas l'une des deux formations à lui avoir fait signe.

«Le Canadien m'a dit qu'il me contacterait peut-être après le début de la saison, selon les performances de l'équipe, affirme Kovalev. Il y a quelques joueurs à qui il veut d'abord donner une chance.»

Il s'entraîne en Ligue B

Le Red Ice de Martigny, un club suisse de Ligue B, est en partie la propriété d'un homme d'affaires russe qui a persuadé Kovalev de venir patiner avec son équipe.

Un problème de permis de travail et une limite de deux joueurs non-suisses imposée en Ligue B l'empêchent toutefois de participer à des matchs.

Malgré ce léger inconvénient, Kovalev dit préférer être en Suisse que de participer à la Tournée des joueurs au Québec...

Le Red Ice s'est assuré les services du Suédois Patric Hornqvist, des Predators de Nashville. Mais depuis une semaine, la présence de Kovalev fait sensation à Martigny. Même ses coéquipiers demandent à être pris en photo en sa compagnie...

Ici, tout le monde est au fait de la légende Kovalev.

Mais avouons que c'est une étrange légende. Avec 1024 points en 1302 matchs, l'ancienne vedette du Canadien aura connu des années productives, mais n'aura pas dominé à la mesure de ce que son immense talent lui permettait.

Kovalev en est conscient: il aurait pu avoir une bien meilleure carrière.

«C'est sûr et j'y pense souvent, admet-il. Mes amis m'assurent du contraire, mais il y a un tas de choses que j'aurais pu faire différemment.

«Sans dire que j'ai démissionné sur moi-même, il y a des moments où j'en ai trop fait et d'autres où je n'en ai pas fait assez.»

Kovalev a toujours été un électron libre. Or, dans un contexte de sport d'équipe, cela peut parfois compliquer les choses.

«J'ai appris que personne n'allait s'ajuster à moi, que c'était à moi de m'ajuster aux autres. Ça m'a tué au cours de ma carrière.

«Pourtant, c'est en jouant mon style que je pouvais le plus aider mon équipe. Lorsque j'ai voulu m'ajuster aux autres, ça n'a fait qu'aggraver les choses.»

D'Ottawa à Moscou

S'il n'avait pu changer qu'une seule chose dans sa carrière, Kovalev aurait accepté l'offre de contrat du Canadien, à l'été 2009, plutôt que celle des Sénateurs d'Ottawa.

«Ç'a été ma plus grave erreur. Ma carrière a complètement changé de direction.»

Malheureux comme les pierres à Ottawa, il a vu son rendement piquer du nez. Il s'est finalement retrouvé avec dans la KHL l'année dernière, une expérience qui n'a duré qu'une demi-saison. Une blessure à un genou a convaincu l'Atlant de Moscou de racheter son contrat après qu'il eut récolté un but, six points et un différentiel de -13 en 22 matchs.

«Je me suis peut-être juste retrouvé dans la mauvaise équipe, mais la KHL est un environnement étrange, mentionne Kovalev. Cette année en Russie m'a fait vieillir de cinq ans à cause des voyages et des habitudes de vie. J'étais épuisé physiquement et mentalement.»

Kovalev espère désormais tabler sur les invitations qu'il a reçues à des camps de la LNH pour prolonger sa carrière de deux autres saisons.

«Lorsqu'on sait qu'on n'est plus capable de suivre le rythme ou de maintenir notre niveau de jeu, il n'y a pas de raison de s'accrocher, convient-il. Mais je me sens encore jeune et je sais que je peux encore jouer à ce niveau-là.»

Quelqu'un dans la LNH peut-il encore s'en laisser convaincre? Autrement, l'Artiste aura raté sa sortie de scène.

Dommage, quand même.