Tout est question de perceptions dans la vie.

Même s'il connaît une carrière fructueuse en affaires, qu'il est désormais père de trois enfants, plusieurs ont encore l'image d'un jeune hockeyeur immature. Les choses ont bien changé depuis.

«Il a joué des tours quand il était hockeyeur parce qu'il jouait à un jeu qui s'appelle le hockey, mais ceux qui le connaissent bien savent que c'est un gars super sérieux et méticuleux», confie Daigle, aujourd'hui âgé de 37 ans.

Daigle, qui a appris à le connaître intimement, a toujours été convaincu que Bergevin allait devenir directeur général d'un club de la Ligue nationale éventuellement, même à l'époque où il jouait encore des tours...

«C'était clair, répond-il. Il n'a jamais voulu faire autre chose. Sur le plan des connaissances du hockey, il était en avance sur les autres. Il analyse les choses différemment. Marc n'a jamais été le plus talentueux. Il était sixième défenseur dans les bonnes années, et septième dans les moins bonnes. Mais il comprenait son rôle et il l'acceptait. Quand tu acceptes ton rôle, ça en dit beaucoup sur quelqu'un.»

L'entraîneur des gardiens chez les Blackhawks de Chicago, Stéphane Waite, a côtoyé Bergevin au quotidien ces sept dernières années. Il ne tarit pas d'éloges à son endroit.

«Dans mon livre, c'était le seul candidat possible. Il a joué 20 ans dans la LNH, ça ne s'achète pas. Mais ce n'est rien comparativement à son flair. Il est capable de distinguer ceux qui atteindront la Ligue nationale de ceux qui n'y accéderont pas.

«Dans les meetings, il pouvait même nous prédire sur quel trio tel joueur allait aboutir, poursuit Waite. Ce qui est impressionnant, c'est qu'il frappait dans le mille presque à chaque fois. Tu peux connaître toutes les statistiques sur les joueurs, tout le monde peut faire ça, mais évaluer le talent, c'est beaucoup plus difficile.

Stéphane Waite affirme aussi que Bergevin arrive à Montréal avec une impressionnante liste de contacts.

«Non seulement ses connaissances sont impressionnantes parce qu'il sait tout des joueurs de la Ligue nationale et des mineures, mais il connaît tout le monde. En voyage, c'est hallucinant. On entre dans l'aréna et tout le monde vient le voir, du directeur général au préposé à l'équipement. Quand il voudra faire un échange, il pourra appeler 20 personnes pour obtenir une opinion sur un seul joueur, et il pourra le faire en l'espace de 30 minutes!»

Respect

Ian Laperrière, aujourd'hui responsable du développement des espoirs chez les Flyers de Philadelphie, n'a pas eu l'occasion de jouer au sein de la même équipe que lui, mais il l'a affronté régulièrement.

«Ce qui me frappe avec lui, c'est le respect qu'il inspire. Lors du dernier lock-out, Pat Brisson avait organisé une tournée en Europe et il coachait. Tu voyais qu'il s'entendait bien avec tout le monde. En plus, c'est un travailleur acharné. Ça fait deux ans que je me promène dans les arénas juniors et il est tout le temps là. L'an passé, je l'ai vu à Kitchener et un peu partout. Il n'est pas du genre à rester au bureau.»

Ian Laperrière estime qu'il saura redonner une image positive au Canadien.

«Le Canadien avait besoin d'un gars avec une telle personnalité. Oui, il était nerveux en conférence de presse, mais quand il sera à l'aise, vous allez tomber à la renverse en constatant la différence entre les deux gars. Dans le hockey d'aujourd'hui, c'est tellement important la communication, non seulement avec les journalistes, mais à l'interne. Pierre Gauthier qui vouvoyait les joueurs, je n'ai jamais vu ça. Ce n'est pas une marque de respect, c'est un manque de respect. On sait que ton DG est ton boss, pas besoin de se le faire rappeler à chaque entrevue...»

Marc Bergevin a droit aux fleurs aujourd'hui. Il a maintenant les clés du Centre Bell en main. Il verra rapidement qu'il n'a pas le droit à l'erreur. Parce qu'à Montréal, le pot arrive aussi rapidement que les fleurs...

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UN BLAGUEUR NOTOIRE

À l'époque où il jouait, Marc Bergevin était reconnu comme un redoutable joueur de tours, à l'image de l'ancien défenseur du Canadien Guy Lapointe. Bergevin s'est assagi avec les années, mais voici quelques-uns de ses classiques.

Une peur bleue!

«Alors qu'il était avec les Penguins de Pittsburgh, raconte Stéphane Waite, Marc s'était pointé le premier dans le vestiaire. Il n'y avait pas un chat. Il a eu l'idée de se cacher dans un long sac à bâtons avant l'arrivée des joueurs. Quand le responsable de l'équipement est venu chercher le sac et l'a ouvert, il a failli mourir d'une crise cardiaque lorsque Marc en est ressorti en criant!»

Un nouveau fan...

«Marc était en séries éliminatoires avec les Blues de St. Louis, qui perdaient deux matchs à zéro contre Phoenix, relate Ian Laperrière. La tension était à couper au couteau, paraît-il. Marc ne jouait pas, son nom avait été rayé de la formation. L'équipe était à Phoenix et l'autobus avait quitté l'hôtel en direction de l'aréna. Sans lui évidemment parce qu'il ne jouait pas. Il s'est déguisé en fan des Blues et il s'est installé au coin de la rue avec une grosse pancarte d'encouragement et il faisait mille signes en direction de l'autobus. Quand les gars l'ont reconnu... Il savait que ses coéquipiers étaient tendus et il voulait les détendre.»

Un article dévastateur!

À l'époque où il jouait pour les Blues, Bergevin avait comploté avec un journaliste pour inventer un faux article de journal qui démolissait le travail du DG Larry Pleau, racontait le Chicago Tribune récemment. Il s'est ensuite chargé d'insérer le faux article dans les coupures de presse remises au directeur général. Le pauvre journaliste a été couvert d'insultes avant que Bergevin ne révèle la vérité...»

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QUI EST MARC BERGEVIN?

> Âgé de 46 ans, il est né dans le quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal, le 11 août 1965.

> Défenseur, il a joué son hockey junior dans la LHJMQ avec les Saguenéens de Chicoutimi.

> Réclamé en 3e ronde (59e au total) par les Blackhawks de Chicago lors du repêchage de 1983.

> A porté les couleurs de huit équipes différentes (Chicago, Islanders, Hartford, Tampa Bay, Detroit, St. Louis, Pittsburgh et Vancouver) au cours de 20 saisons dans la LNH, de 1984 à 2004.

> A récolté 181 points (36 buts, 145 passes) et 1090 minutes de punition en 1191 matchs en carrière.

> A passé les sept dernières années au sein de l'organisation des Blackhawks comme directeur du personnel des joueurs, directeur du recrutement professionnel et entraîneur-adjoint, avant d'être nommé directeur général du Canadien.

Photo: archives PC

Marc Bergevin s'est déjà amusé à se cacher dans un sac à bâtons.